Israël en guerre - Jour 536

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Des archéologues exposent le ‘dialogue’ judéo-musulman à Jérusalem d’il y a 1 300 ans

A l'aide de pièces, de récipients et d'inscriptions, des chercheurs espèrent partager avec le monde arabe les débuts de l'islam en terre sainte, une période de tolérance relative pour les juifs et les musulmans

Amanda Borschel-Dan édite la rubrique « Le Monde Juif »

Mosquée d'Umar à Nuba, en Cisjordanie (Crédit : Assaf Avraham)
Mosquée d'Umar à Nuba, en Cisjordanie (Crédit : Assaf Avraham)

Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a apporté mercredi une réponse cinglante à la reconnaissance par le président des Etats-Unis Donald Trump de Jérusalem en tant que capitale d’Israël.

Citant les bastions musulmans et chrétiens et les liens historiques de la ville, Abbas a nié la revendication ancienne de la capitale par l’Etat juif, disant que « la décision prise ce soir par le président américain Trump ne changera pas la réalité de la ville de Jérusalem pas plus qu’elle n’accordera à ce sujet de légitimité à Israël, parce que Jérusalem est une ville arabe chrétienne et musulmane, la capitale de l’état éternel de Palestine ».

Dans des propos traduits par Wafa, l’agence de presse et d’information palestinienne, Abbas a dit que « Jérusalem, la capitale de l’état de Palestine, est trop grande et trop ancienne pour que son identité arabe soit altérée par une mesure ou par une décision. L’identité de Jérusalem et son histoire ne seront pas faussées ».

Et en effet, l’identité musulmane de Jérusalem s’est forgée avec l’aube de l’islam. Néanmoins, selon deux archéologues israéliens, cette identité a été tout d’abord celle d’une coexistence fondée sur la tolérance. Ils affirment avoir des preuves archéologiques vieilles de 1 300 ans pour le prouver et veulent dorénavant les partager avec le monde musulman.

Assaf Avraham, 38 ans, et Peretz Reuven, 48 ans, tous deux en train de passer un doctorat en archéologie à Jérusalem, ont lancé mercredi une campagne de crowdfunding pour réunir des fonds qui leur permettront de continuer leur travail en exposant une période de l’histoire de Jérusalem peu connue qui, disent-ils, a été celle d’un « dialogue interconfessionnel » entre juifs et musulmans.

Les archéologues Peretz Reuven (à gauche) et Assaf Avraham. (Autorisation)

Parmi les preuves archéologiques trouvées, l’usage de symboles juifs durant la gouvernance musulmane. Avraham a confié dans une conversation avec le Times of Israel, mercredi, que cette trouvaille et d’autres illustrent une période de l’histoire de Jérusalem durant laquelle les conquérants musulmans ont eu le sentiment d’être une continuation du peuple d’Israël.

« Au début de la gouvernance musulmane, non seulement ils ne s’opposaient pas aux Juifs mais ils se considéraient comme une continuation du peuple juif ». Ils avaient adopté le narratif juif et les symboles, a dit Avraham. La ménorah était un symbole juif et son usage est un témoignage prouvant que les musulmans n’avaient pas de problèmes avec les Juifs, a-t-il ajouté.

Comme preuve, les chercheurs offrent des pièces et autres récipients d’il y a 1 300 ans, datant donc de la période des Omeyyades (en l’an 638 de l’ère commune) qui présentent des ménorot à sept branches. De plus, les archéologues ont souligné une inscription mentionnant le mont du Temple que, de manière spectaculaire, les archéologues ont déchiffrée et dévoilée l’année dernière et qui fait la liaison entre le Dôme du rocher et le mont du Temple.

Une inscription vieille d’un millénaire dans la mosquée de Nuba qui mentionne le terme ‘Beit al-Maqdas’ dans le cadre du Dôme du rocher (Crédit : Assaf Avraham)

L’inscription, trouvée sur une mosquée en fonctionnement du village de Nuba, a été gravée en vieux kufi dans un bloc de calcaire qui indique la direction de la Mecque et qui dit : « Au nom de Dieu le miséricordieux, le compatissant, ce territoire, Nuba, et toutes ses frontières et sa région entière sont une fondation du rocher de Bayt al-Maqdis et de mosquée al-Aqsa, tels qu’ils ont été consacrés par le commandant des fidèles, Umar ibn al-Khattab, à la gloire d’Allah ». Le lien avec le mont du Temple, dit Avraham, montre que les gouvernants musulmans voulaient reconstruire le temple du roi Salomon et non le remplacer.

Suite à la publication de l’inscription l’année dernière, les deux archéologues ont rencontré le Premier ministre Benjamin Netanyahu et ils ont aidé le ministère des Affaires étrangères à médiatiser leurs trouvailles sur des canaux de réseaux sociaux variés. Lorsqu’elles ont été publiées par les médias arabes du ministère qui regroupent plus de 1,3 million d’abonnés, Avraham a indiqué avoir noté une réponse énorme de tout le Moyen Orient. Ce qui l’a incité –
en tant qu’Israélien et en tant que chercheur – à amener de nouvelles trouvailles archéologiques au monde arabe.

« Nous voulons montrer au monde la preuve d’un dialogue qui a eu lieu pendant des centaines d’années », a-t-il dit, de manière à ce que les gens puissent décider quoi croire par eux-mêmes ».

https://youtu.be/HmsP5s29scE

Ces éléments sont en opposition complète avec le narratif enseigné aujourd’hui dans les pays musulmans. Plus troublant encore pour les chercheurs, le rejet général relativement récent et le déni parmi les Palestiniens d’une connexion juive à Jérusalem. Sur la scène internationale, les échos de ces dénis peuvent être appréhendés dans une récente résolution de l’UNESCO qui a ignoré les liens juifs et chrétiens avec le mont du Temple et ne s’est référé au site controversé que sous ses dénominations musulmanes.

Une fois financé par le biais d’une campagne sur le site de crowdfunding Giveback, le projet des deux hommes a pour objectif d’enseigner une histoire de concessions mutuelles entre juifs et musulmans à Jérusalem qui n’est pas présentée dans la majorité des écoles musulmanes.

« Nous espérons que cette exposition fera la promotion d’un dialogue éduqué entre juifs et musulmans », a dit Avraham.

Dans l’oeil de l’observateur

Que ces pièces et autres preuves archéologiques dénotent une histoire commune et tolérante est matière d’interprétation pour ceux qui lisent très attentivement les annales de l’Histoire.

Dans les années 1970, les historiens Patricia Crone et Michael Cook ont écrit dans leur ouvrage en anglais : « Hagarism: The Making of the Islamic World », qu’ils « croient qu’à l’origine, les musulmans avaient vraiment l’intention de reconstruire le temple juif… Ce lien juif a été temporaire et court, toutefois, et la séparation d’avec le judaïsme a été rapide ».

Une pièce datant des Omeyyades (après la réforme) avec un modèle de ménorah à sept branches. Bronze. Ces pièces ont été probablement frappées à Jérusalem aux environs du 8ème siècle. D’un côté, une ménorah à sept branches avec une inscription en arabe : « Il n’y a d’autre Dieu qu’Allah ». De l’autre, une inscription en arabe : « Mahomet, le messager de Dieu » et au-dessus, le symbole du croissant musulman. Cadeau d’Abraham Sofer et de Marianne Schweer Sofer Collection, Palo Alto, aux Amis américains du musée d’Israël, à Jérusalem, en Israël. (Crédit : le musée d’Israël, Jérusalem : Vladimir Nikhin)

Prenons les pièces, par exemple. Frappées à Jérusalem sous gouvernance musulmane, la ménorah apparaît au centre, d’un des côtés, accompagnée par la chahada en arabe disant : « Il n’y a d’autre Dieu qu’Allah ». De l’autre côté, l’inscription : « Mahomet est le messager de Dieu ». Recherchées par Dan Barag dans les années 1980, ces pièces sont en bronze et datent des années 696/97, durant l’ère qui a suivi la réforme des Omeyyades.

Selon le chef du département des pièces de l’Autorité des antiquités israéliennes (AAI), Donald Tzvi Ariel, l’AAI possède au moins sept pièces similaires dans ses collections et elles ne sont pas considérées comme rares. Mais signifient-t-elles que les gouvernants musulmans faisaient la promotion du pluralisme ?

« A cette époque, les pièces symbolisaient l’argent, la capacité de celui qui en possédait à acheter de la nourriture et à vivre. Je ne peux pas affirmer que les gens qui ont émis cette pièce pensaient à promouvoir les relations interconfessionnelles », dit Ariel.

Au centre d’une pièce musulmane frappée à Jérusalem de la période des Omeyyades, au 8ème siècle, une ménorah à cinq branches. D’un côté, l’inscription « il n’y a d’autre Dieu qu’Allah ». De l’autre, l’inscription en Arabe « Mahomet est le messager de Dieu ». (Autorisation : Assaf Avraham)

La pièce de la ménorah à sept branches a été rapidement suivie d’une autre à cinq branches, selon un essai écrit par un spécialiste des ménorot, le professeur Steven Fine, de l’université de la Yeshiva, appelé « When is a Menorah ‘Jewish’?: On the Complexities of the Symbol During the Age of Transition » qui se trouve dans la collection : « Age of Transition: Byzantine Culture in the Islamic World »

Fine écrit que les premiers créateurs de pièces islamiques ont utilisé des modèles byzantins et perses pour leurs pièces, « empruntant leur iconographie de base tout en l’adaptant à l’esthétique en développement de l’islam ».

La pièce à sept branches « a coïncidé avec l’islamisation de Jérusalem et son folklore et l’intérêt particulier montré pour le temple de David et Salomon. En fait, sous les Omeyyades, la ville de Jérusalem était souvent citée, en arabe, comme la medinat bayt al-maqdis, « la cité du temple ».

L’inscription d’Umar à la mosquée de Nuba, datant du 9ème ou du 10ème siècle (Crédit : Assaf Avraham)

« Les pièces de Jérusalem suggèrent donc qu’alors que le temple était reconstruit, pendant un bref moment, la ménorah du temple a été la propriété de l’islam ».

L’usage postérieur d’une ménorah à cinq branches, écrit-il, est le signe d’un éloignement des symboles juif et chrétien.

Dans « Medieval Jerusalem and Islamic Worship: Holy Places, Ceremonies, Pilgrimage », l’historien de l’université Hébraïque Amikam Elad aborde aussi les références islamiques à Jérusalem en tant que bayt al-maqdis, comme dans l’inscription de Nuba. Elad écrit que cela signifie – pour de nombreuses raisons – que le Dôme du Rocher a été construit à l’endroit où se dressait le temple juif.

« De nombreuses traditions qui ont circulé dans la deuxième moitié du 7e siècle ou au début du 8e siècle évoquent la construction du temple par Salomon et sa destruction par Nabuchodonosor. Quelques unes sont encore plus spécifiques, faisant le lien entre le Dôme du Rocher musulman et le temple de Salomon. L’une d’entre elles est que la nation de Mahomet devait créer le temple de Jérusalem », a indiqué Elad.

Selon la tradition, le calife Umar ibn al-Khattab, sous la direction duquel les armées arabes avaient conquis Jérusalem et le reste de la Palestine byzantine au milieu du 7e siècle, avait choisi le mont du Temple comme site du Dôme du Rocher. C’est sous son successeur Abd al-Malik que le lieu saint a été achevé en l’an 691.

Des centaines de milliers de fidèles prient à la mosquée al-Aqsa pendant la nuit d’Al-qadr, devant le Dôme du rocher, au sein du complexe connu pour les musulmans comme al-Haram al-Sharif et pour les Juifs comme le mont du Temple, le 1er juillet 2016 (Crédit : Suliman Khader/Flash90)

Les historiens Crone et Cook abordent certaines autres raisons possibles à ce lien entre le Dôme du Rocher et le Temple juif. Ils citent des sources juives anciennes, comme les « Secrets du Rabbin Simon ben Yohay », écrit à la moitié du 8e siècle, qui préservent une interprétation messianique de la conquête arabe, écrivent les auteurs.

« L’empressement de ces sources à parler des activités de construction des Arabes sur le site comme de la restauration du temple… suggèrent pour le moins que c’était ce que les Arabes pensaient faire à l’origine ».

Toutefois, Crone et Cook évoquent également un récit donné par Sebeos, un évêque et historien arménien du 7e siècle, qui fait état d’une « querelle ouverte entre Juifs et Arabes sur la possession du site du saint des saints et des Arabes contrariant un projet juif de restauration du temple en y construisant à la place leur lieu de culte ».

Les auteurs concluent qu’il « n’est pas improbable que les ‘secrets » et Sebeos se réfèrent aux phases successives des relations entre Juifs et Arabes. Mais Sebeos place son récit dans le sillage immédiat de la première vague de conquête arabes, les jours du messie semblent avoir été en tout cas assez courts ».

Une révélation « sous forme de parachèvement »

Dans une conversation avec le Times of Israel jeudi, l’historien spécialiste de l’époque médiévale Jeffrey Woolf, professeur associé au département du Talmud Naftal-Yaffe à l’université Bar Ilan, a parlé de la contribution apportée par les Juifs aux tous débuts de l’islam.

« Il y a des preuves claires que Mahomet avait une certaine connaissance du midrash [exégèse biblique juive]. Il y a clairement des midrashim révisés et attribués à l’entourage de Mahomet », a-t-il expliqué.

Le docteur Jeffrey Woolf, professeur associé au département du Talmud Naftal-Yaffe à l’université de Bar Ilan (Autorisation)

Toutefois, le bilan des relations entre Mahomet et les Juifs n’est pas « un récit heureux », a-t-il ajouté, citant les massacres à Médine, les expulsions et un système qui plaçait les Juifs dans une catégorie de sous-citoyen.

Woolf a néanmoins indiqué qu’il était possible qu’alors que les gouvernants musulmans s’établissaient à Jérusalem, il y ait eu « plus d’espace offert à la coexistence », avec en particulier moins de persécutions à la « périphérie » du califat.

Il y a eu une période de flux au début de l’islam, a poursuivi Woolf, qui a pris un temps relativement long à s’enraciner et à dépasser le christianisme dans la région. « Qui a dit que ces dirigeants qui ont fait frapper ces pièces [avec la ménorah] étaient des musulmans orthodoxes ? » s’est interrogé Woolf. A Jérusalem, il y avait une certaine tolérance du judaïsme et jusqu’au 12e siècle, avec les conquêtes de Mameluke, il y a même des preuves de la présence d’une synagogue sur le mont du Temple, a-t-il dit.

Toutefois, les musulmans peuvent ne s’être considérés comme une continuation du peuple d’Israël seulement dans le sens où ils avaient cru à une « révélation sous forme de parachèvement ».

La pierre de fondation du sanctuaire du Dôme du rocher de Jérusalem. Le trou rond à gauche pénètre dans une petite cave connue sous le nom de Puits des âmes, en dessous. La structure qui ressemble à une cage juste en dessous du trou couvre l’entrée des escaliers vers la grotte. (Crédit : Wikipedia)

De cette manière, selon Woolf, Umar a choisi le mont du Temple parce qu’il déclarait ainsi que l’islam continuait –
en perfectionnant – ce qui était là auparavant.

« Tout ce qui était venu auparavant était dorénavant inférieur… Mahomet était le sceau des prophètes », a-t-il expliqué.

L’idée de « tolérance » est « anachronique, une pensée magique ».

« Dire que les non-musulmans étaient égaux aux musulmans ? C’est injuste pour les musulmans, qui, en tant que membres de la ‘vraie religion’, étaient dans une position supérieure », a dit Woolf.

Il n’y avait pas de pluralisme, a-t-il dit. « Tout le monde croit dans la vérité absolue – ma vérité contredit donc la vôtre », a dit Woolf.

En même temps, a indiqué le chef des pièces de l’AAI, Ariel, « je n’ai aucun doute sur le fait qu’au tout début de l’islam, il y avait un fort degré de tolérance entre Musulmans et Juifs et entre Musulmans et Chrétiens. L’Islam, après tout, est à ce jour une religion très tolérante. Les majorités silencieuses ont besoin de meilleures relations publiques ».

Un nouvel ordre mondial ?

Mercredi soir, Trump a fait le lien entre Jérusalem et le peuple ancien d’Israël et a touché les sensibilités des trois religions monothéistes envers Jérusalem dans son discours.

« Jérusalem est aujourd’hui et doit rester l’endroit où les Juifs prient au mur Occidental, où les chrétiens marchent sur le chemin de croix à Jérusalem et où les musulmans prient à la mosquée Al-Aqsa. Et il est temps que les voix jeunes et modérées dans tout le Moyen Orient réclament pour elles-mêmes un avenir lumineux et brillant ».

https://youtu.be/Q5bnlmimzQU

« Alors aujourd’hui, efforçons-nous d’emprunter une voie de compréhension mutuelle et de respect. Repensons nos anciennes hypothèses et ouvrons nos coeurs et nos esprits au possible, aux possibilités », a dit Trump.

Les jeunes archéologues qui tentent de trouver des fonds pour leur projet qui a pour objectif d’explorer une période rare au cours de laquelle Juifs et Musulmans résidaient en Israël dans une tolérance relative et discutable seraient probablement d’accord.

« Tout est dorénavant basé sur la haine. Nous voulons montrer qu’il y avait le dialogue dans le passé et que cela peut continuer », a dit Avraham.

Ilan Ben-Zion a contribué à cet article.

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