Le patrimoine juif à l’honneur dans les villes ibériques
Des célébrations sur le thème de la Pâque juive se multiplient dans les villes d'Espagne et du Portugal. Objectif : attirer les touristes et leur manne financière
En plein centre-ville de la cité portugaise médiévale de Medelim, deux jeunes mariés vêtus de l’habit traditionnel séfarade dansent au rythme d’un orchestre de musique ladino.
A proximité, des membres de l’ordre des Templiers défilent en capes blanches et cotte de mailles tandis qu’un arlequin sur pilotis sautille autour d’un pôle surmonté d’une étoile de David.
La scène pourrait paraître ordinaire aux yeux d’une personne vivant à Medelim il y a 500 ans, à l’époque où la ville comptait en son sein une large population juive séfarade. Mais entre-temps, Medelim a été désertée de sa population juive. Leur mémoire est désormais évoquée uniquement par des acteurs engagés par la municipalité pour jouer des rôles dans des pièces faisant revivre la période de la « Pâque juive et chrétienne » – un événement culturel annuel, organisé le mois dernier par la municipalité de Medelim pour la seconde fois de son histoire.
L’initiative intervient quelques mois seulement après l’adoption par le Portugal et l’Espagne de la loi sur la naturalisation des Juifs séfarades et témoigne de l’intégration croissante du patrimoine juif séfarade dans la culture dominante. Le nombre de festivals célébrant la culture juive, souvent programmés pour les fêtes juives de Pessah et Souccot, est en forte hausse dans ces deux pays.
« Au Portugal, le public ignore l’importance de la part de la culture juive dans nos racines culturelles. Ainsi, les événements qui proposent de faire connaître les traditions juives au public sont les bienvenus », déclare Jose Antonio Oliveira, professeur de géographie à l’Université de Lisbonne.
Mais cette mise à l’honneur du patrimoine juif a également un intérêt financier. En effet, les responsables locaux espèrent que ces événements redoreront le blason de ces villes et attireront les touristes.

Le département du tourisme de Medelim a décidé de produire Mor Karbasi, l’étoile montante de la scène musicale israélienne, pour une représentation unique en ladino. Vin casher, fromage et matsa ont été mis en vente dans plusieurs échoppes du marché médiéval mis en place autour de l’enceinte du festival. A proximité, un hôtel-boutique nommé Sefarad a également été inauguré pour l’occasion.
« La fête juive combinée à la popularité de nos restaurants et de notre artisanat sont une occasion idéale de distinguer Medelim, ce qui va générer des revenus économiques pour notre région », a déclaré Albano Pires Marques, le président du conseil local de Medelim, en marge de l’événement.
Des événements similaires mettant à l’honneur le patrimoine juif ont été organisés dans plusieurs villes de la péninsule ibérique, vidées de leur population juive depuis fort longtemps.
Au mois d’octobre, les villes de San Juan et de Rio Jerte, situées dans le nord-ouest de l’Espagne, ont organisé leurs premières fêtes de Souccot. Au menu des festivités, cuisine juive, marché artisanal mais également un faux mariage traditionnel juif.
L’année dernière, la ville espagnole de Ribadavia a accueilli son premier seder casher de Pessah depuis des siècles. Les convives, majoritairement des non-Juifs, ont pu participer au dîner, présidé par un historien juif et organisé par des responsables du secteur touristique, pour la modique somme de 40 dollars par tête.
Au mois de février, les députés du parti au pouvoir en Espagne ont soumis un projet de loi au Parlement de la région d’Andalousie, qui encouragerait la tenue de mariages juifs dans la synagogue de Cordoue, datant du XIVe siècle. Objectif : promouvoir le tourisme local.
Cependant, tous ne voient pas d’un bon œil ce soudain enthousiasme autour du patrimoine juif.
Selon le rabbi Daniel Litvak de la ville de Porto, au nord du Portugal, l’événement de Medelim est né du « désir de véhiculer l’idée selon laquelle les Portugais conservent en mémoire les coutumes juives », alors qu’en réalité, le festival « n’a rien à voir ni avec Pessah ni avec le judaïsme ».

Même son de cloche du côté d’Abigail Cohen, une Israélienne propriétaire d’une boulangerie dans la ville de Hervas, au nord de l’Espagne. Selon elle, les organisateurs de ces manifestations sur le thème de la culture juive sont davantage obsédés par les bénéfices financiers, que par le patrimoine juif.
« Récemment, on a pu assister à un sérieux regain d’intérêt des municipalités et d’autres groupes autour de festivités juives, en particulier pendant les fêtes juives », a déclaré Cohen, qui a élu résidence en Espagne il y a 30 ans. « Tout simplement car ces événements engendrent des profits et attirent la foule ».
« La ville se transforme en un village médiéval juif pendant quatre jours entiers », a déclaré Cohen.
Si les activités ludiques sur le thème de la culture juive sont les bienvenues, précise-t-elle, les organisateurs se montrent moins ouverts quand il s’agit de fournir des explications plus approfondies sur les fêtes juives et ses coutumes pendant le festival.
« Ils n’étaient pas intéressés », affirme Cohen. « Le seul élément qui trouvait grâce à leurs yeux, c’est l’aspect touristique. »
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