L’Egypte va rouvrir mercredi le point de passage avec Gaza
Le président égyptien Sissi est en ce moment à Paris pour parler Libye et conforter son rôle régional

L’Egypte va rouvrir mercredi le point de passage de Rafah avec la bande de Gaza pour la première fois depuis sa fermeture à la suite d’un attentat meurtrier dans le Sinaï, a indiqué un responsable gouvernemental.
Rafah, seul point de passage reliant le territoire palestinien au reste du monde qui ne soit pas contrôlé par Israël, sera ouvert de midi (10H00 GMT) à 16H00 (14H00 GMT) mercredi et jeudi, a précisé le responsable.
Lourd bilan en matière de droits de l’Homme mais acteur régional incontournable : la France accueille mercredi le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi pour une visite de deux jours dominée par les questions de sécurité, particulièrement le problème libyen.
M. Sissi, qui arrive d’Italie, effectue sa première tournée en Europe depuis sa prise de pouvoir en juillet 2013 puis sa confortable élection en mai.
A l’issue de la rencontre, M. Hollande a appelé l’Égypte à poursuivre son « processus de transition démocratique » et a prôné une relation « claire » entre Paris et Le Caire.
Le président égyptien, qui a renversé en juillet 2013 l’islamiste Mohamed Morsi, a lancé depuis sa prise de pouvoir une implacable répression contre les Frères musulmans et les partisans de M. Morsi, tout en muselant l’opposition libérale. Plus de 1 400 personnes ont été tuées et 1 000 emprisonnées, dont des centaines condamnées à mort au terme de procès de masse expédiés en quelques minutes.
Malgré l’implacable répression envers les partisans de son prédécesseur islamiste Mohamed Morsi et l’autoritarisme du nouveau pouvoir, le président Sissi, en quête de légitimité internationale, reste « un partenaire stratégique » incontournable, comme l’a souligné Rome, « un grand pays et grand partenaire de la France », selon Paris.
« Oui, on considère que Sissi est légitime. Pour autant, il y a beaucoup à dire. Nous sommes conscients des tensions, les journalistes emprisonnés, la répression qui s’exerce bien au-delà de la lutte antiterroriste », souligne une source élyséenne, assurant que ces questions seront évoquées lors de l’entretien prévu en milieu de journée avec le président François Hollande.
Mais la politique intérieure de l’Egypte, engagée dans l’éradication de la confrérie des Frères musulmans classée « organisation terroriste », n’étaient pas au coeur des discussions, dominées par les enjeux de sécurité régionale et les questions économiques.
« L’Égypte est un pays frappé par le terrorisme et confrontée à des mouvements terroristes dans des pays voisins », a déclaré M. Hollande. « Nous devons agir ensemble », a ajouté le président français, en citant la Libye, le conflit israélo-palestinien et la lutte contre les djihadistes de l’État islamique en Irak et en Syrie.
« Les Palestiniens représentent la cause la plus importante pour les Arabes et il faut déployer tous les efforts possibles pour trouver une solution par les négociations, le plus rapidement possible », a acquiescé le président égyptien, dont le pays a un rôle de médiation essentiel dans ce dossier.
Évoquant la Syrie, les deux responsables ont insisté sur la nécessité de « parvenir à une solution politique », même si, a précisé M. Hollande, « nous avons d’abord à lutter contre le terrorisme » de l’État islamique.
la poudrière libyenne
La poudrière libyenne et les menaces qu’elle fait peser sur toute la région figure ainsi au sommet des préoccupations communes des deux pays. Avec des différences d’appréciation cependant sur la façon de sortir de la crise.
« Les Egyptiens considèrent – à juste titre – que nous avons une responsabilité particulière. Ils ont le sentiment de ne pas avoir été entendus en 2011 en alertant sur les dangers d’une intervention occidentale, ils espèrent être entendus aujourd’hui. Ils estiment qu’il faut réintervenir en Libye, mais nous avons des doutes sur le fait que cette crise peut être résolue uniquement par la force », explique une source gouvernementale française.
L’Egypte, déjà en butte à ses propres groupes djihadistes dans le nord du Sinaï, partage plus de 1 000 km de frontière avec la Libye, et est directement menacée par le chaos dans lequel a plongé ce pays depuis la chute du colonel Mouammar Kadhafi en 2O12.
Face aux groupes et milices islamistes en Libye, Le Caire soutient le Parlement élu de Tobrouk, « de façon robuste », selon la formule d’un diplomate. L’Egypte a même été accusée, notamment par les Etats-Unis, d’avoir lancé en août des raids aériens dans le secteur de l’aéroport de Tripoli, avec les Emirats arabes unis.
Sans confirmer cette implication directe (démentie par l’Egypte), Paris, qui reconnaît « un enjeu sécuritaire immédiat » en Libye, met cependant en garde contre des « initiatives extérieures » susceptibles de « compliquer encore la donne ». « On a besoin de se mettre d’accord sur la Libye, où l’on ne peut pas se passer d’une solution politique », souligne la source élyséenne.
Tourisme, métro et Corvettes
Les sujets économiques ont constitué un autre grand volet des discussions, alors que le Caire veut organiser au premier trimestre 2015 une conférence économique internationale pour relancer son économie exsangue.
Paris et Le Caire ont signé mercredi des accords de plusieurs millions d’euros pour le métro du Caire et avec l’Aide Française au Développement (AFD).
Le tourisme, l’une des principales mannes économiques de l’Égypte, a été abordé: « Vous n’avez rien à craindre », a lancé le président Sissi à l’adresse des citoyens français, après avoir rencontré dans la matinée les tour-opérateurs et responsables du tourisme.
« Dès que nous accordons un visa, nous engageons notre responsabilité à les protéger. Les touristes sont les bienvenus » en Egypte, a-t-il insisté.
« Nous sommes conscients que l’Égypte a besoin de cette confiance », a déclaré de son côté le président français.
D’autres grands dossiers devraient être discutés, notamment lors d’un dîner mercredi soir entre le président Sissi et le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian.
Mais c’est dans le huis clos des entretiens entre le président Sissi et ses interlocuteurs français que seront discutés les grands dossiers en cours. Le constructeur naval français DCNS a signé au début de l’été un contrat estimé à 1 milliard d’euros pour fournir quatre corvettes Gowind à la Marine égyptienne.
« Ce projet ouvre des portes car il suscite énormément d’intérêt chez les pays du Golfe », se félicite la source gouvernementale française, ajoutant qu’une option sur deux navires supplémentaires devrait être abordée lors des entretiens.
Des discussions sont également en cours sur le renouvellement de la flotte égyptienne d’avions de combat Mirage 2000, précise-t-on.
Dans un communiqué publié mardi, Amnesty International a demandé à la France de suspendre tous les transferts d’armes en cours en raison de la situation « alarmante » des droits de l’Homme en Egypte.