Israël en guerre - Jour 501

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Interview

L’entente progresse entre Israéliens et réformés américains, estime un rabbin

A l'issue de son séjour en Israël, le rabbin new-yorkais Ammiel Hirsch explique qu'en allant dans le nord et le sud du pays, de jeunes rabbins américains comprennent mieux le Moyen-Orient

Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël

Le rabbin Ammiel Hirsch (de face, en veste noire) en compagnie de l'auteur Yossi Klein Halevi, avec une cohorte de jeunes rabbins réformés, en janvier 2025. (Avec l'aimable autorisation de la Stephen Wise Free Synagogue)
Le rabbin Ammiel Hirsch (de face, en veste noire) en compagnie de l'auteur Yossi Klein Halevi, avec une cohorte de jeunes rabbins réformés, en janvier 2025. (Avec l'aimable autorisation de la Stephen Wise Free Synagogue)

NEW YORK – A l’occasion de leur séjour en Israël, ce mois-ci, le rabbin Ammiel Hirsch et sa délégation de rabbins réformés américains ont entendu les déflagrations des tirs d’artillerie et autres drones bourdonner au-dessus de leur tête lors d’une tournée dans le sud en proie à la guerre.

À la frontière nord, ils ont entendu des tirs d’armes automatiques, malgré la trêve. Une avocate a pleuré en leur parlant de son combat pour que les organisations internationales de défense des droits de l’homme reconnaissent les agressions sexuelles commises envers les femmes israéliennes.

Tout ceci a permis à ces jeunes rabbins de prendre conscience de la réalité que vit Israël, ce qui va dans le sens d’un effort du mouvement réformé pour mieux appréhender la vie israélienne depuis le pogrom commis par le Hamas le 7 octobre 2023. Ce besoin de compréhension a trouvé sa réciproque au sein de la population israélienne, qui comprend elle aussi mieux l’importance d’entretenir des relations fortes avec les Juifs de la diaspora non orthodoxes, explique Hirsch au Times of Israel.

Rabbin principal de la Stephen Wise Free Synagogue, dans l’Upper West Side de Manhattan, Hirsch est une figure de tout premier plan du mouvement réformé américain. Bien avant l’attaque du Hamas et la guerre qui s’en est suivie, Hirsch s’était donné pour mission de soigner la relation avec Israël, conscient que les jeunes Juifs prenaient leurs distances avec l’État juif. Cette relation est pour lui un impératif existentiel, à la fois pour le mouvement réformé et la diaspora juive.

Le progrom du 7 octobre et ses conséquences ont contribué à refonder cette compréhension de la part du mouvement réformé, explique-t-il.

« La plupart des membres de notre mouvement, à commencer par ses dirigeants, laïcs comme rabbiniques, se montrent nettement plus mesurés compte tenu des difficultés auxquels Israël fait face, à commencer par l’opposition à Israël et à la communauté juive dans son entier », a souligné Hirsch lors d’un entretien téléphonique, la semaine passée.

Côté Israélien, la guerre a fait prendre conscience du besoin d’entretenir une relation avec la communauté juive réformée, ajoute-t-il. Ce mouvement est le plus important aux États-Unis, mais il est finalement peu représenté en Israël et regardé avec une prudence mêlée de scepticisme par nombre d’Israéliens.

En Israël, les autorités religieuses sont sous la coupe du rabbinat orthodoxe, qui ne reconnaît par exemple pas les conversions opérées par le judaïsme réformé. Les Juifs américains s’opposent par ailleurs au rabbinat sur des questions comme celles de l’accès des hommes et des femmes au mur Occidental. Avant-guerre, les critiques envers le gouvernement Netanyahu et son projet de sa refonte judiciaire avaient exacerbé les tensions.

Hirsch estime avoir été, avec sa délégation, « bien accueilli partout et par tous ». La guerre a entrainé un « profond sentiment de solitude » en Israël, une prise de conscience que les événements du Moyen-Orient avaient des répercussions sur la vie des Juifs de la diaspora et du « besoin capital » d’une relation entre Israël et sa diaspora, poursuit Hirsch.

Le rabbin Ammiel Hirsch. (Avec l’aimable autorisation/Ben Asen Photography)

« Cette relation, cette connexion, cette alliance, est possible avec les Juifs non orthodoxes, qui représentent 90 % de la communauté juive américaine. Je crois que les Israéliens en sont bien conscients, désormais. Je crois qu’ils en ont une perception affective qui n’existait peut-être pas avant », confie-t-il.

« J’espère que cela va s’inscrire dans le long-terme, et que même ceux qui se considèrent comme orthodoxes vont réfléchir et comprendre que ce qui nous unit, surtout en ce moment difficile de l’histoire juive, est bien plus important que ce qui nous divise », poursuit-il.

Agir pour un Israël « plus fort »

Lors de la semaine passée en Israël, les 23 rabbins réformés d’Amérique du Nord venus avec Hirsch ont effectué plusieurs déplacements en Israël et se sont entretenus avec des dirigeants de la sphère civile.

C’est la deuxième fois que l’Amplify Israel Rabbinic Fellowship de Stephen Wise, programme de formation professionnelle d’un an destiné aux rabbins en début de carrière, envoie une délégation en Israël.

La bourse qui y est adossée fait partie de l’initiative Amplify Israel de la synagogue, série de programmes destinés à favoriser le sionisme et le soutien à Israël au sein des milieux juifs progressistes. Le programme sélectionne des rabbins en début de carrière, appelés donc à servir durant plusieurs décennies, afin qu’ils puissent agir sur le long terme.

Le voyage, quant à lui, sert aussi à établir des relations entre rabbins participants.

Dans le cadre de ce programme, les rabbins étudient les principes fondamentaux du sionisme, sont associés à des mentors – des rabbins expérimentés – et apprennent à faire état de leurs positions sionistes dans diverses enceintes – éditoriaux, apparitions dans les médias et sur les réseaux sociaux.

Hirsch n’élude pas les problèmes soulevés par des rabbins réformés, en matière de politique intérieure depuis le début de la guerre, comme par exemple la lutte contre les discriminations antisémites. Les rabbins réformés luttent contre l’antisémitisme en conseillant les membres de la communauté et en aidant les fidèles à mieux comprendre l’antisémitisme et distinguer critique légitime d’Israël et opposition à l’existence-même du pays.

Un contre-manifestant pro-Israël lors d’une manifestation anti-Israël à Times Square, New York, le 1er janvier 2025. (Crédit : Luke Tress/Times of Israel)

« Nous leur donnons des conseils pour y répondre, que ce soit dans les écoles et les universités, les espaces de travail, les médias. Nos comités et spécialistes travaillent là-dessus pour savoir où se trouvent nos fidèles. Et cela passe aussi par des déclarations officielles », ajoute Hirsch.

« Selon nous, il est capital de réagir pied à pied, à chaque attaque, sinon l’antisémitisme prend racine et s’aggrave. »

Il n’existe pas une façon unique de vivre l’antisémitisme, explique Hirsch. Dans la rue, par exemple, les Juifs réformés ne sont « pas aisément identifiables a contrario de certains de nos frères et sœurs orthodoxes », poursuit-il.

« Mais d’un autre côté, nous sommes beaucoup plus impliqués au sein d’institutions qui, selon vous, font preuve d’une profonde hostilité envers Israël, laquelle se transforme souvent en hostilité envers les Juifs », précise-t-il en parlant des écoles non juives, universités et des milieux de l’édition laïque. Partout, les fidèles font part d’un regain d’antisémitisme généralisé, assure-t-il.

Selon lui, la communauté juive est fait de trois sous-groupes au contenu plus ou moins fluctuant.

Selon lui, la gauche antisioniste s’est durcie dans son opposition à Israël. « Au moins à court terme, il m’est difficile – comme d’autres membres de l’establishment juif – d’avoir avec eux un dialogue constructif ou d’essayer de les persuader de quoi que ce soit », explique-t-il en ajoutant que ce groupe représente une toute petite minorité, toutefois surreprésentée parmi les jeunes Juifs.

Le sous-groupe le plus important s’est, lui, engagé dans la vie et la communauté juives, fréquente plus souvent les synagogues et soutient davantage les institutions juives.

Le troisième sous-groupe s’est trouvé dépassé par les événements et s’est mis en retrait, explique-t-il.

« Pour autant, ils ne sont pas antisionistes, mais ils se sont mis en retrait : ils sont là mais sans s’impliquer », ajoute-t-il. « L’enjeu est très important et nous devons faire en sorte de rallier le plus grand nombre d’entre eux, car ces Juifs sont à notre portée. »

Les jeunes Juifs réformés appartiennent indifféremment à ces trois groupes : les étudiants juifs de la génération Z qui prennent position contre l’antisémitisme « seront les prochains dirigeants de la communauté juive américaine », affirme-t-il.

Si l’avenir du mouvement est incertain, confie-t-il, il espère que certaines évolutions positives seront pérennes.

« Je ne sais pas si le mouvement de retour aux institutions juives et au judaïsme est assez profond pour être durable au sein de la communauté juive. Je l’espère », conclut-il.

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