Entretien avec Rick Jacobs, leader du mouvement Réformé américain
Après avoir pris la parole lors de la manifestation de samedi à Tel Aviv, le rabbin déclare qu'il a représenté la majorité des Juifs américains qui condamnent la réforme judiciaire

Le rabbin Rick Jacobs, président de l’URJ (Union pour le Judaïsme réformé), a prononcé un discours à la tribune lors de la manifestation massive contre le projet de refonte radicale du système judiciaire qui a rassemblé les Israéliens samedi soir à Tel Aviv – c’était la première fois qu’un ressortissant non-israélien était invité à prendre la parole à l’occasion du mouvement de protestation, qui dure depuis huit semaines consécutives.
Dans son allocution, Jacobs a averti que le plan de la coalition rendrait Israël moins démocratique et qu’il menacerait les droits des minorités.
« Mes amis, vos frères et sœurs de la Diaspora affirment leur solidarité avec vous tous, ce soir », a dit Jacobs qui s’exprimait en hébreu.
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« Il nous est impossible d’imaginer un État juif qui ne soit pas démocratique – malheureusement, certains parviennent à l’imaginer. Notre inquiétude est profonde face aux changements qui ont été proposés et qui interviennent directement dans la démocratie israélienne. Avec seulement 61 votes, la Knesset sera en capacité de passer outre les droits de millions d’Israéliens – membres de la communauté LGBTQ, femmes, citoyens palestiniens d’Israël et Juifs non-orthodoxes », a-t-il ajouté, s’adressant aux dizaines de milliers de personnes venues pour faire part de leur mécontentement à Tel Aviv.
Dans son discours, Jacobs a déclaré qu’une grande partie de la communauté juive américaine était très inquiète face aux événements en cours dans le pays, parce que « nous savons combien la vie en tant que minorité peut être précaire. Mais nous savons aussi que nos principes d’égalité des droits pour tous, d’état de droit, de tribunaux indépendants – notre démocratie – sont les principes qui nous protègent ».
Jacobs est actuellement en visite en Israël, ce mois-ci, dans le cadre de déplacements organisés par plusieurs organisations. Ainsi, il a fait partie, la semaine dernière, de la Délégation de la CoP (Conference of Presidents of Major American Jewish Organizations) et il est aussi membre d’un groupe formé de 250 rabbins du mouvement Réformé venus en Israël dans le cadre de la CCAR (Central Conference of American Rabbis). Il doit aussi participer, cette semaine, à une réunion qui a été organisée par le ministère des Affaires étrangères.

Lors d’un entretien avec le Times of Israel, dimanche matin, Jacobs reconnaît que son apparition à la tribune était peut-être inattendue dans la mesure où les intervenants, jusqu’à présent, étaient des citoyens israéliens.
« Il y a eu des discussions. Ils sont entrés en contact avec moi et j’ai été très honoré d’être invité », dit-il. « Manifestement, la prise de parole d’un responsable de la Diaspora est plutôt inhabituelle, mais je voulais venir et transmettre un message de solidarité. La plus grande partie de la communauté juive américaine est inquiète [au sujet de la refonte du système judiciaire].
Jacobs rejette les critiques qui estiment qu’un Juif étranger n’a pas à intervenir dans une affaire intérieure.
« Ces critiques sont toujours faites de manière unilatérale. On me dit que nous ne pouvons pas avoir un avis, ensuite on vient me voir pour me dire : ‘On a besoin de votre aide pour régler ce problème important au Congrès’, » explique-t-il.
« Là, on ne nous demande pas de rester à l’écart. Et de notre côté, nous nous engageons pleinement dans la mission qui nous est alors confiée. Ce n’est pas équitable de nous dire quand nous pouvons et quand nous ne pouvons pas intervenir », continue Jacobs.
Ces dernières semaines, un nombre croissant d’institutions juives ont dénoncé le projet de refonte du système de la justice qui a été proposé par le gouvernement israélien, qui affaiblirait de manière déterminante les tribunaux et qui placerait le système quasiment sous le contrôle de la coalition au pouvoir. Les opposants aux réformes – avec, parmi eux, de nombreux experts juridiques, des économistes et d’anciens hauts-responsables de la sécurité – ont averti que cette initiative portera un coup important à la démocratie dans le pays tandis que leurs partisans affirment qu’elles freineront une justice trop activiste qui n’incarne pas, selon eux, la volonté du peuple.
« Il s’agit ici de changer la structure fondamentale de l’État juif et démocratique. »
Jacobs déclare que les groupes juifs américains – et notamment son mouvement Réformé – n’hésitent pas à intervenir dans des problématiques liées aux communautés juives du monde entier, citant notamment le mur Occidental, le pluralisme religieux en Israël ou les conversions au judaïsme.

A leurs yeux, le combat actuellement mené sur une réforme qui bouleverserait profondément l’équilibre des pouvoirs en Israël place nécessairement cette lutte à la portée des Juifs du monde entier, qui se considèrent comme des partenaires dans la formation et dans l’existence de l’État d’Israël.
« Il s’agit ici de changer la structure fondamentale de l’État juif et démocratique », souligne-t-il.
Il note que les avertissements et les critiques ne proviennent pas seulement des groupes progressistes les plus virulents mais aussi des organisations et des responsables juifs mainstream qui, dans l’Histoire, ont toujours été réticents à l’idée de critiquer les gouvernements israéliens, et particulièrement concernant des affaires intérieures.
Malgré son opposition personnelle et celle de son mouvement à de nombreuses politiques prônées par le gouvernement actuel, Jacobs répète que l’URJ, qui représente environ deux millions de Juifs américains, est déterminée à ne pas se détourner de l’État d’Israël et de sa population.
« J’ai voulu transmettre un message qui parlait d’amour. Nous aimons ce pays. Nous ne vous tournons pas le dos. Nous ne le ferons pas. Nous vous soutiendrons encore davantage », s’exclame-t-il.
« Des voix s’élèvent qui nous demandent de nous éloigner de vous. Ma réponse et la réponse de mon mouvement, c’est : ‘Nous ne nous éloignons pas, nous vous soutenons’. »
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