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L’économie israélienne met le cap sur le grand bleu technologique

Après avoir raté le coche pendant des années, le pays se lance dans l'innovation et la technologie maritimes, en se plongeant dans la tendance mondiale axée sur la durabilité

Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

Un homme regarde la mer depuis un bateau au large du port Kishon de Haïfa, le 26 juin 2018. Illustration (Crédit : David Cohen/Flash90)
Un homme regarde la mer depuis un bateau au large du port Kishon de Haïfa, le 26 juin 2018. Illustration (Crédit : David Cohen/Flash90)

Alors que jusqu’à récemment, elle n’était qu’un point minuscule dans l’immense océan des startups israéliennes, l’industrie de la « blue tech » des entreprises innovant dans les technologies maritimes fait désormais des vagues. De grosses vagues.

En septembre, le ministère de l’Innovation, des Sciences et de la Technologie a désigné la blue tech comme l’une des premières priorités d’Israël en matière de recherche et de développement pour les cinq années à venir.

Cette décision a été prise après le lancement, en juillet, du National Center for Blue Economy and Innovation, dont la mission est de favoriser l’innovation technologique durable et l’esprit d’entreprise dans l’espace maritime.

Quelques mois plus tôt, le gouvernement avait approuvé un plan de 170 millions de shekels pour le développement d’un centre international dédié à la production de produits de la mer, qui sera situé à Eilat. Et ce mois-ci, la station balnéaire de la mer Rouge accueille un grand sommet international parrainé par le gouvernement sous la bannière humoristique « Sea the Future » [Voir le futur, le jeu de mot est avec le mot sea, qui quand il se termine par ‘a’ veut dire mer et par ‘e’ le verbe voir].

Israël possède 204 kilomètres de côtes en Méditerranée et en mer Rouge, et son empreinte marine – eaux côtières, eaux territoriales et zone économique exclusive – éclipse la superficie terrestre du pays.

Le pays est également doté d’une industrie technologique florissante. Mais, selon Hilla Haddad Chmelnik, directrice générale du ministère de l’Innovation, des Sciences et de la Technologie, la scène israélienne en matière de blue tech est restée assez limitée jusqu’à présent.

Tel Aviv vue de la mer. Le 2 juillet 2022. (Crédit : Moshe Shai/FLASH90)

« Lorsqu’on analyse comment s’est développée l’industrie de la haute technologie en Israël, on constate que nos priorités nationales ont toujours été alignées sur ce dans quoi l’armée a investi », a-t-elle déclaré. « Les trois principaux secteurs du high-tech israélien – la cyber-[sécurité], le développement de logiciels et la fintech – sont tous fondés sur des capacités développées dans l’armée. Les autres secteurs n’ont pas bénéficié de la création d’une industrie high-tech notable. »

En décidant de donner la priorité à la blue tech, le ministère de l’Innovation, des Sciences et de la Technologie a accepté la recommandation du Israel National Council for Research and Development, qui a mené une étude d’un an pour cartographier et définir les secteurs prioritaires nationaux en fonction des avantages comparatifs d’Israël, de ses besoins stratégiques, de la concurrence mondiale et d’autres critères.

« Dans les 10 à 20 prochaines années, l’économie bleue deviendra une part importante de l’économie mondiale », a déclaré le professeur Peretz Lavie, qui dirige le conseil de la recherche et du développement. « Des secteurs tels que l’agriculture et la production maritime ainsi que le stockage de l’énergie sont en train de devenir des priorités nationales dans de nombreux pays. Nous ne voulons pas être à la traîne. »

Une simulation informatique du BlueTech Lab prévu par le MITRE à Bedford, dans le Massachusetts. (Crédit : Business Wire/AP)

L’inclusion des technologies bleues comme secteur prioritaire donnera à l’industrie, et aux quatre autres choisis par le conseil, une longueur d’avance pour obtenir des parts du fonds annuel pour la recherche appliquée du ministère, qui s’élève à 180 millions de shekels.

Des équipes multidisciplinaires, composées de multiples acteurs du secteur public tels que les différents ministères et les municipalités côtières, travaillent actuellement à la création de plans opérationnels pour chacun des secteurs sélectionnés afin de déterminer où orienter les fonds, a déclaré Haddad Chmelnik. D’ici à la fin de l’année, elles prévoient de présenter au gouvernement un plan national pour les technologies bleues.

Des eaux chargées

Partout dans le monde, l’activité économique maritime – également connue sous le nom d’économie bleue – connaît une croissance rapide, sous l’effet notamment de la croissance démographique, de la diminution des ressources terrestres, des nouvelles technologies et de la nécessité de répondre au problème du réchauffement climatique.

L’économie bleue comprend des industries bien établies telles que le transport maritime, la pêche, la construction navale et les infrastructures portuaires, mais aussi des secteurs émergents comme la production d’énergie marine renouvelable, la biotechnologie maritime, la cartographie et l’exploitation minière sous-marines ou encore l’aquaculture.

Les Nations unies estiment le volume de l’économie bleue à l’échelle mondiale à entre 3 000 et 6 000 milliards de dollars par an.

L’eau boueuse de la rivière Yarkon rencontre l’eau bleue de la mer Méditerranée à Tel Aviv, le mercredi 22 janvier 2020. (Crédit : Oded Balilty/AP)

Certains marchés de l’économie bleue, comme la navigation autonome, les drones sous-marins et les produits pharmaceutiques dérivés de la mer, devraient doubler de taille en quelques années.

D’ici 2030, « de nombreuses industries issues du monde marin ont le potentiel de dépasser la croissance de l’économie mondiale dans son ensemble, tant en termes de valeur ajoutée que d’emploi », prédisait en 2016 l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Le véhicule sous-marin sans pilote Iver4 580 de L3 Harris (Crédit : Business Wire/AP)

« Ces quatre dernières années, la Banque mondiale a considérablement intensifié ses efforts en faveur de l’économie bleue », a déclaré Nagaraja Rao Harshadeep, responsable mondial des technologies de rupture à la Banque mondiale et expert des technologies bleues. « Nous avons créé un fonds fiduciaire spécial appelé PROBLUE, qui est financé par différents pays, et qui a permis de stimuler à la fois le travail analytique et le soutien aux projets liés à l’économie bleue. »

Dans le paysage dynamique de l’économie bleue, il est essentiel que les pays tirent parti de leurs expériences respectives et partagent leurs idées, a déclaré Harshadeep.

Tous les pays du monde sont, à bien des égards, des pays « en développement » en ce qui concerne les technologies bleues », a-t-il expliqué, en raison de la rapidité de l’évolution technologique et de l’incertitude créée par le changement climatique.

Les technologies bleues sont vertes

L’économie bleue émerge à un moment où l’espace maritime mondial est de plus en plus sollicité. Un large éventail d’activités humaines, notamment la combustion de combustibles fossiles, la surexploitation des ressources et la pollution, dégradent les écosystèmes océaniques depuis des années.

Dès le début des années 2010, la communauté internationale – menée par les Nations unies, la Banque mondiale et d’autres – a promu une nouvelle approche de l’économie bleue, selon laquelle la durabilité des océans est tout aussi importante que le développement économique.

Asaf Ariel, qui occupe le poste de responsable scientifique pour l’organisation de protection marine EcoOcean, a déclaré qu’alors même qu’Israël investit dans le développement des technologies bleues, il est primordial d’adopter le modèle de durabilité de la communauté internationale.

« Tout développement [technologique] – que ce soit une immense ferme d’algues ou une technologie pour la production d’énergie ou d’aliments ou quoi que ce soit d’autre – doit faire l’objet d’un suivi environnemental très strict pour déterminer quelles en sont les conséquences sur l’environnement », a déclaré M. Ariel. « Nous ne voulons pas résoudre un problème en en créant un autre ».

Une manifestation contre l’expansion des activités au port pétrolier de l’entreprise EAPC à Eilat, avec une bannière disant : « Arrêt immédiat de l’accord sur le pétrole, » le 10 février 2021. (Crédit : Egor Iggy Petrenko/Coast Patrol)

Pour Hila Ehrenreich, directrice générale du National Center for Blue Economy and Innovation de Haïfa, l’économie bleue est l’occasion de bâtir de nouvelles relations avec les écosystèmes océaniques. Le centre, actuellement financé par la municipalité de Haïfa, a été créé après que la ville portuaire a été désignée comme la capitale israélienne de l’économie bleue par le gouvernement.

D’ici à la fin de l’année, le centre espère avoir localisé et sélectionné les entrepreneurs prometteurs dans le domaine des technologies bleues, et prévoit de leur fournir un accès au financement et aux services de développement commercial. La durabilité, et pas seulement les bénéfices, jouera un rôle clé dans la sélection des financements.

« Nous n’investirons que dans les technologies dont l’impact sur l’environnement est positif, et qui peuvent contribuer à réduire l’empreinte carbone », a déclaré Mme Ehrenreich. « L’économie bleue doit toujours être durable et doit toujours protéger l’environnement maritime. »

Sur la base de sa cartographie de l’économie maritime israélienne, Ehrenreich estime qu’il existe actuellement environ 145 entreprises israéliennes dans le secteur des technologies bleues. Ce secteur englobe un large éventail d’entreprises qui contribuent à diverses industries, de la production alimentaire à la navigation maritime en passant par la gestion des ressources.

La liste croissante des start-ups israéliennes dans le domaine des technologies bleues comprend SeaErra, qui développe une solution d’amélioration de la vision sous-marine basée sur l’IA, et ECOncrete, qui installe du béton adapté à la mer pour une utilisation sous-marine.

Une démonstration de la technologie de vision sous-marine de SeaErra. (Crédit : Autorisation SeaErra)

Plusieurs entreprises se consacrent à l’exploitation de la mer pour produire de l’énergie propre. Parmi elles, BaroMar, qui a développé une solution sous-marine pour stocker l’énergie éolienne et solaire ; Eco Wave Power, qui crée de l’électricité à partir des vagues ; et Nayam Wings, qui a créé un nouveau système de propulsion éolienne pour les navires maritimes basé sur une voile à aile rigide.

« Israël n’a pas une histoire riche en ce qui concerne l’industrie maritime », a déclaré Ehrenreich. « Mais il dispose d’une solide base de connaissances et de recherche, ainsi que d’excellents entrepreneurs qui pourront nous faire avancer. »

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