Le programme nucléaire iranien, une obsession de 20 ans pour Netanyahu
Dès 2005, le Premier ministre déclarait qu'Israël devait "tout faire pour empêcher l'Iran" d'obtenir la bombe atomique, évoquant déjà la possibilité de frappes militaires

L’attaque israélienne de vendredi contre l’Iran marque l’aboutissement de près de vingt ans de menaces du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a révélé avoir initialement prévu de frapper en avril.
L’offensive survient alors qu’une rencontre avait été annoncée pour dimanche entre Etats-Unis et Iran à Oman, pour tenter de parvenir à un accord sur la question nucléaire iranienne.
« Nous sommes assez proches d’un bon accord », avait déclaré jeudi le président américain Donald Trump, ajoutant, à propos des Israéliens : « Je ne veux pas qu’ils interviennent (car) cela ferait tout capoter. »
M. Netanyahu, qui n’a jamais caché son hostilité vis-à-vis de ces discussions, a passé outre.
Washington dit avoir été informé par Israël en amont de ses frappes. Celles-ci ne semblent pas avoir incommodé outre mesure M. Trump, qui a appelé vendredi Téhéran à « conclure un accord avant qu’il ne reste plus rien ».
Menahem Merhavy, de l’Université hébraïque de Jérusalem, « doute qu’Israël ait pu faire ça si les Etats-Unis lui ont dit non » et soupçonne un possible « accord du genre vous (Washington) négociez, et nous (Israël) on s’occupe de frapper ».
« Le moment choisi est logique puisque Israël ne cesse de tailler des croupières à l’Iran depuis un an et demi », dit M. Merhavy à l’AFP en référence aux opérations militaires d’Israël hors de ses frontières face à l’Iran et ses alliés régionaux depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 suite au pogrom mené par le mouvement islamiste palestinien du Hamas, soutenu par Téhéran.
L’attaque contre l’Iran « n’est pas le fruit du hasard et j’ai ordonné l’élimination du programme nucléaire iranien il y a six mois », a confirmé M. Netanyahu : « Il fallait agir et j’ai fixé la date de mise en oeuvre pour la fin du mois d’avril 2025 (mais) pour diverses raisons, cela n’a pas fonctionné. »
L’obsession du Premier ministre israélien à l’égard du programme nucléaire iranien ne date pas d’hier.
Décembre 2005 : moins de deux mois après le tollé international provoqué par l’appel du président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, à « rayer Israël de la carte », M. Netanyahu, alors dans l’opposition, déclare que le programme nucléaire iranien « pose un grave danger pour l’avenir » de son pays et souligne qu’Israël « doit tout faire pour empêcher l’Iran » d’obtenir la bombe atomique, évoquant déjà la possibilité de frappes militaires.

M. Netanyahu ne redevient Premier ministre qu’en 2009, poste qu’il occupe depuis lors sans discontinuer à l’exception d’une parenthèse d’un an et demi en 2021-2022.
Pendant toutes ces années, il répète ne pas croire un instant aux démentis de la République islamique assurant que son programme nucléaire est purement civil, et menace régulièrement de recourir à « l’option militaire » contre Téhéran.
En 2015, il qualifie « d’erreur historique » l’accord international signé à Vienne offrant à Téhéran un allègement des sanctions internationales en échange de garanties censées empêcher l’Iran de se doter de l’arme suprême.
Trois ans plus tard, il applaudit logiquement à la décision de M. Trump de sortir Washington de l’accord de Vienne, ce qui aura pour résultat de le torpiller.
En réaction, Téhéran s’affranchit progressivement de ses engagements jusqu’à enrichir de l’uranium à des niveaux proches d’un usage militaire et dans des quantités jamais atteintes jusque-là.
Pendant toutes ces années, le Mossad agit au coeur même de l’Iran, réalisant plusieurs opérations spectaculaires contre le programme nucléaire iranien.

Israël, qui n’a jamais confirmé ni démenti avoir l’arme atomique, détient 90 ogives nucléaires, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri).
Depuis l’attaque du 7 octobre, M. Netanyahu rappelle qu’Israël se bat pour sa survie et est déterminé à « changer le Moyen-Orient ».
A l’automne 2024, Israël retourne la situation à son avantage sur le champ de bataille, mettant au pas le Hezbollah, bras armé de l’Iran au Liban, avant la chute de Bachar al-Assad à Damas en décembre, qui s’accompagne du départ de Syrie de milliers de conseillers militaires et combattants envoyés par l’Iran.
Fin octobre, l’armée israélienne riposte au tir de quelque 200 missiles iraniens sur Israël quelques semaines plus tôt en menant des raids aériens contre des cibles militaires en Iran.

Le ministre de la Défense de l’époque, Yoav Gallant, déclare alors que ces frappes ont « changé l’équilibre des forces » et « affaibli (l’Iran) tant dans sa capacité à construire des missiles que dans sa capacité à se défendre. »
Pour Danny Citrinowicz, de l’Institut national des études de sécurité israélien (INSS), M. Trump estime très certainement que l’attaque d’Israël « sert ses intérêts ».
Le président américain « croit vraiment que du moment que l’Iran est affaibli, il parviendra à conclure un accord sur le dossier nucléaire iranien », dit-il à l’AFP.
Holly Dagres, spécialiste de l’Iran au Washington Institute, prévient néanmoins que si le gouvernement Trump pense qu’il va y avoir de nouvelles « discussions avec les Iraniens à Oman dimanche, cela montre qu’ils ne comprend vraiment rien à la République islamique ».