Le parlement palestinien : l’épine dans le pied d’Abbas
Hamas et Fatah utilisent tous deux le défunt Conseil législatif palestinien pour régler des différends avec le président de l'AP
Elhanan Miller est notre journaliste spécialiste des affaires arabes

Se sentant de plus en plus marginalisé dans le gouvernement d’union, le Hamas met le cap sur l’autorité législative défunte, où il jouit d’une majorité numérique, afin de marquer des points politiques contre le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas.
Paralysé depuis 2007, le Conseil législatif palestinien (CLP) de 132 sièges n’a jamais vraiment fait partie du jeu politique d’Abbas. Mais tout cela est en train de changer en raison de la pression croissante de ses rivaux du Hamas et de l’opposition interne au sein de son propre parti, le Fatah.
Un responsable du Hamas, Salah Bardawil, a déclaré dimanche que son mouvement allait rassembler les membres du CLP vivant à Gaza pour discuter de « la légitimité du gouvernement d’unité. » Bardawil s’est plaint de ce que ce gouvernement de technocrates qui a prêté serment le 2 juin et qui est dirigé par Rami Hamdallah, marginalise Gaza dans ses allocations budgétaires et ses services.
« Nous allons également discuter de la légitimité du président palestinien Mahmoud Abbas étant donné son mépris pour les clauses de l’accord de réconciliation, et examiner l’avenir de ce Conseil si les groupes parlementaires dirigés par le Fatah continuent de rejeter une véritable représentation. »
Le Hamas a remporté la majorité lors des dernières élections législatives palestiniennes en janvier 2006, gagnant 74 des 132 sièges au parlement. Un gouvernement d’union éphémère dirigé par Ismail Haniyeh avait été sanctionné par les Etats-Unis et par Israël et s’était effondré avec la prise de contrôle violente de la bande de Gaza en juin 2007 par le Hamas.
Le Conseil législatif palestinien, dont les membres restent divisés entre Gaza et la Cisjordanie (26 sont actuellement dans les prisons israéliennes), n’a pas été convoqué depuis l’été 2006. Mais Ahmad Bahr, vice-président du CLP, a déclaré que celui-ci se réunirait cette semaine malgré le refus répété d’Abbas de convoquer le Parlement en violation de l’accord d’unité qui l’oblige à le faire.
« Le gouvernement d’union nationale n’a pas rempli ses obligations envers la bande de Gaza et ses habitants ; il a fait preuve de discrimination entre les deux parties de la nation palestinienne » a déclaré Bahr.
Hillel Frisch, un expert sur la politique palestinienne au Centre Begin-Sadate d’études stratégiques de l’Université Bar Ilan, doute que le Hamas soit en mesure d’atteindre le quorum légal nécessaire (la moitié des membres du Parlement, plus un) compte tenu des députés du Hamas en prison et de l’incapacité de ces mêmes députés à se déplacer librement entre Gaza et la Cisjordanie.
Bien que négligeable en termes pratiques, la convocation du Conseil législatif sans l’autorisation de Abbas reviendrait de fait à une abrogation de l’accord d’union conclu cet été avec le Fatah, a fait valoir Frisch.
« Abbas ne peut guère être davantage gêné par le Hamas que ce qui s’est déjà produit, » a déclaré Frisch au Times of Israel. « Sur le plan tactique, le Hamas cherche à embarrasser Abbas quant au paiement de leurs 40 000 employés [dans la bande de Gaza] y compris les 16 000 agents de sécurité qui n’ont pas été payés de manière intégrale depuis plusieurs mois. Je pense que tout est lié à cela : les salaires. »
Mais le Hamas n’est pas la seule faction à utiliser le sujet du Parlement pour régler ses comptes avec Abbas et son gouvernement. Le 10 novembre, le Conseil législatif a publié une déclaration sévère condamnant le gouvernement pour avoir mis hors la loi le syndicat des travailleurs du secteur public et d’arrêter son chef, Bassam Zakarneh, et son adjoint, Mueen Ansawi.
« Le groupe des blocs parlementaires exige l’arrêt immédiat de ces mesures contre le syndicat des travailleurs du secteur public. Ils considèrent les récentes décisions émises par le comité juridique du bureau du président illégales quant à la légitimité de l’activité syndicale. Les seules autorités pour ces décisions sont les autorités législatives et juridiques » dit la déclaration.
Deux jours plus tard, le secrétaire général du Conseil législatif Ibrahim Khreisheh, un membre du Conseil révolutionnaire du Fatah, a accusé directement Hamdallah de restreindre illégalement les libertés civiles en Cisjordanie ; et principalement la liberté d’association. Il a appelé ouvertement à un sit-in en face du bâtiment du Conseil législatif à Ramallah.
Abbas, en réponse, a immédiatement ordonné l’arrestation de Khreisheh pour «offense au Premier ministre ». Le mandat d’arrêt a été révoqué par le président de l’AP samedi sans explication aucune.
Mais tout le monde ne met pas forcément la faute sur Abbas lui-même quant à l’état de stagnation politique. Munther Dajani, politologue à l’Université Al-Quds à Abu Dis, a déclaré qu’il serait politiquement impossible pour Abbas de convoquer le Conseil législatif tant que 26 députés restent dans les prisons israéliennes, et 16 d’entre eux – tous membres du bloc parlementaire du Hamas « Changement et réforme » – en détention administrative.
« La force d’occupation est indifférente à permettre au Conseil législatif de fonctionner, » a déclaré Dajani au Times of Israel dans un entretien téléphonique. « Comment pouvez-vous organiser une réunion pendant que vos frères et collègues croupissent en prison ? Ce n’est pas une question de quorum ou de chiffres, c’est une question de principe. »