Le Liban retire les symboles du Hezbollah face aux appels croissants au désarmement
Des affiches proclamant "Une nouvelle ère pour le Liban" remplacent les portraits du groupe terroriste et de l'Iran, nourrissant l'espoir d'une reprise en main par l'État

Depuis plusieurs jours, l’armée libanaise a démonté des dizaines de banderoles représentant des dirigeants du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah et des responsables iraniens à Beyrouth, remplaçant nombre d’entre elles par des affiches célébrant l’entrée dans une « nouvelle ère » pour ce pays meurtri par la guerre.
Des images circulant sur les réseaux sociaux ont montré des soldats en uniforme retirant des drapeaux et des affiches du Hezbollah dans divers quartiers de la capitale, y compris des portraits de l’ancien chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, éliminé par Israël l’an dernier.
Le changement le plus notable est visible sur la route principale menant à l’aéroport international de Beyrouth, où d’immenses panneaux représentant Nasrallah et l’ancien secrétaire du Conseil militaire du Hezbollah, Hashem Safi al-Din – certains portant le slogan « Nous continuerons à attaquer » en référence aux hostilités avec Israël – ont été remplacés par de nouveaux messages annonçant « Une nouvelle ère pour le Liban ».
Dans la même veine, un panneau qui, depuis deux ans, affichait l’image de Qassem Soleimani, l’ancien commandant des Forces Al-Qods iranienne, tué lors d’une frappe américaine en 2020, a lui aussi été remplacé par un slogan évoquant un nouveau départ.
Le gouvernement libanais n’a publié aucun communiqué officiel concernant le retrait des symboles du Hezbollah. Toutefois, la chaîne de télévision libanaise Al-Jadeed a rapporté que les ordres émanaient du ministre de l’Intérieur, Ahmad al-Hajjar. Par ailleurs, mercredi, le Premier ministre Nawaf Salam a annoncé le lancement d’un projet de « réhabilitation de la route reliant l’aéroport au centre-ville de Beyrouth ».
Le retrait des banderoles et des symboles du Hezbollah dans les rues de Beyrouth a suscité un vif débat à travers le Liban. Un citoyen libanais a ainsi confié à la chaîne d’information saoudienne Al-Hadath que « la route menant à l’aéroport est le visage de la nation. C’est ce que voient les étrangers. Il est essentiel que ceux qui arrivent voient le vrai visage du Liban ».
Après avoir aperçu les nouveaux panneaux en se rendant à l’aéroport, le journaliste libanais Tarek Abu Zaynab a écrit sur X que ces derniers étaient « un signe clair : celui que le Liban s’engage sur une nouvelle voie, avec une vision unifiée ».
Si certaines réactions ont été positives, d’autres ont été hostiles. Le 13 avril, des images publiées en ligne ont montré plusieurs nouveaux panneaux incendiés, vraisemblablement par des partisans du Hezbollah opposés à ces changements symboliques.

Il est difficile de dire si ce projet s’est étendu à d’autres secteurs, notamment au district sud de Beyrouth (Dahiyeh), bastion du Hezbollah, où le groupe terroriste conserve son quartier-général et où les rues sont traditionnellement tapissées de drapeaux et de portraits à la gloire du groupe et de ses dirigeants.
« 2025 – L’année où seules les forces de l’État détiendront les armes »
Cette campagne très visible intervient alors que les déclarations en faveur du désarmement du Hezbollah se font de plus en plus pressantes. Malgré son affaiblissement par les frappes israéliennes, les États-Unis et Israël estiment que le groupe terroriste dispose encore de dizaines de milliers de membres armés et qu’il reste la force militaire la plus puissante du pays, surpassant même l’armée libanaise elle-même.
Le président libanais Joseph Aoun a déclaré cette semaine, dans une interview accordée au journal qatari Al-Araby Al-Jadeed, qu’il s’efforçait de faire de « 2025 l’année où l’État libanais sera le seul à détenir les armes ». Il a affirmé que le Hezbollah devait être désarmé et il a mis en garde contre le risque de voir le groupe être intégré à l’armée nationale comme une « milice au sein de l’armée ».
Le Premier ministre Nawaf Salam a exprimé des positionnements similaires dans une récente interview donnée au média saoudien Al-Arabiya, déclarant que le célèbre slogan libanais « Le peuple, l’armée et la résistance », une référence au Hezbollah, « appartient dorénavant au passé ». Il a insisté sur le fait que seules les institutions de l’État devaient être habilitées à décider des questions de guerre et de paix et à porter les armes.
Tous les deux ont été nommés à leurs fonctions ces derniers mois, malgré l’opposition farouche du Hezbollah, en raison de leur hostilité affirmée à l’égard du rôle militaire du groupe. Avant son accession à la présidence, Joseph Aoun avait dirigé pendant huit ans l’armée libanaise, souvent considérée par la communauté internationale comme le principal contrepoids institutionnel au Hezbollah.

Malgré la pression croissante, le Hezbollah conserve son influence grâce à ses alliés politiques. Le président du Parlement, Nabih Berri, qui dirige le mouvement chiite Amal, étroitement lié au Hezbollah, ne s’est pas encore exprimé publiquement sur la question du désarmement. Toutefois, selon la presse libanaise, Berri pourrait conduire des négociations avec le Hezbollah sur son arsenal.
Parallèlement, selon plusieurs médias libanais, l’armée libanaise aurait déjà commencé à démanteler des dépôts d’armes et des infrastructures militaires du Hezbollah au sud du fleuve Litani, où, en vertu de l’accord de cessez-le-feu avec Israël, les activités du groupe terroriste sont restreintes. En outre, en janvier, il a été rapporté que l’armée libanaise avait pris le contrôle d’un ancien site souterrain du Hezbollah, qui aurait servi de dépôt de missiles.
Mardi, la chaîne Al-Hadath a rapporté qu’environ 400 commandants de terrain du Hezbollah et leurs familles auraient récemment fui le Liban vers l’Amérique du Sud, par crainte d’être surveillés ou ciblés.
#Lebanon: The Beirut City Council has begun removing #Hezbollah flags, Amal movement flags, and posters that were displayed in public areas in Beirut. pic.twitter.com/tf50ERfL3d
— Dr. Fundji Benedict (@Fundji3) April 15, 2025
Washington accroît sa pression sur Beyrouth
Alors que l’élan interne au Liban visant à contester le statut armé du Hezbollah prend de l’ampleur, la pression internationale, en particulier celle des États-Unis, s’intensifie également. Morgan Ortagus, sous-émissaire spécial adjoint américain pour le Moyen-Orient, s’est rendue à deux reprises au Liban ces derniers mois. Lors de ces visites, elle a tenu des propos parmi les plus fermes jamais exprimés par des responsables américains contre le Hezbollah.
Dans ses entretiens avec les médias libanais, Ortagus a qualifié le Hezbollah de « cancer », ajoutant que « quand on a un cancer, il faut couper les parties infectées ». Après sa visite, le ministre libanais des Affaires étrangères a déclaré au journal saoudien Asharq Al-Awsat que les responsables américains avaient clairement fait savoir aux dirigeants libanais qu’aucune aide internationale ne serait accordée tant que l’État libanais n’aurait pas obtenu le contrôle complet et exclusif de toutes les armes se trouvant sur son territoire.

L’avenir du Hezbollah : Une tâche complexe
Malgré la pression, une grande incertitude demeure quant à savoir si le Hezbollah sera véritablement désarmé.
Enraciné dans la société libanaise depuis plus de quarante ans, le Hezbollah bénéficie d’un large soutien au sein de la communauté chiite. Au-delà de ses capacités militaires, il gère un vaste réseau social : écoles, cliniques, structures financières surnommées « la banque du Hezbollah », ce qui consolide son influence.
Sur le plan politique, le Hezbollah conserve une influence significative. Outre ses liens étroits avec le président du Parlement, Nabih Berri, le groupe et ses alliés continuent d’occuper des postes clés au sein du gouvernement libanais. Bien que le nombre de ministres alignés sur le Hezbollah ait diminué par rapport à l’ancien cabinet, ils représentent encore environ un cinquième du gouvernement actuel, ce qui leur permet de peser sur l’élaboration des politiques et de freiner toute réforme d’ampleur.
Dans une interview accordée le 16 avril à Al-Araby Al-Jadeed, le président Aoun a exprimé cette inquiétude, affirmant qu’il n’avait aucun intérêt à « faire exploser la situation ou à provoquer un conflit interne ». Ses propos traduisent une crainte largement partagée au Liban : celle de voir ressurgir des violences sectaires, après deux guerres civiles dévastatrices qui ont profondément marqué la société.
L’accent mis sur le dialogue reflète à la fois un choix stratégique et une prise de conscience lucide de la fragilité des équilibres internes du Liban. Si de nombreux membres de l’élite politique appellent désormais publiquement à limiter la présence armée du Hezbollah, rares sont ceux qui estiment qu’une solution pourrait – ou devrait – être imposée par la force.

L’avenir du Liban reste incertain. Si les gestes symboliques à Beyrouth et les déclarations audacieuses de dirigeants nationaux et étrangers montrent un frémissement, démanteler l’ancrage du Hezbollah dans les structures politiques et sociales du pays sera bien plus ardu que de simplement retirer ses drapeaux des rues.
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