Israël en guerre - Jour 468

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Analyse/ ‘Quand le président vous invite, vous ne pouvez pas dire non’ dit un expert perplexe

Le soufflet inédit de Netanyahu à Obama défie toute logique

Les raisons du Premier ministre pour ne pas se rendre à Washington ne collent pas, disent les experts. Et la façon dont s’est déroulée la saga a encore une fois ajouté des frictions inutiles à la relation éternellement tendue avec un allié crucial

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le président américain Barack Obama (à droite) et le Premier ministre Benjamin Netanyahu dans le bureau ovale de la Maison-Blanche à Washington, le 9 novembre 2015. (Crédit : Saul Loeb/AFP)
Le président américain Barack Obama (à droite) et le Premier ministre Benjamin Netanyahu dans le bureau ovale de la Maison-Blanche à Washington, le 9 novembre 2015. (Crédit : Saul Loeb/AFP)

La relation Etats-Unis – Israël a eu plus que son lot de querelles, de disputes et de désaccords publics, particulièrement ces dernières années. Mais le débat actuel sur la décision du Premier ministre Benjamin Netanyahu d’éconduire une invitation à rencontrer le président américain Barack Obama dans le mois est particulièrement frappant. Et singulier.

L’action de Netanyahu n’a pas de précédent – il n’y a pas d’historique public d’un Premier ministre israélien ayant jamais rejeté une invitation à rencontrer un président à la Maison Blanche. Et c’est tellement bizarre que cela laisse même les analystes les plus avertis sur la relation bilatérale souvent conflictuelle, – sidérés.

« Je n’ai aucune explication convaincante. Cela n’a aucune logique pour moi, » a déclaré mardi Eytan Gilboa, un expert des relations israélo-américaines au centre Begin-Sadat d’études stratégiques. « Si un président américain vous invite, vous devez y aller, a-t-il dit. Parfois vous vous invitez vous-même quand le président ne veut pas vous voir. Mais quand il vous invite, vous ne pouvez pas dire non. »

La dernière saga d’une relation pleine d’incompréhensions, de rebuffades et de différences politiques ouvertes (particulièrement sur le programme nucléaire de l’Iran et les implantations israéliennes) a commencé il y a quelques semaines quand il est apparu qu’Obama serait absent quand Netanyahu avait prévu d’être à Washington pour s’adresser à la conférence annuelle du lobby pro-israélien de l’AIPAC.

Des rumeurs selon lesquelles le dirigeant du monde libre avait délibérément prévu sa visite historique à Cuba pour coïncider avec la conférence de l’AIPAC du 20 au 22 mars, et ainsi éviter le Premier ministre israélien, ont été rapidement et sans aucun doute correctement rejetées comme étant ridicules.

Pendant deux semaines, Jérusalem n’a jamais reconnu que la Maison Blanche avait trouvé une date pour une rencontre

Pendant un moment, Jérusalem a refusé de dire si Netanyahu poursuivrait son projet de voyage dans tous les cas. Puis, la semaine dernière, des sources à Jérusalem ont dit qu’il pourrait annuler s’il ne voyait pas le président, mais que les Etats-Unis faisaient un effort pour faciliter une rencontre avant qu’Obama ne parte pour La Havane.

Le bureau du Premier ministre lui-même a refusé catégoriquement de commenter – jusqu’à lundi soir quand il est finalement entré en action peu après qu’un média israélien a annoncé que Netanyahu avait décidé de rester à la maison parce qu’il avait échoué à obtenir un rendez-vous à la Maison Blanche. A ce moment, les officiels du bureau du Premier ministre se sont précipités pour expliquer que le voyage à Washington était effectivement annulé, mais pas à cause d’Obama.

Plutôt, ont-ils déclaré, Netanyahu restait en Israël parce qu’il voulait éviter d’être plongé dans le bourbier des élections américaines.

Plusieurs candidats à la présidentielle devraient s’exprimer à l’AIPAC, et chercheraient probablement à rencontrer un Premier ministre israélien en visite, et Netanyahu préfèrerait éviter d’être placé dans des situations potentiellement gênantes, ont expliqué ses assistants.

De plus, ont-ils affirmé, les sujets les plus pressants affectant la relation israélo-américaine seraient traités pendant les discussions avec le vice-président Joe Biden, qui arrivera mardi en Israël.

La Maison Blanche a ensuite exprimé publiquement sa surprise de la décision de Netanyahu « d’annuler sa visite […] plutôt que d’accepter notre invitation ».

Ned Price, le porte-parole du conseil à la sécurité nationale a déclaré que l’administration se « préparait à accueillir la rencontre bilatérale ». Il a également déclaré que les informations en Israël selon lesquelles aucune rencontre n’avait été programmée étaient fausses.

Et illico presto ! Une autre crise israélo-américaine était née.

Juste pour ajouter un peu plus de tension, celle-là s’est encore déroulée pendant une visite de Biden – tout comme en 2010, le voyage du vice-président avait été assombri par l’annonce, quand il est arrivé, qu’Israël avait approuvé l’expansion du quartier de Ramat Shlomo à Jérusalem, de l’autre côté des lignes de 1967, suscitant la colère explicite de l’administration et de l’inconfort considérable et évident de Biden.

Le bureau du Premier ministre aurait essayé mardi d’éteindre le feu. Mais plutôt que d’essayer d’expliquer le quasi-inexplicable, il a choisi d’argumenter avec l’administration

Contrairement à 2010, ce n’est pas une affaire où Israël, que ce soit délibéré ou un mauvais calendrier, avance publiquement une politique dont il sait que son plus important allié y est opposé.

Il s’agit plus de protocoles et de relations, mais son importance ne doit pas être sous-estimée : exactement un an après qu’Obama a snobé Netanyahu, refusant de l’accueillir à Washington – ostensiblement parce que le président ne rencontre jamais de politicien pendant leurs campagnes d’élections, mais en fait parce que Netanyahu était à Washington pour faire pression sur le Congrès contre l’accord iranien – voici que le dirigeant israélien le snobe apparemment en retour.

Les Américains affirment que, répondant à la demande d’une rencontre de Netanyahu, loin de lutter avec l’emploi du temps à cause de la complication de Cuba, ils ont en fait proposé une date pour un tête-à-tête à la Maison Blanche, le 18 mars, et l’ont fait il y a deux semaines.

Le fait qu’une rencontre a été proposée, cependant, n’a jamais été mentionné officiellement ou non officiellement à Jérusalem. Aussi loin que ceux couvrant le bureau du Premier ministre puisse dire, Netanyahu attendait pour prendre une décision finale sur son voyage, et l’incertitude centrale était de savoir si une rencontre à la Maison Blanche allait être possible.

Puis est venu le reportage de lundi soir selon lequel Netanyahu avait décidé de rejeter l’invitation d’Obama, la tentative hâtive de clarification officielle, la surprise publiquement exprimée de la Maison Blanche, et un sentiment compréhensible à Washington que Netanyahu se vengeait du froid d’Obama de l’année dernière.

Le bureau du Premier ministre aurait essayé mardi d’éteindre le feu. Mais plutôt que d’essayer d’expliquer la décision sans précédent et, franchement, quasi-inexplicable, de rejeter l’opportunité de rencontrer le dirigeant du plus important allié d’Israël et l’homme le plus puissant du monde, il a choisi d’argumenter avec l’administration : des conseillers de Netanyahu ont affirmé que la Maison Blanche savait à l’avance qu’il y avait « une grande chance que le Premier ministre n’aille pas à Washington ».

Ron Dermer, l’ambassadeur d’Israël aux Etats-Unis, l’avait précisé pendant une rencontre à la Maison Blanche vendredi dernier, a déclaré le bureau du Premier ministre dans un communiqué.

Jérusalem n’avait jamais confirmé le voyage de Netanyahu à Washington, et donc il ne pouvait pas l’annuler, ont souligné les conseillers du Premier ministre, coupant en quatre des cheveux sémantiques. Nous n’avons jamais annoncé un voyage à Washington ou une rencontre au Bureau ovale parce que nous savions que cela pourrait ne pas arriver, ont-ils affirmé.

Le bureau du Premier ministre a souligné mardi que la décision éventuelle d’éconduire l’invitation d’Obama – une invitation qu’il avait oubliée de mentionner pendant deux semaines – s’enracinait dans le désir de rester éloigné de la politique intérieure américaine et du fait que Biden venait en visite, réduisant ostensiblement le besoin pour un sommet à haut-niveau. Gilboa et son collègue expert des relations israélo-américaines, Jonathan Rynhold, n’en sont cependant pas persuadés.

‘Netanyahu aurait facilement pu s’adresser au public de l’AIPAC tout en refusant de rencontrer les candidats présidentiels en marge de la conférence’, Jonathan Rynhold

Gilboa, du Centre Begin-Sadat, a considéré que le désir annoncé de ne pas être vu intervenant dans la campagne présidentielle était une « excuse faible ». Il a cependant proposé deux autres explications.

Une raison possible pour que Netanyahu reste en Isarel, a-t-il déclaré, pourrait être liée aux discussions en cours sur le protocole d’entente sur l’aide étrangère américaine à Israël. Jérusalem chercherait à obtenir un accord pour 5 milliards de dollars par an alors que l’administration propose 4 milliards de dollars, et Netanyahu pourrait se demander s’il valait mieux accepter la proposition d’Obama ou attendre un nouveau président.

Une autre raison, a supposé Gilboa, pourrait être l’appréhension du Premier ministre du soutien possible de l’administration à une résolution du Conseil de l’ONU sur le conflit israélo-palestinien. « Malgré les démentis, Obama veut faire un autre effort de négociation, » a déclaré Gilboa.

Mais même ces deux efforts d’explication ne résolvent pas la question de pourquoi Netanyahu a échoué à reconnaître qu’une date pour une rencontre avait été programmée, et échoué à agir par courtoisie élémentaire, une fois qu’il avait décidé de ne pas aller aux Etats-Unis, ou d’informer la Maison Blanche qu’il ne viendrait pas. Et même ces deux tentatives d’explication, à l’avis de Gilboa, ne justifient pas de dédaigner le président américain.

En bref, a déclaré Gilboa « cela n’a vraiment aucune logique. Mais enfin, a-t-il ajouté, tellement de choses n’ont aucune logique dans la relation israélo-américaine de la période Netanyahu – Obama. »

Rynhold, de l’université de Bar-Ilan, a dit que le désir d’éviter d’être plongé dans la campagne électorale américaine aurait pu constituer une inquiétude valable, sauf que Netanyahu n’avait eu aucun problème à rencontrer le candidat républicain à la présidentielle Mitt Romney pendant la campagne électorale de 2012.

« Etant donné l’histoire avec Romney, » a-t-il déclaré, l’argument « ne colle pas. Il ne sonne simplement pas vrai. » Se pourrait-il que Netanyahu, qui a été fortement critiqué pour avoir accueilli Romney il y a quatre ans, ait appris de son erreur ? « La porte est toujours ouverte à la repentance, a déclaré Rynhold. Je n’y crois simplement pas. »

Netanayahu ne prend pas toujours ses décisions rapidement et n’agit pas toujours de manière décisive, pour ne pas en dire plus

Quelle que soit la manière dont vous regardez le sujet, a continué Rynhold, l’excuse sur la présence des candidats à la présidentielle à l’AIPAC est profondément insatisfaisante. Netanyahu pourrait facilement s’être adressé au public de l’AIPAC tout en refusant de rencontrer les candidats à la présidentielle en marge de la conférence. Il aurait même pu aller à Washington pour rencontrer Obama et ne pas aller à la conférence de l’AIPAC, a dit Rynhold. Encore une fois, vous ne refusez pas simplement une opportunité précieuse de parler avec le président des Etats-Unis.

Rynhold a proposé une autre explication possible à la décision de Netanyahu de ne pas aller à Washington : « Cela pourrait aussi être qu’il ne veut pas rencontrer Donald Trump, mais que s’il refuse de rencontrer le type qui sera probablement le candidat républicain, cela pourrait être problématique pour lui. » Pendant les deux dernières semaines, a noté Rynhold, « l’establishment républicain et beaucoup de néoconservateurs qui sont proches de Netanyahu se sont exprimés très fortement contre Trump. » En restant en Israël, le Premier ministre pourrait éviter ce piège potentiel.

Ceux qui sont familiers des méthodes de travail du Premier ministre pourraient aussi légitimement supposer que cette dernière saga est plus une fonction d’indécision chronique que d’insulte calculée.

Netanayahu ne prend pas toujours ses décisions rapidement et n’agit pas toujours de manière décisive, pour ne pas en dire plus – que ce soit sur des sujets relativement mineurs comme la nomination d’un conseiller en communication (Ran Baratz) ou d’un ambassadeur (Danny Dayan), ou sur des sujets centraux de politique (frapper l’Iran, construire des implantations, l’initiative de paix arabe, une approche stratégique pour éviter un état bilatéral dont il souligne qu’il souhaite l’empêcher). Ici aussi, il a eu suffisamment de temps pour peser la question de savoir s’il allait à Washington, et prendre une décision, sans causer une nouvelle crise.

Au final, c’est cependant la décision sans précédent, plutôt que la manière familière et problématique dont cela s’est déroulé, qui reste inexplicable : le président des Etats-Unis, le personnage international qui a la plus grande importance potentielle pour le bien-être d’Israël, a invité le Premier ministre d’Israël pour des discussions. Et pour la première fois de l’Histoire, le Premier ministre d’Israël a dit non.

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