Israël en guerre - Jour 431

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Interview

Le plaidoyer du conseiller de Lapid, Yair Zivan, en faveur de la modération politique

Dans ce recueil d'essais réuni par le conseiller politique étrangère du chef de l'opposition, le centrisme est présenté comme l'unique réponse aux problèmes israéliens

Yair Zivan, le conseiller en politique étrangère du chef de l'opposition Yair Lapid, a rédigé un nouvel ouvrage en faveur du renforcement du centre en politique. (Crédit : Itzik Biran/autorisation)
Yair Zivan, le conseiller en politique étrangère du chef de l'opposition Yair Lapid, a rédigé un nouvel ouvrage en faveur du renforcement du centre en politique. (Crédit : Itzik Biran/autorisation)

En novembre 2022, celui qui était alors chef de l’opposition, Benjamin Netanyahu, l’emportait, avec sa coalition de partis ultranationalistes et religieux, sur le Premier ministre Yair Lapid et ses alliés, ouvrant ainsi la voie au gouvernement le plus à droite qu’ait connu Israël.

Revenant sur son passage au pouvoir dans un des essais publiés dans le tout niuveau « The Centre Must Hold », de son conseiller de politique étrangère, Yair Zivan, Lapid explique que, si les membres de sa coalition étaient issus de partis allant de la gauche laïque à la droite pro-implantation, « du moment où le gouvernement s’est formé, tout le monde a appartenu au centre. »

« Le centre n’est pas une version limitée de la droite ou de la gauche, mais un système politique optimiste adossé à l’idée que des gens qui ne sont pas d’accord peuvent néanmoins travailler ensemble à la poursuite d’un objectif commun », a écrit Lapid.

L’argument développé par Lapid, et par nombre d’autres dirigeants politiques ou penseurs qui ont apporté leur contribution à cette anthologie, tourne autour du fait que le centrisme est une idéologie à part entière qui cherche « l’équilibre entre les contradictions de la vie
moderne », en prenant de bonnes idées à droite comme à gauche, et non à imposer un centre artificiel.

C’est une idée qui tient à cœur à Zivan, l’artisan de cette anthologie. A l’occasion d’une interview dans un café chic d’un quartier huppé du nord de Tel Aviv, le Britanno-Israélien de 39 ans explique au Times of Israel en quoi il pense qu’un centrisme plus affirmé est l’unique bonne réponse aux problèmes d’Israël et du monde, en des temps marqués par un clivage politique débridé.

L’entretien a été condensé et remanié pour plus de clarté.

The Times of Israel : Ce qui revient dans la quasi-totalité des essais de votre livre, c’est l’idée que le centrisme n’est pas qu’un point médian entre la gauche et la droite, mais quelque chose d’unique.

Yair Zivan : J’irais même plus loin. Ce n’est pas que le centrisme ne soit pas seulement un point médian. Le milieu n’est qu’un point du spectre politique que les politiciens cherchent à trouver parce que c’est pratique, politiquement parlant. C’est une vision de court terme, car si vous cherchez le milieu, vous êtes entraîné par les extrêmes.

Yair Zivan (Elad Malka / Avec l’aimable autorisation d’Elliott & Thompson)

Le centrisme, en revanche, postule que nous avons en commun des valeurs et des principes qui nous guident.

Ce n’est donc pas purement pragmatique ? Il y a une idéologie derrière tout ça ?

Un véritable cadre idéologique. Il y a, dans le livre, des exemples évidents que je peux évoquer rapidement. L’un est l’engagement indéfectible en faveur de la démocratie libérale et de ses institutions, et de leur protection.

Ce qui implique de lutter pour une presse libre, même si vous n’êtes pas toujours d’accord avec ce que l’on écrit sur vous. De lutter pour un système judiciaire indépendant, même si vous n’appréciez pas toutes les décisions de la cour. De prendre comme elles sont les institutions et les fondements de la démocratie libérale et de les protéger, parce que les extrêmes et les marginaux de la politique ont tendance à soutenir les institutions quand elles vont dans leur sens et à s’en éloigner quand elles les gênent.

Mais le centrisme est aussi pragmatique ?

Être pragmatique, prêt au compromis, est une qualité qui permet aux démocraties libérales de bien fonctionner.

Yair Lapid (à droite) consulte son conseiller en politique étrangère, Yair Zivan. (Autorisation)

Je donne toujours cet exemple : que choisir entre l’adoption d’une mesure exactement comme je la souhaite, avec 51 % des voix, ou avec 75% des voix, mais 80 % de ce que je voulais initialement ? Je vais choisir cette deuxième option. Non pas parce que je le dois, mais parce que je préfère un consensus plus large.

Pourquoi ? Parce que cela crée une politique plus durable, parce que cela crée un environnement politique plus sain et parce que je peux apprendre des choses de personnes qui ne pensent pas comme moi. Et aussi parce que faire les choses petit à petit fait qu’elles sont plus durables et que la population les trouve plus facile à accepter et à changer, le moment venu. Et il y a aussi une dimension de patriotisme libéral, qui est à mon sens une idée on ne peut plus centriste : nous sommes de fiers patriotes.

Un patriotisme sans chauvinisme alors ?

Exactement. Sans chauvinisme, nationalisme ou besoin de haïr les autres.

Le centrisme et la droite dure sont les deux principales forces politiques en Israël aujourd’hui. Pas seulement en Israël, mais en beaucoup d’autres endroits. La véritable ligne de démarcation en Israël, passe aujourd’hui entre deux visions très différentes du pays, et ne se réduit pas nécessairement à la coalition et à l’opposition.

Il y a des membres de cette coalition aujourd’hui en Israël qui sont plus proches de nous que de Ben Gvir ou Smotrich. Ce sont eux qui feront tomber ce gouvernement.

Vous êtes très critique à l’égard de ce gouvernement.

Le 7 octobre, le gouvernement était introuvable. Aux abonnés absents. C’est ce qui arrive avec un gouvernement populiste et extrémiste incapable de faire face aux complexités de la gestion d’un pays, encore plus en temps de crise.

Des Israéliens manifestant contre le gouvernement actuel et appelant à des élections législatives anticipées, devant de la Knesset, à Jérusalem, le 18 juin 2024. (Crédit : Noam Revkin Fenton/Flash90)

Alors, que doit faire le centrisme pour se présenter comme une alternative viable au populisme ?

Les centristes doivent être capables de comprendre les craintes et insatisfactions des gens.

Le fait que quelqu’un en Europe vote pour un parti d’extrême droite ne fait pas de lui un raciste. Les gens s’inquiètent de l’immigration et des technologies qui leur prennent leur emploi. Au lieu de tout rejeter en bloc, il nous faut comprendre ces peurs et expliquer ensuite : « Les [populistes] vous proposent des solutions simplistes. »

Il nous faut mettre dans nos messages la même passion que les radicaux et les populistes mettent dans leurs messages de peur.

Comment cela s’est-il traduit en politique pendant la période où Lapid était au pouvoir ?

Prenons l’exemple de la mise en œuvre d’une politique. Ça commence par se dire que les idées des autres peuvent être bonnes. Peu importe que cela vienne de Marx ou de Hayek. Si l’idée fonctionne, c’est l’essentiel.

Tout le monde sait que, pendant le Covid, nous avons eu besoin de davantage de dépenses publiques pour aider les entreprises. Cela ne veut pas pour autant dire que nous sommes favorables à l’aide publique aux entreprises ou que nous sommes contre la liberté des marchés. Mais si l’idée est de trouver les meilleures solutions pour obtenir les meilleurs résultats, alors on prend des mesures qui tournent autour de cette idée.

Le chef de l’opposition Yaïr Lapid dirigeant une réunion de son parti Yesh Atid, à la Knesset, à Jérusalem, le 10 juin 2024. (Crédit : Sam Sokol/Times of Israel)

Dans le gouvernement de l’époque, il y a avait des personnes de tous les bords politiques, de la gauche à la droite, de très bonnes personnes de tous les partis — de très bonnes personnes qui ont bien travaillé.

Ce n’est pas une question idéologique : l’idée n’est pas de dire que seuls les centristes font de bonnes choses. Simplement que les centristes sont meilleurs que les extrêmes pour gouverner. Mais nous devons en faire plus pour mettre en valeur ceux qui font du bon travail.

Et en termes de relations internationales et de nos relations avec les Palestiniens, qu’en est-il ?

Là encore, les visions peuvent être très contrastées. Mais à chaque fois, il faut se poser la question du résultat. Commencer par l’objectif.

L’objectif, pour moi, s’agissant des Palestiniens, c’est d’assurer la sécurité d’Israël. En tant que patriote israélien, c’est là que je commence. Que dois-je faire pour que la sécurité d’Israël soit la meilleure possible ? Je vous rappelle que nous prônons une solution à deux États.

Mais je crois que nous en sommes éloignés depuis le 7 octobre. Il faudra plus de choses pour que cela devienne une réalité, c’est sûr. Mais revenons au point de départ : on commence donc par définir ce qui est le mieux pour la sécurité d’Israël, pas par dire qu’il faut à tout prix parvenir à une solution à deux États parce que c’est ce que veut la communauté internationale.

Alors, que faire aujourd’hui ?

La principale menace qui pèse sur Israël, aujourd’hui – je crois la plupart des gens en conviendront -, c’est un Iran nucléaire et l’hégémonie iranienne au Moyen-Orient, la menace que cela représente.

Un camion militaire iranien transportant des pièces d’un système de missiles de défense aérienne S-300 lors d’un défilé militaire dans le cadre d’une cérémonie marquant la Journée annuelle de l’Armée du pays, à Téhéran, le 17 avril 2024. (Crédit : Atta Kenare/AFP)

Et si c’est bien le cas, alors notre priorité numéro un est de lutter contre. Mais comment ? A travers une large alliance régionale contre l’Iran passant par (a) un certain compromis sur la question palestinienne, et (b) des relations fortes, durables et bipartites avec les États-Unis.

Je suis très choqué de l’état de nos relations étrangères, en ce moment, que ce soit avec l’Europe ou les États-Unis, à un moment pourtant capital pour notre sécurité. Ces relations devraient être bien meilleures.

L’une des critiques faites au gouvernement d’unité de Lapid était son attention excessive sur la gouvernance quotidienne plutôt que sur la résolution des grands problèmes auxquels Israël est confronté.

Oui, je pense que c’est une critique vraiment juste de notre gouvernement. Je crois que cela ne tenait pas au fait qu’il était diversifié, plutôt à la faiblesse de notre majorité.

Nous aurions peut-être pu faire plus s’il y avait eu moins de huit partis, un peu plus resserrés, avec une majorité plus solide.

Le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid (à gauche) et le Premier ministre Naftali Bennett lors d’une réunion du Conseil des ministres au cabinet du Premier ministre, à Jérusalem, le 3 novembre 2021. (Crédit : Marc Israel Sellem/POOL)

En quoi pensez-vous avoir réussi ?

Ce qui est bien avec le centrisme, c’est qu’il permet de sortir de ses habitudes.

Et quand je repense à notre passage au ministère des Affaires étrangères [Lapid a d’abord été ministre des Affaires étrangères du Premier ministre Naftali Bennett ], l’une des plus grandes choses que nous ayons accomplies est d’avoir innové sur le plan diplomatique et fait des choses inconcevables en diplomatie traditionnelle. Le Forum du Neguev est né d’appels téléphoniques et de conversations sur WhatsApp entre ministres des Affaires étrangères.

« The Centre Must Hold », sous la direction du conseiller de politique étrangère du chef de l’opposition Yair Lapid, Yair Zivan. (Autorisation)

Est-il possible de construire une autre coalition comme celle-ci ?

La question de savoir si le centrisme est une approche politique durable à long terme pose celle de savoir se remettre de ses défaites, se reconstruire, revenir au gouvernement et tenir ses promesses. Et je pense que c’est ce que nous faisons.

En fait, je pense que si l’on considère le centrisme en Israël, il y a un vrai retour en force du camp centriste. Et si je devais dire, sur la base des sondages d’opinion d’aujourd’hui, avec des élections organisées maintenant, quel serait le prochain gouvernement, alors je dirais centriste. Centre-gauche, centre-droit, mais centriste dans sa philosophie.

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