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Analyse

Les cartes politiques se mélangent à l’approche des élections

Alors que la crise au sujet du projet de loi sur l’Etat nation s’intensifie, le Premier ministre cherche un partenariat avec les ultra-orthodoxes, les mêmes partis qui peuvent entraver sa loi

Haviv Rettig Gur est l'analyste du Times of Israël

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu à la Knesset, le 26 novembre 2014. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu à la Knesset, le 26 novembre 2014. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

L’officiel du Likud avait entendu la question cent fois la semaine dernière. Non, a-t-il dit sans hésiter, le Premier ministre ne veut pas de nouvelles élections. Mais elles ne sont pas exclues.

« Ce n’est pas blanc ou noir. Le Premier ministre ne veut pas d’élections, mais d’un autre côté il ne souhaite pas continuer dans une coalition qui se comporte ainsi. Cette habitude de menacer constamment le Premier ministre avec des élections n’a pas de fin », a déclaré l’officiel.

Et, bien sûr, au cours de la semaine dernière, alors que la crise politique au sujet du projet de loi sur l’Etat nation a pris de l’ampleur, Netanyahu a fait preuve d’une bonne volonté bien plus grande que par le passé de résister aux ultimatums des partenaires de sa coalition. Il a déclaré dimanche qu’il était prêt à se battre pour son projet de loi sur « l’Etat juif » même s’il ne rassemblait pas tous les votes parmi les membres du cabinet.

Interrogé dimanche si cette brèche apparente dans l’unanimité de la coalition signifiait que le pays allait vers de nouvelles élections, une question à laquelle il a répondu un nombre incalculable de fois au cours des derniers mois en appelant publiquement au calme et à la « stabilité » – Netanyahu a simplement répondu, « Le temps nous le dira ».

Le ministre des Finances Yair Lapid (G) et le Premier ministre Benjamin Netanyahu en conférence de presse en 2013 (Crédit : Flash90)
Le ministre des Finances Yair Lapid (G) et le Premier ministre Benjamin Netanyahu en conférence de presse en 2013 (Crédit : Flash90)

Le raisonnement politique du Premier ministre est sain. Dans les sondages, les partis Yesh Atid et Hatnua n’ont pas de très bons résultats, diminuant de moitié avec Hatnua, frôlant la limite du seuil électoral à troi sièges dans les récents sondages.

Dans le même temps, le propre Likud de Netanyahu, maintenant avec seulement 18 sièges à la Knesset, aurait toujours reçu entre 25 et 30 sièges selon les sondages de derniers mois. Cela en fait le plus important parti dans chacune des enquêtes.

Il y a une possibilité distincte, alors que le ministre des Affaires étrangères Avidgor Liberman a noté la semaine dernière à la Knesset, qu’une coalition de droite et d’extrême droite – Likud, HaBayit HaYehudi et Yisrael Beytenu, pourrait disposer d’une majorité de 61 sièges dans la prochaine Knesset sans même avoir besoin d’un partenaire centriste ou ultra-orthodoxe.

Le ministre des Finances Yair Lapid (G) et le Premier ministre Benjamin Netanyahu en conférence de presse en 2013 (Crédit : Flash90)
Le ministre des Finances Yair Lapid (G) et le Premier ministre Benjamin Netanyahu en conférence de presse en 2013 (Crédit : Flash90)

Cette réalité est peut-être à la base de la nouvelle confiance politique de Netanyahu. Fort de cette confiance, sa détermination à faire passer le projet de loi « Etat nation » pourrait servir de catalyseur à un changement majeur dans la carte politique du pays. Le Premier ministre lit les sondages pour discerner la forme de la prochaine Knesset, et il négocie déjà son prochain gouvernement.

Ce gouvernement, ont insisté des sources proches de lui, n’aura pas besoin du chef de Yesh Atid Yair Lapid et de la chef de Hatnua, Tzipi Livni. Ce gouvernement, en réalité reflétera la dure leçon des vingt derniers mois pour Netanyahu : c’est tout simplement plus facile de travailler avec les ultra-orthodoxes.

Des surprises en réserve

Winston Churchil a remarqué un jour qu’observer la politique soviétique était comme « regarder un combat de chien sous un tapis ». On sait seulement quel chien a gagné quand l’autre chien doit sortir du tapis.

Les semaines à venir verront un grand nombre d’agitation sous le tapis, et au moins quelques conclusions surprenantes. Peut-être la conclusion la plus surprenant, à ce moment, serait la survie de la coalition.

Il y a de nombreux signaux que Livni et Lapid, qui lisent les sondages comme Netanyahu, cherchent des moyens de désarmorcer la tension autour du projet de loi Etat nation avant que la coalition ne passe par dessus bord.

La ministre de la Justice Tzipi Livni à la réunion hebdomadaire du cabinet le 23 novembre 2014 (Crédit : Ohad Zwigenberg/POOLF/LASH90)
La ministre de la Justice Tzipi Livni à la réunion hebdomadaire du cabinet le 23 novembre 2014 (Crédit : Ohad Zwigenberg/POOLF/LASH90)

Le problème politique actuel ce n’est pas le contenu véritable du projet de loi, mais ce que les responsables politiques qualifient de son « optique ».

La semaine dernière, les 14 principes du « Premier ministre », un document de deux pages servant de principes directeurs pour la version du projet de loi Etat nation pas encore soumise au gouvernement par Ammon Abramovich, a fuité sur la Deuxième chaîne.

Abramovich a scrupuleusement annoncé que ces « principes » constituaient la version de Livni du projet de loi sur l’Etat nation, et le fait qu’ils allaient être présentés à une vote du cabinet le dimanche suivant montrait que Livni avait reporté une « victoire » sur les versions de droite proposées par les députés Ze’ev Elkin, Yariv Levin, Robert Ilatov et Ayelet Shaked.

En effet, lors de la rencontre de dimanche maintenant tristement célèbre qui a vu ostensiblement « passer » les projets de loi de droite au milieu des cris de Netanyahu, Livni, Lapid, Yaakov Peri le ministre de la Science et d’autres, le cabinet a en réalité voté pour inclure les propositions de loi dans le projet de loi adouci du gouvernement qui serait basé sur les 14 principes qui ont fuité.

La décision du cabinet fait clairement penser que les propositions de loi de droit seront soutenues en vue d’un vote préliminaire à condition qu’ils soient incorporés dans le projet de loi du gouvernement, ce qui avait entraîné l’opposition de Livni et Lapid.

Pour résumer, la semaine dernière, Livni a très certainement fait fuiter la première version du futur projet de loi du Premier ministre, a présenté le projet comme une « victoire » de sa part, et ensuite dimanche, elle a voté contre la décision du même cabinet qui remplaçait les versions de droite, contre lesquelles elle s’opposait, par la version qu’elle identifait comme étant la sienne.

Cette contradiction est importante car cela laisse entendre que Livni et Netanyahu sont en réalité d’accord sur le contenu du projet de loi qui est maintenant préparé, et que le combat qui menace de renverser la coalition est symbolique, mais sans substance.

Livni s’opposait à un vote symbolique à la Knesset sur les propositions de loi avant leur annulation, un vote perçu par le Premier ministre comme clef pour ses soutiens de droite mais qui n’affecterait pas la version finale du projet de loi Etat nation.

Cette version finale est toujours mise au point avec le procureur général et il n’est pas encore clair de savoir quand il sera présenté à la Knesset.

Bien sûr, l’opposition fervente de Livni et Lapid au vote symbolique des versions de droite n’est pas sans mérite. Quand on traite de projets de loi qui structure l’identité constitutionnelle fondamentale de l’État, le symbole est tout aussi important que la substance. Les constitutions sont tout autant des documents éducatifs que légaux.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu dirige la réunion hebdomadaire du 22 octobre 2014 (Crédit : Marc Israel Sellem/POOL/Flash90)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu dirige la réunion hebdomadaire du 22 octobre 2014 (Crédit : Marc Israel Sellem/POOL/Flash90)

Pourtant, cela signifie que la brume bélliqueuse sur le symbolisme a masqué le fait qu’il y a peut-être en réalité un large accord dans la coalition sur la substance et le contenu du projet de loi sur l’Etat juif.

Lorsque le Premier ministre a promis de faire passer le projet de loi malgré les objections de Livni et Lapid, il a oublié de remarquer que leurs objections ne sont pas sur son propre projet de loi, mais sur les votes symboliques concernant d’anciennes versions déjà annulées. Et quand Livni s’emporte sur le projet de loi « anti-démocratique », elle ne fait pas référence aux principes approuvés au cabinet, qu’elle semble soutenir, mais au sujet de ceux qui ont déjà été remplacés.

On observe donc maintenant des efforts en coulisses de toutes les parties, y compris des contacts entre les officiels de chaque partie de la coalition, pour trouver une formule afin d’aller de l’avant avec le projet de loi choisi sans renverser la coalition sur les votes symboliques. Les votes symboliques ont été reportés jusqu’à la semaine prochaine, et il y a au moins quelque chance qu’ils soient annulés. La raison : Netanyahu pourrait ne pas avoir assez de voix pour faire passer le projet de loi sans Lapid et Livni.

Les partis de droite qui soutiennent le projet de loi, le Likud, Yisrael Beytenu et HaBayit HaYehudi, représentent 43 sièges. Les opposants, avec Yesh Atid, Hatnua, Travailliste, Meretz, les partis de majorité arabe et Kadima, comptent au moins 59 voix.

Si Netanyahu ne parvient pas à combler la différence avec les centristes de sa coalition et à les amener à voter le projet de loi final, il aura besoin des 18 sièges des partis ultra-orthodoxes Torah judaisme uni et Shah pour le soutenir. Mais il aura peu de chance de les obtenir.

« Peu importe ce que le projet de loi stipule, nous ne votons pas pour des Lois fondamentales », a déclaré au Times of Israel un haut responsable de Judaisme unifié de la Torah cette semaine. Voter une Loi fondamentale est un acte de foi parmi les juges de ce pays, et nous n’avons pas cette foi ».

Le président du parti Shas, Aryeh Deri, lors d’une conférence de presse avec les médias ultra-Orthodoxes à Jérusalem le 15 septembre 2014 (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le commentaire de l’officiel reflète la politique de longue date des partis ultra-orthodoxes qui sont inquiets des interprétations libérales que le pouvoir judiciaire d’Israël a proposé des Lois fondamentales passées. Chaque nouvelle Loi fondamentale, insistent les législateurs ultra-orthodoxes, étend le langage légal disponible à la Cour Suprême pour ses décisions, sans en réalité limiter sa capacité à décider dans n’importe quel sens considéré comme acceptable par les juges.

Ainsi, tandis que les officiels du Likud se battent pour faire voter les ultra-orthodoxes en faveur de la Loi fondamentale de la nationalité, il est improbable qu’ils y parviennent, laissant alors Netayanhu aussi dépendant de Lapid et Livni qu’ils le sont de lui. Sans eux, il est très improbable que le projet de loi ne passe, et, si les sondages se révèlent exacts, sans lui ils n’ont pas beaucoup de chance de revenir au pouvoir dans le prochain gouvernement.

La fièvre des élections

Quel que soit le destin du projet de loi sur l’Etat juif, il ne fait que peu de doute que l’affrontement a tendu les relations au sein de la coalition certainement jusqu’au point de rupture.

Jeudi, Livni a une nouvelle fois réitéré dans un entretien radio qu’elle était prête à risquer les élections afin d’éviter un vote symbolique des propositions de loi de droite sur la nationalité, les qualifiant « d’anti-juives, anti-démocratiques et anti-sionistes ».

Mardi, Lapid a exprimé une critique cinglante de ses partenaires de la coalition au Likud, suggérant que le parti au pouvoir « vendait le pays au nom de manœuvres politiques primaires ». Il a qualifié les dirigeants du parti de « corrompus ».

Moshe Gafni (centre) et Yaakov Litzman (droite) en janvier 2013 (Crédit : Yaakov Naumi/Flash 90)
Moshe Gafni (centre) et Yaakov Litzman (droite) en janvier 2013 (Crédit : Yaakov Naumi/Flash 90)

Dans le même temps, l’indication la plus claire d’élections à venir est peut-être les signaux en provenance des ultra-orthodoxes qui ont effectivement commencé cette semaine les négociations de coalition pour le prochain gouvernement.

« Nous n’entrerons pas dans le prochain gouvernement à moins que le salaire minimum horaire ne soit remonté à 30 shekels » a déclaré Deri au journaliste dans une déclaration cette semaine, une déclaration publiée avant que quiconque ne lui ait posé la question.

Au cours de la semaine, le Shas a présenté, publiquement, une liste plus complète des exigences pour rejoindre la prochaine coalition : un salaire minimum horaire de 30 shekels, une baisse de la TVA de 18 % pour les produits de première consommation, l’annulation de la TVA 0 % de Lapid pour les premiers acheteurs de maisons, des modifications pour les lois passées par le gouvernement actuel concernant la conscription des ultra-orthodoxes et une augmentation des aides sociales aux familles nombreuses et des aides de l’état pour les séminaires ultra-orthodoxes ».

Le député UTJ Yakov Litzman a déclaré jeudi que son parti soutiendrait Netanyahu pour le poste de prochain Premier ministre si les politiques économiques actuelles du gouvernement étaient renversées dans le prochain gouvernement.

Le mécanisme politique est enclenché. Les élections n’attendent que le prochain communiqué de presse du Premier ministre.

Pour Netanyahu, comme pour tout Premier ministre en place, les enjeux d’élections anticipées sont très importants. Sans elles, il reste Premier ministre ; avec elles, il peut perdre son poste.

Pourtant pour Lapid et Livni les enjeux sont tout aussi forts. Lapid pourrait perdre le contrôle de la politique intérieure (son parti contrôle les Finances, l’Education, la Santé et la Sécurité sociale) pour être relégué, en compagnie de ses « nouvelles politiques » laiques, sur les bancs de l’opposition. Quant à Livni, avec son parti qui n’obtient que 3 sièges dans de nombreux sondages, elle pourrait ne pas réussir à atteindre le seuil d’entrée à la Knesset et être totalement hors du jeu parlementaire.

Pas étonnant, alors, que les discussions dans les coulisses et les consultations soupirées dans les couloirs de la Knesset prennent de plus en plus d’importance. Reste seulement à voir qui, à la fin de la journée, se retrouvera secoué et éjecté de dessous le tapis, et qui restera dans le combat

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