Le maire de Téhéran met en garde contre le mécontentement des Iraniens
Moins de 43 % d'Iraniens ont voté aux législatives, soit le plus faible taux de participation à un tel scrutin depuis 1979 - et un indice du degré d'insatisfaction de la population

L’abstention record aux législatives de février en Iran est un signe du mécontentement des citoyens vis-à-vis de la situation générale du pays, qui « peut être une menace pour tout le monde », a prévenu le maire de Téhéran Pirouz Hanatchi dans un entretien avec l’AFP.
L’Iran doit faire face à une récession brutale, conséquence du rétablissement des sanctions américaines à son rencontre en 2018. Sans oublier qu’il est le pays du Moyen-Orient le plus touché par la pandémie de Covid-19.
Moins de 43 % d’Iraniens ont voté aux législatives, soit le plus faible taux de participation pour un tel scrutin depuis la révolution islamique de 1979, après la disqualification de milliers de candidats réformateurs ou modérés.
Les élections se sont soldées par un raz-de-marée conservateur ayant fait perdre au président Hassan Rouhani, qui fait figure de modéré, la majorité qu’il avait constituée avec l’appui des réformateurs.
« La participation aux élections est un indice du degré de satisfaction de la population », a déclaré M. Hanatchi, à la tête d’une ville de plus de 8 millions d’habitants.
« Quand il y a du mécontentement vis-à-vis du gouvernement ou de l’Etat, cela s’étend ensuite à tous, jusqu’à la municipalité » de Téhéran, a-t-il dit dans cet entretien accordé mardi, à moins d’un an de la présidentielle devant avoir lieu au printemps 2021.

« Pas normale »
Nombre d’analystes ont vu dans l’abstention de février le résultat d’une crise de confiance liée à l’échec de la politique d’ouverture à l’Occident menée par M. Rohani, au scandale causé en janvier par le drame de l’avion de ligne ukrainien abattu « par erreur » près de Téhéran et aux disqualifications massives de candidats.
La lassitude des électeurs « peut être une menace pour tout le monde, pas uniquement les réformateurs ou les conservateurs », avertit de façon sibylline M. Hanatchi, proche du camp réformateur.
Selon le Fonds monétaire international (FMI), le PIB iranien devrait se contracter de 6 % en 2020 après avoir plongé de 7,6 % en 2019. Et la monnaie iranienne ne cesse de dégringoler face aux principales devises internationales, ce qui alimente une forte inflation.
« Nous faisons de notre mieux, mais la situation dans laquelle nous nous trouvons n’est pas normale », a dit le maire. « Nous sommes sous sanctions et dans une passe économique difficile. »
Alors qu’il parle dans son bureau, les cris de quelques dizaines d’éboueurs manifestant devant la mairie pour réclamer des mois de salaires ou pensions selon eux impayées montent jusqu’à ses oreilles.
M. Hanatchi minimise la manifestation, estimant que des rassemblements de ce genre, on peut en voir devant « les mairies de n’importe quel autre pays ».
L’Iran est entré en récession au deuxième semestre 2018, après que le président Donald Trump eut dénoncé l’accord international sur le nucléaire iranien conclu en 2015 et annoncé le rétablissement des sanctions contre Téhéran que la précédente administration avait accepté de lever en vertu de ce pacte.

Contre virus et pollution
Les sanctions américaines privent l’Etat iranien des recettes de la manne pétrolière et ont fait fuir les investisseurs qui avaient fait le pari de venir ou revenir en Iran après l’accord de 2015.
La situation intérieure iranienne s’est empirée avec la pandémie de Covid-19. La République islamique d’Iran a annoncé ses premiers cas de patients le 19 février, deux jours avant le scrutin.
La maladie a fait depuis plus de 12 000 morts sur quelque 248 000 personnes contaminées, selon les chiffres officiels iraniens.
Et le pays semble encore loin de s’être libéré du fléau. Affichant une tendance de hausse depuis des semaines, le nombre quotidien de décès vient de toucher un nouveau record avec 200 morts annoncés mardi.
Dans ces conditions, nombre d’habitants de Téhéran préfèrent recourir à leur voiture plutôt que d’affronter la promiscuité des transports en commun, ce qui n’arrange en rien le problème persistant de la pollution atmosphérique.
Contraint de devoir concilier lutte contre la pollution et contre le virus, M. Hanatchi dit craindre que les restrictions à la circulation automobile imposées de nouveau en mai dans le centre de Téhéran pour réduire les émissions toxiques n’aient pour effet de bonder les transports en commun aux heures de pointe, favorisant la progression du virus.