‘L’écolo’ de la Knesset prévient Israël de son retard sur les énergies renouvelables
Yael Cohen-Paran, de l’Union sioniste, déclare que l’accord gazier est « scandaleux », et met en garde l’état juif, qui pourrait manquer de ressources dans dix ans
Lorsque le Premier ministre Benjamin Netanyahu a pris la parole à la conférence sur le climat des Nations Unies à Paris en décembre dernier, une première pour un Premier ministre israélien, la députée récemment assermentée de l’Union Sioniste, Yael Cohen-Paran aurait bien voulu qu’il rejoue le dramatique silence de 44 secondes de son discours à l’assemblée générale de l’ONU.
« Je vous promets qu’il va parler de terrorisme, de terrorisme à Paris, il va probablement parler de l’Iran. Mais quand on en vient au réchauffement climatique, laissons-le faire son « discours du silence », parce qu’il n’a rien à dire » a déclaré Mme Cohen-Paran peu avant la conférence sur le climat.
La députée, qui a prêté serment en novembre après la démission de Danny Atar pour diriger le Fonds National Juif, est la première représentante du Parti Vert, qui a échoué à entrer à la Knesset après les élections de 2009, à entrer au Parlement.
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Dans une interview au Times of Israel, la présidente du Forum Israel Energy et militante environnementale de longue date maintient que le gouvernement israélien n’a « pas de vision » quand il s’agit des énergies renouvelables, et, à cause de préoccupations politiciennes étroites et d’une quasi indifférence généralisée, a négligé sa plus précieuse ressource naturelle : le soleil.
Mme Cohen-Paran condamne aussi énergiquement l’accord gazier en cours, comme « scandaleux », affirmant que s’il passe, l’histoire israélienne le jugera sévèrement. [La Cour suprême a retoqué dimanche l’un des articles d’un accord conclu entre le gouvernement et un consortium israélo-américain.]
De plus, elle assure qu’Israël est très largement non préparé pour une quelconque fuite de gaz dans ses réserves offshores qui pourrait mener à une grave crise environnementale, que le pays pourrait être à cours de gaz dans les dix prochaines années, et devrait « s’excuser » auprès du monde pour expliquer son échec à progresser dans la réduction de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre.
Après avoir obtenu un diplôme de physique à l’Université Hébraïque de Jérusalem, Mme Cohen-Paran a débuté une thèse sur l’énergie solaire, dont elle pense que c’est « la vraie solution dont le monde a besoin ». Mais en 1999, après un an, elle modifie son orientation. « J’ai compris que la recherche avait déjà trouvé les solutions, et que ces solutions n’étaient pas mises en œuvre, » dit-elle.
Cela a été « un grand tournant dans ma vie » déclare-t-elle, ajoutant que c’est à ce moment qu’elle a quitté l’université et s’est tournée vers le service public et le militantisme.
Israël est à la traîne sur les énergies renouvelables
Selon Mme Cohen-Paran, le secteur de l’énergie en Israël, à la fois au ministère de l’Énergie et à la Compagnie Electrique Israélienne (CEI), est profondément « conservateur », souffre d’un manque de vision et fonctionne avec ce mantra : « si ce n’est pas cassé, ne répare pas ».
Au début, les projets d’énergies renouvelables étaient annulés parce que trop coûteux, et maintenant pour des « raisons techniques » dit-elle, appelant ces dernières « un non-sens, une distorsion des faits, des semi-vérités ».
En terme de dépense, Mme Cohen-Paran pointe que les recherches dans lesquelles elle était impliquée ont conclu qu’avoir 80 % d’énergies renouvelables ne coûterait pas plus à l’économie israélienne que d’autres sources d’énergie. Les recherches « ont été critiquées, » concède-t-elle. « Mais cela doit être notre vision : que nous pouvons ».
Sur le sujet des énergies renouvelables, Israël souffre « d’un manque de leadership, d’un manque de vision », et d’une totale incompréhension des bénéfices, dit-elle.
« Le monde entier comprend et avance, et en Israël, [il y a cette attitude] de ‘si ça n’arrive pas c’est que ce n’est pas économique, si c’était économique ça arriverait’ ». Pendant ce temps, dit-elle, personne ne cherche à avancer.
Mme Cohen-Paran attribue ce délai à la fois au conservatisme intrinsèque et aux « préoccupations politiciennes étroites », c’est-à-dire à la consolidation par le gouvernement de la position de la CEI, qui utilise principalement du charbon.
Le 20 septembre, un projet gouvernemental fixant plusieurs objectifs énergétiques pour les prochaines décennies a été présenté à la Knesset.
La proposition incluait un objectif de 17 % d’efficacité énergétique pour 2030, ce qui est « ridicule » selon Mme Cohen-Paran, mais « au moins c’était quelque chose ». En décembre, le gouvernement a retiré la proposition, après une bataille entre le ministère de l’énergie, qui défendait les intérêts de la CEI, et le ministère de l’environnement, d’après elle.
La situation actuelle d’Israël n’est « pas tenable » à cause de l’épuisement des ressources, et des effets nocifs sur l’environnement, mais le gouvernement n’arrête pas de fabriquer des « excuses ».
« Les excuses sont nombreuses : ‘nous sommes un petit pays, nous avons d’autres problèmes, laissez-nous tranquilles. Nous n’avons pas d’eau, pas de géothermie, nous n’avons pas beaucoup de territoire, donc laissez-nous tranquille’. Ces excuses sont largement utilisées… et malheureusement, c’est ce que nous disons au monde. »
Aggravant ce que Mme Cohen-Paran dit être « l’absurdité » de la situation, le fait est qu’Israël était le leader mondial de l’énergie solaire dans les années 1960, mais l’ensoleillé état juif a largement échoué à capitaliser sur sa ressource naturelle la plus prometteuse.
« Au final, Israël était le premier pays dans le monde avec une technologie thermo-solaire » dit-elle, citant le commentaire de l’ancien Premier ministre David Ben Gurion à propos de l’énergie solaire comme étant le futur d’Israël, et rappelant que des centrales solaires israéliennes ont été construites en Californie dans les années 1960.
« En Israël aujourd’hui, nous utilisons 2 % d’énergie solaire. Nous avons deux fois plus de soleil que les pays européens, comme l’Allemagne et d’autres, qui s’appliquent bien plus. Et c’est incroyable, simplement incroyable ».
L’accord gazier est « scandaleux »
Dans sa critique de l’accord gazier entre Israël, Nobel Energy et Delek, Mme Cohen-Paran prévient qu’Israël pourrait manquer de gaz d’ici huit à dix ans.
« L’accord gazier est scandaleux, simplement scandaleux. Je pense que les livres d’histoire étudieront ce qui se passe ici, » déclare-t-elle, ajoutant qu’elle espère toujours qu’il sera modifié.
L’accord « ancre les monopoles. C’est une capitulation totale d’Israël face aux entreprises, face aux monopoles ».
Mme Cohen-Paran déclare qu’elle voit le gaz comme un tremplin avant qu’Israël n’adopte les énergies renouvelables. « Les énergies renouvelables vont encore prendre 20 ou 30 ans à arriver. J’aimerais que ce soit plus tôt. Si, dans les dix ans, Israël passe aux énergies renouvelables, alors exportons tout notre gaz ; mais je ne vois pas Israël agir comme ça. »
Tout ce qu’Israël fait est « parler, parler, parler à propos de comme c’est merveilleux d’avoir du gaz, mais, dans les faits, ils l’envoient juste à l’étranger, » s’insurge-t-elle. De plus, Mme Cohen-Paran affirme que l’accord gazier s’assure que les régulations environnementales sur le forage offshore, « non existantes » en Israël, « restent non existantes ».
Dans d’autres États qui forent en offshore, les fuites de pétrole et les désastres environnementaux sont une question de « quand », pas de « si », dit-elle.
« C’est évident que cela va arriver, la question est que faisons-nous pour le préparer… C’est inhérent à cette industrie… Israël n’est pas préparé du tout pour un désastre ou une fuite de pétrole en Méditerranée. Je ne veux même pas l’imaginer. »
A la recherche d’un soutien de la coalition
En tant que parlementaire, Mme Cohen-Paran prévoit de travailler sur des lois sur le changement climatique, la crise immobilière et les droits des animaux.
Elle s’oppose aussi à l’entrée de l’Union sioniste au sein de la coalition, déclarant que « nous avons besoin de combattre dans l’opposition, pour qu’aux prochaines élections, le gouvernement soit modifié ».
Dans le même temps, elle espère que les questions environnementales pourront rassembler les députés de la coalition et de l’opposition « parce que ce n’est pas une question de gauche ou droite. Nous pensons à notre futur ic, à quelle sorte de monde nous laissons à nos enfants. »
Ces propos ont été recueillis en décembre 2015.
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