Le réseau X d’Elon Musk : la plateforme où le contenu pro-Hamas est le plus facile à trouver
Dix minutes ont suffi à des chercheurs pour trouver de la propagande terroriste sur X, alors que son propriétaire est accusé de contrecarrer les efforts de lutte contre l'extrémisme en ligne
Un organisme britannique de surveillance de l’antisémitisme en ligne a constaté que X, anciennement Twitter, est la plateforme sur laquelle il est le plus facile de trouver des vidéos de propagande terroriste du Hamas et d’autres groupes terroristes, selon un rapport du Sunday Times.
Le réseau social aurait été un foyer de contenus extrémistes durant les dix mois qui ont suivi l’attaque lancée par le Hamas contre Israël le 7 octobre, au cours de laquelle des milliers de terroristes ont tué quelque 1 200 personnes et pris 251 otages, déclenchant ainsi la guerre en cours à Gaza.
Des chercheurs du Community Security Trust (CST) ont réussi à trouver des vidéos de propagande du Hamas et d’autres groupes terroristes comme le Hezbollah et le Jihad islamique palestinien sur X en l’espace de 10 minutes, a rapporté le journal.
Un représentant du CST a expliqué au Sunday Times avoir signalé la présence de vidéos terroristes d’extrême-droite, y compris des séquences de la fusillade de Christchurch en 2019, montrant un suprémaciste blanc assassiner 51 personnes dans une mosquée et un centre islamique en Nouvelle-Zélande.
« La quantité de contenu extrémiste et haineux sur X a augmenté de façon spectaculaire au cours de l’année écoulée. C’est devenu la plateforme où l’on trouve le plus facilement des vidéos terroristes du Hamas depuis l’attaque du 7 octobre, en même temps que des incitations néo-nazies, d’un antisémitisme vicieux et de la diffusion nuisible de fausses informations, tous amplifiés par des comptes payants détenteurs de la ‘coche bleue’ ».
Les utilisateurs de X peuvent désormais payer pour qu’une coche bleue apparaisse à côté de leur nom sur le réseau social. Avant le rachat du réseau social par le patron de Tesla et SpaceX, la coche bleue était gratuite mais réservée aux comptes notoires. Elle permettait ainsi d’authentifier les comptes de personnalités politiques et médiatiques, d’institutions et de journalistes. Elon Musk, considérant ce système comme injuste pour les utilisateurs non célèbres, a rendu les coches bleues accessibles à tous, mais payantes (via des abonnements), privant ainsi des milliers de comptes de cet attribut.
L’inquiétude suscitée par les contenus extrémistes sur X serait partagée par le Global Internet Forum to Counter Terrorism (GIFCT), une coalition composée de plateformes technologiques, d’organisations de la société civile et d’entités gouvernementales qui s’est donnée pour mission d’empêcher « les terroristes et les extrémistes violents d’exploiter les plateformes numériques ».
X, qui s’appelait alors Twitter, était un membre fondateur de ce groupe de travail – qui comprend également Google, Meta et Microsoft – avant son rachat par Musk.
Mais après un changement radical de ton et de politique de la part de la direction de X à la suite de son acquisition par le milliardaire, d’autres membres du GIFCT estiment que la présence de l’entreprise au sein du forum « sape la crédibilité de l’organisation », selon des propos rapportés par le Sunday Times.
Un représentant de X, cité par le journal, a toutefois déclaré que « X reste pleinement engagé dans la mission du GIFCT et que nous continuons à y adhérer ».
Le GIFCT gère une base de données commune de contenus liés au terrorisme que les plateformes participantes suppriment automatiquement. Selon le Sunday Times, il semble que X ait cessé d’alimenter la base de données en nouveaux contenus ou de retirer les contenus qui y sont identifiés.
Elon Musk a adopté une approche très intransigeante de la liberté d’expression depuis qu’il a pris les rênes de X, abaissant le niveau de modération appliqué aux contenus perçus comme extrémistes ou inexacts, et attaquant l’ancienne direction de l’entreprise qu’il accuse de collusion avec le gouvernement américain en vue de censurer les opposants politiques.
Récemment, dans le contexte des émeutes d’extrême-droite qui ont éclaté au Royaume-Uni à la suite d’une attaque meurtrière au couteau qui a tué trois enfants, M. Musk a publiquement critiqué les autorités britanniques qui menaçaient de poursuivre les personnes soupçonnées d’attiser la haine en ligne.
Neil Basu, ancien responsable de la lutte contre le terrorisme au sein de la police métropolitaine de Londres, a demandé à GIFCT de retirer X de son Conseil d’administration « jusqu’à ce qu’ils contrôlent le contenu terroriste sur leur plateforme », avant d’ajouter : « La liberté d’expression n’est pas la liberté de faire du mal et ils prennent le risque de transformer la meilleure invention de l’humanité en sa pire ».
Le retrait de X du conseil d’administration du GIFCT « enverrait également le message que le temps est venu pour eux de faire face au fait qu’ils sont désormais des éditeurs, et non plus simplement des plateformes, et qu’ils devraient être traités comme tels et sommés de rendre des comptes sur ce qu’ils diffusent », a déclaré M. Basu.
Les éditeurs, tels que les journaux ou les chaînes de télévision, sont légalement responsables du contenu qu’ils diffusent. Les réseaux sociaux, en revanche, ont toujours été traités comme des « plateformes » qui, tout en fournissant l’infrastructure permettant aux utilisateurs de partager leurs propres messages, ne sont pas responsables de ce que disent ces utilisateurs.
La distinction entre éditeurs et plateformes est au cœur de la controverse sur la réglementation des réseaux sociaux, bien que certains groupes de défense des libertés civiles, tels que l’Electronic Frontier Foundation, rejettent cette distinction comme étant « spécieuse ».
En 2023, le Royaume-Uni a adopté la loi sur la sécurité en ligne (Online Safety Act), qui criminalise certaines activités en ligne, telles que le partage d’images sexuelles de personnes sans leur consentement et l’exposition intentionnelle de personnes épileptiques à un contenu conçu pour provoquer des crises d’épilepsie.
La loi a également créé de nouvelles infractions pour « communications menaçantes » et « envoi de fausses informations destinées à causer un préjudice non négligeable ». Dès l’entrée en vigueur de la loi, l’année prochaine, les réseaux sociaux seront tenus de lutter contre les contenus illicites et de rendre compte de leurs efforts à un organisme de surveillance gouvernemental.
Les entreprises qui ne respecteront pas cette obligation s’exposeront à des amendes pouvant aller jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires mondial ou 18 millions de livres sterling (près de 23 millions de dollars), le montant le plus élevé des deux étant retenu. Les réseaux sociaux pourraient même être bloqués au Royaume-Uni ou des cadres supérieurs de ces entreprises pourraient être poursuivis en justice.