Israël en guerre - Jour 432

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Le shekel au plus bas depuis trois ans sur fond de crainte de crise constitutionnelle

La devise locale passe à 3,85 contre le dollar alors que les espoirs d'un compromis sur le plan de refonte judiciaire s'évanouissent ; Moody's a rencontré le Premier ministre Netanyahu

Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.

La bourse de Tel Aviv, le 25 décembre 2018. (Crédit : Adam Shuldman/Flash90)
La bourse de Tel Aviv, le 25 décembre 2018. (Crédit : Adam Shuldman/Flash90)

Le shekel est tombé à son plus bas niveau depuis plus de trois ans jeudi, alors que l’espoir d’un compromis dans le cadre du plan de refonte du système judiciaire israélien semble s’évanouir, laissant pointer une crise constitutionnelle à l’horizon, et dans un contexte de tensions croissantes en amont d’une importante audience prévue à la Haute-cour de justice, la semaine prochaine.

Le shekel a perdu plus de 1 %, jeudi, à environ 3,85 face au dollar américain – du jamais vu depuis le mois de mars 2020.

Avec l’incertitude politique qui entoure le plan controversé de refonte judiciaire du gouvernement, la devise a perdu plus de 9 % face au billet vert depuis le début de l’année. L’indice TA-125, à la Bourse de Tel Aviv, et l’indice TA-35, composé des 35 principales capitalisations boursières du pays, ont décliné de 0,7 % tandis que l’indice, sur le marché boursier israélien, des cinq plus grandes banques a baissé de 1,4%.

Les analystes et les économistes locaux ont fait le lien entre cette dépréciation nette de la devise, ces dernières vingt-quatre heures, et la combinaison de deux facteurs : les agitations politiques accrues dans le pays et une baisse des indices boursiers dans le monde.

« Les gens ne croient plus que les efforts visant à trouver un compromis dans le cadre du plan de refonte du système judiciaire réussiront et ils investissent davantage à l’étranger tandis que les investisseurs institutionnels renforcent leur exposition aux actifs étrangers et aux devises étrangères, identifiant une prime de risque plus élevée dans le pays, » commente Jonathan Katz, économiste en chef à Leader Capital Markets, auprès du Times of Israel. « De plus, les marchés boursiers, dans le monde entier, sont en baisse – ce qui signifie que les institutions locales voient leur exposition aux devises étrangères sur les marchés étrangers chuter et, techniquement, ils ont besoin de vendre des shekels et d’acheter des dollars pour rééquilibrer leur rapport d’exposition ».

Au début de la semaine, le président Isaac Herzog a présenté une proposition susceptible de servir de base pour des discussions entre la coalition et l’opposition dans le cadre du plan de refonte controversée du système judiciaire qui est avancé par le gouvernement. Une proposition qui a entraîné les réponses pessimistes des députés de la coalition et de l’opposition, les deux parties s’accusant mutuellement de ne pas être prête à résoudre la crise politique. Mercredi, Herzog a vivement recommandé aux leaders politiques de dialoguer de manière à mettre un terme à ce qu’il a qualifié de « crise constitutionnelle aigüe » dans le pays et dans la société israélienne plus largement.

Le projet de refonte radicale du système de la justice israélien a entraîné de longues semaines de mouvement de protestation populaire ainsi que des mises en garde concernant des dégâts économiques à venir. La principale inquiétude du secteur technologique et du milieu des affaires est que le plan de refonte du système judiciaire, tel qu’il est proposé, portera atteinte à la démocratie et affaiblira les contre-pouvoirs face à une majorité quasi-toute puissante, ce qui découragera, en conséquence, les investisseurs de capital-risque et autres financiers de placer de l’argent dans le pays, ce qui serait susceptible de provoquer une sortie massive des fonds. Les investissements étrangers, au sein de l’État juif, ont déjà plongé de 60 % au cours du premier trimestre de l’année 2023, selon un rapport qui a été émis par le ministère des Finances, mercredi.

Des employés de la tech manifestent contre le projet de réforme judiciaire, à Tel Aviv, le 7 février 2023. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Le shekel a aussi perdu du terrain en amont d’une audience déterminante, à la Haute-cour, qui examinera les requêtes dénonçant la loi sur la notion juridique de « raisonnabilité » – une législation qui entre dans le cadre de la refonte du système judiciaire controversée – qui interdira aux juges d’intervenir dans les décisions gouvernementales et ministérielles sur la base de leur « caractère raisonnable ». Si la Cour devait accepter les requêtes et invalider la législation – qui se présente sous la forme d’un amendement à une Loi fondamentale, quasi-constitutionnelle en Israël – et que le gouvernement devait rejeter le verdict, il pourrait alors y avoir une crise constitutionnelle sans précédent.

Enfin, le 28 septembre, une autre audience sera consacrée aux recours déposés ses contre une loi qui protège un Premier ministre en exercice d’une récusation forcée.

Les craintes d’une possible crise constitutionnelle et les tensions intérieures continues, dans le pays, pourraient entraîner une nouvelle dépréciation du shekel dans les jours et dans les semaines à venir, continue Katz de Leader Capital Markets, ce qui renforce la possibilité d’une intervention sur le marché boursier étranger de la Banque d’Israël, dans le but de stabiliser le shekel.

« Jusqu’à présent, la Banque d’Israël s’est opposée avec véhémence à une intervention sur le marché par le biais de la vente de dollars même si elle est assise sur des réserves énormes de devises étrangères », note Katz. « Ce qui a quelque peu changé dans de récentes déclarations avec la Banque centrale qui a indiqué qu’elle avait des cartouches à sortir de son arsenal – ce qui laisse suggérer que rien n’est exclu, même si je ne pense pas personnellement qu’on en soit déjà là pour le moment ».

Lundi, la Banque d’Israël a annoncé que son taux d’intérêt ne serait pas changé, ce qui indique que les frais d’emprunt sont suffisamment élevés pour freiner la hausse des prix des produits à la consommation. En même temps, la Banque centrale a mis en garde contre une forte volatilité dans le taux de change du shekel depuis le début de l’année, ajoutant que la devise locale est restée l’une des plus faibles dans le monde, attisant ainsi la pression de l’inflation. Une devise plus faible rend l’importation des produits en Israël plus onéreuse.

« La dépréciation du shekel, ces derniers mois, contribue à une hausse du rythme de l’inflation et la trajectoire du taux de change, dans les mois à venir, aura un impact sur la dynamique de l’inflation, » a expliqué la Banque centrale.

Le gouverneur de la Banque centrale d’Israël, Amir Yaron, arrivant à une réunion du cabinet sur le budget de l’État au Bureau du Premier ministre, à Jérusalem, le 23 février 2023. (Crédit : Alex Kolomoisky/POOL)

Ces derniers mois, le gouverneur de la Banque centrale, Amir Yaron, a averti que le climat d’incertitude politique avait entraîné une dépréciation excessive de plus de 10 % de la devise locale et que cela se traduisait dans une inflation, elle aussi excessive, d’au moins 1 % à 1,5 %. Il avait déclaré que si cette tendance continuait, la Banque centrale devrait élever les frais d’emprunt pour freiner l’augmentation des prix. Depuis un taux d’intérêt qui avait été historiquement bas au mois d’avril 2022 – à 0,1% – la Banque centrale a fait passer les coûts d’emprunt à 4,75%, au mois de mai 2023, pour juguler l’inflation.

« Même si la Banque d’Israël fait le choix d’intervenir – ce qui aurait énormément de sens – nous allons probablement encore connaître une hausse du taux d’intérêt au mois d’octobre alors qu’il est de plus en plus difficile, pour la Banque centrale, de ramener l’inflation dans la marge qu’elle avait fixé », déclare Katz.

Ajoutant encore aux agitations politiques et à la faiblesse de la devise, il y a eu des rumeurs laissant entendre, ces derniers jours, que Yaron – qui doit terminer son mandat à la fin de l’année 2023 – pourrait demander à prolonger ce dernier, et des interrogations portant sur la réponse qu’apporteront les députés à cette demande. Yaron a critiqué l’avancée du plan de refonte du système judiciaire sous sa forme actuelle, mettant en garde contre ses conséquences économiques.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a rencontré une délégation du service des investisseurs de Moody’s, mercredi, avant la révélation de la nouvelle notation d’Israël par l’agence, une notation qui est attendue le mois prochain, a fait savoir la Treizième chaîne.

Au mois de juillet, Moody’s avait mis en garde contre des « conséquences négatives » et « un risque significatif » pour la situation économique et sécuritaire de l’État juif après l’adoption de la première loi entrant dans le cadre du plan de refonte du système judiciaire. Au début de l’année, l’agence avait abaissé la perspective de crédit du pays en la faisant passer de « positive » à « stable », citant « une détérioration de la gouvernance en Israël » et les troubles entraînées par le projet gouvernemental d’affaiblissement spectaculaire des pouvoirs du système de la justice.

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