Le projet de loi visant à protéger Netanyahu de la récusation bientôt en plénière
Au cours d'un débat animé au sein d'une commission spéciale pour cette législation, l'opposition a affirmé que le projet de loi placerait le Premier ministre "au-dessus de la loi"
Un projet de loi, soutenu par le gouvernement et destiné à empêcher la Haute Cour de justice d’avoir le pouvoir de suspendre le Premier ministre de ses fonctions, a été approuvé lundi pour sa première lecture en séance plénière de la Knesset, après un débat houleux au sein d’une commission spéciale mise en place pour débattre du texte controversé.
Après le vote de la commission (9-6), le vote en séance plénière était attendu plus tard dans la journée. Le projet de loi devra alors faire l’objet de deux lectures supplémentaires avant d’avoir force de loi.
Ce projet de loi, qui a fait l’objet d’un vote préliminaire en plénière au début du mois, a été proposé en réaction à la décision prise le mois dernier par la Haute Cour d’entendre une requête demandant à la Cour d’obliger le Premier ministre Benjamin Netanyahu à se récuser en raison du conflit d’intérêts qu’il pourrait avoir à mener des réformes juridiques et judiciaires de grande envergure alors qu’il est lui-même actuellement jugé pour corruption.
Netanyahu a signé un accord de conflit d’intérêts lui interdisant de traiter des questions susceptibles d’affecter l’issue de son procès. Des informations parues dans les médias – depuis lors démenties avec véhémence – avaient précédemment laissé entendre que la procureure générale Gali Baharav-Miara menait des discussions sur la possibilité d’obliger Netanyahu à se récuser s’il abordait publiquement la question de la refonte judiciaire, ce qui pourrait avoir une incidence sur l’identité des juges chargés d’examiner un éventuel recours devant la Cour suprême.
La décision de la Cour d’entendre la requête, déposée par le Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël, a suscité l’indignation au sein de la coalition et a conduit le président de la faction du Likud, le député Ofir Katz, à soumettre son projet de loi visant à interdire par la loi une telle éventualité.
La loi israélienne ne prévoit pas de mécanisme juridique explicite pour la suspension forcée d’un Premier ministre, mais la Haute Cour a déclaré par le passé que les clauses de la Loi fondamentale : Le gouvernement, qui traitent de la révocation temporaire pour cause d’absence ou de maladie, pourraient, dans des circonstances extrêmes, être interprétées comme se rapportant à des problèmes juridiques rencontrés par un Premier ministre.
Le projet de loi de Katz stipule qu’il n’y aurait que deux façons de démettre un Premier ministre de ses fonctions : soit un Premier ministre informe la Knesset qu’il se récuse, soit le gouvernement suspend le Premier ministre pour cause d’inaptitude physique ou mentale, par un vote à la majorité des trois quarts des ministres du cabinet, cette décision étant confirmée par une majorité de 90 membres de la Knesset.
La législation ajoute qu’aucun tribunal ne sera habilité à entendre une requête demandant la suspension d’un Premier ministre ou à prendre une telle décision.
Le bureau juridique de la Knesset aurait décidé que Netanyahu pouvait participer au vote du plénum de lundi, malgré les inquiétudes concernant un conflit d’intérêts.
Lors de la réunion de la commission lundi, Katz a accepté d’apporter des ajustements mineurs au texte du projet de loi, mais pas aux principaux arguments avancés par les membres de l’opposition.
« Vous êtes en train d’adopter une loi qui dit que le Premier ministre est au-dessus de la loi », a déclaré Orna Barbivai, membre de Yesh Atid. « Même s’il est corrompu, le tribunal ne pourra pas discuter de son délit et le récuser. [Le Premier ministre] pourra faire tout ce qu’il veut ».
Un autre député de Yesh Atid, Yorai Lahav-Hertzano, a déclaré : « Il s’agit d’une loi personnelle taillée sur mesure pour le Premier ministre. Il s’agit d’une loi personnelle adaptée aux besoins de Benjamin Netanyahu, qui a signé un accord sur les conflits d’intérêts et qui tente maintenant de s’en défaire. Ce [projet de loi] est basé sur la paranoïa d’un homme, ce qui fait que nos Lois fondamentales sont modifiées comme de la pâte à modeler ».
Katz, auteur du projet de loi et président de la commission, a rétorqué que « ce que nous faisons ici aujourd’hui, c’est préserver la démocratie, nous ne laisserons pas un fonctionnaire judiciaire de l’État d’Israël mener un coup d’État. Ce que les citoyens israéliens ont décidé ne sera pas annulé ».
« Vous détruisez la démocratie », a déploré la députée travailliste Efrat Rayten.
Le mois dernier, la procureure générale Gali Baharav-Miara avait déclaré qu’elle s’opposait au projet de loi car il réduirait considérablement les circonstances dans lesquelles la suspension d’un Premier ministre pourrait être ordonnée, et a averti que la proposition créerait un « trou noir » juridique.
Son adjoint, Gil Limon, avait écrit qu’il « est difficile de limiter les situations de suspension au seul manque d’aptitude physique ou mentale, tout en modifiant la loi existante qui reconnaît d’autres situations potentielles ».
« Nous pensons que la combinaison des éléments du projet de loi pourrait conduire à des situations absurdes, dans lesquelles un Premier ministre continuerait à exercer ses fonctions alors qu’il n’en a pas la capacité », a ajouté Limon.
Jeremy Sharon a contribué à cet article.