Le personnel de Léviathan n’a pas saisi le danger mortel d’une fuite de gaz
Dans un rapport accablant, la société britannique engagée pour évaluer les dysfonctionnements affirme que la plateforme n’est pas en mesure d’en assurer la sécurité
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

Une société d’ingénierie britannique engagée par le ministère de l’Énergie pour enquêter sur une longue liste de dysfonctionnements sur la plateforme de gaz naturel Léviathan en début d’année a constaté que le personnel de la plateforme n’avait pas mesuré la gravité de la fuite de gaz du 2 mai qui, si elle s’était enflammée, aurait pu provoquer « d’importantes pertes humaines ».
La société, RPS, a été embauchée après plus de 30 pannes survenues au cours des cinq premiers mois de l’exploitation commerciale de la plateforme, qui est entrée en activité le 1er janvier. Elle a constaté que l’opérateur Noble Energy Mediterranean Ltd, basé au Texas, avait échoué à évaluer et assurer la sécurité de façon appropriée, ainsi qu’à mener des enquêtes et à produire des rapports sur les incidents survenus. La société a déclaré que Noble devait entreprendre « un travail considérable » pour remettre les pendules à l’heure.
Les résidents des environs de la plateforme, située à 9,7 kilomètres au large de Césarée sur la côte méditerranéenne du nord d’Israël, ont été plusieurs fois alertés des problèmes, lorsqu’une torchère, utilisée pour brûler l’excès de gaz, a provoqué une boule de feu dans le ciel.
Une torchère est un dispositif de combustion de gaz installé sur les plateformes pour permettre à l’excès de gaz d’être brûlé en toute sécurité en cas de dysfonctionnements afin d’éviter que la pression s’accumule.

Un rapport très technique rédigé en anglais a été publié lundi par le ministère de l’Énergie, contenant des listes de recommandations avec des délais d’application. RPS a déclaré avoir utilisé la fuite de gaz du 2 mai afin d’évaluer le processus d’enquête des incidents.
Les experts du ministère de l’Énergie qui ont visité la plateforme le 5 mai ont été informés par le personnel que l’incident n’avait pas été important.
À l’inverse, le rapport d’évaluation ultérieur de Noble Energy a révélé que « l’incident aurait pu provoquer d’importantes pertes en vies humaines si la fuite s’était enflammée ».
RPS a écrit : « Nous sommes tout à fait d’accord avec ces conclusions, qui étaient évidentes pour RPS dans le rapport initial. Le fait que cela n’ait pas été évident pour le personnel de Noble Energy est très préoccupant. »
RPS a poursuivi : « Au moment de la rédaction de ce rapport, il n’existe toujours pas de rapport d’enquête détaillé sur cet incident… Cela engendre des inquiétudes quant au processus d’information et d’investigation des incidents, ainsi qu’au contenu et à la qualité du rapport d’investigation. »
Après les incidents, le personnel est tenu de remplir un rapport « Five Why’s », a déclaré RPS. Mais plutôt que de s’attaquer aux causes profondes, ceux-ci se contentent généralement des seules « causes apparentes ».

Fait louable, les leçons tirées des enquêtes sur les incidents sont partagées avec l’ensemble de l’équipe, mais elles ne sont cependant pas intégrées dans la planification prévisionnelle, afin d’anticiper que le problème pourrait se reproduire ailleurs sur la plateforme et être évité à l’avance.
L’équipe de direction de la plateforme ne semble pas très au point sur les normes de sécurité de fonctionnement, et a confirmé que certaines évaluations de sécurité obligatoires n’avaient pas été effectuées, a déclaré RPS.
Dans la base de données de Noble Energy, les documents d’évaluation des risques ne sont pas indexés, de sorte que le personnel de la plateforme n’a pas pu les trouver. Lorsqu’on leur a demandé de localiser l’analyse des dangers pour la plateforme gazière Tamar, ils ont de nouveau échoué.
« Nous pensons qu’il est essentiel que tout le personnel ait une bonne maîtrise des processus de sécurité » a déclaré RPS. « Il est essentiel que les personnes responsables de la supervision aient la capacité de trouver et de comprendre les évaluations des dangers qui ont été réalisées pour la plateforme Leviathan et expliquent sa structure. Or il est évident qu’une proportion significative du personnel de supervision ne maîtrise pas ces informations ; nous considérons la gestion de cette plateforme très en-deçà des bonnes pratiques pétrolières. »

L’équipe britannique a également constaté que le personnel n’avait « presque aucune conscience » de la nécessité de vérifier que l’équipement et les systèmes embarqués fonctionnaient correctement et en toute sécurité. Cela aussi représente « un non-respect majeur des normes internationales et des bonnes pratiques pétrolières ».
RPS a écrit, « dans l’ensemble, le personnel de la plateforme ignore presque complètement les exigences de contrôle. Certains ont improvisé des « déductions éclairées » pour répondre aux questions des enquêteurs, mais dans l’ensemble, il est évident qu’aucun effort n’a été fait pour former le personnel. »
Parce que Noble Energy ne s’était pas correctement préparé pour le processus de contrôle une fois que la plateforme serait opérationnelle, « la plateforme a lancé les activités de production sans preuve que sa structure de fonctionnement respectait les exigences standard. L’équipe d’exploitation se retrouve ainsi dans une situation où un travail considérable est nécessaire pour que le processus de contrôle fonctionne. »
De plus, le RPS n’a trouvé « aucun élément attestant » qu’une évaluation des risques de cybersécurité ait été effectuée.

Un communiqué de Noble Energy Mediterranean Ltd a déclaré : « Les partenaires de Léviathan se félicitent de l’audit effectué par le ministère de l’Énergie pendant la phase de démarrage de la plateforme de production Léviathan. L’audit a été réalisé en pleine coopération et en toute transparence, comme indiqué dans le rapport. Nous avons l’intention de mettre en œuvre les recommandations d’amélioration réclamées par le rapport conformément aux délais fixés. »
Le communiqué a ajouté que le projet Léviathan est « l’un des projets d’infrastructure les plus complexes de l’histoire de l’État d’Israël ». Il a déclaré que Noble Energy avait « prouvé son professionnalisme et sa fiabilité » pendant 22 ans, au cours desquels elle avait fonctionné « au plus haut niveau de sécurité opérationnelle et de fiabilité ».