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Les coraux de la mer Rouge menacés par une mystérieuse hécatombe d’oursins

S'ils ne s'étendent que sous 0,2 % de la surface des mers, les récifs coralliens abriteraient plus de 25 % de la biodiversité marine mondiale

Un oursin noir infecté mourant, en mer Méditerranée, avec les symptômes typiques du squelette à nu et des tissus et épines perdus. (Crédit : Konstantinos Kalaentzis)
Un oursin noir infecté mourant, en mer Méditerranée, avec les symptômes typiques du squelette à nu et des tissus et épines perdus. (Crédit : Konstantinos Kalaentzis)

Des scientifiques s’inquiètent pour les célèbres récifs coralliens de la mer Rouge après avoir découvert qu’un mal mystérieux décimait une population d’oursins indispensable à leur survie.

A Eilat, ville la plus au sud d’Israël, limitrophe de l’Egypte et de la Jordanie, la chercheuse Lisa-Maria Schmidt se souvient du moment où elle et ses collègues de l’Université de Tel-Aviv ont découvert le fléau.

L’enquête démarre en janvier lorsqu’ils apprennent qu’au large d’Eilat, de très nombreux oursins sont morts, en très peu de temps.

Les scientifiques, raconte Mme Schmidt, se rendent sur un site réputé pour foisonner de Diadema setosum, et ils n’y trouvent que « des squelettes et des amas d’épines » de ces oursins-diadèmes, espèce caractérisée par ses très longues radioles et un cercle orange bien visible sur un corps noir.

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L’idée leur vient alors qu’un déversement ponctuel de produits chimiques ou qu’un épisode de pollution pourraient avoir joué un rôle dans ces morts.

Mais dans les deux semaines qui suivent, les Diadema setosum qu’ils élèvent un peu plus loin sur la côte à l’Institut inter-universitaire pour les sciences marines sont touchés à leur tour. En moins de 48 heures, tous ces oursins installés dans des cuves alimentées par l’eau de la mer Rouge s’éteignent.

Les scientifiques excluent alors l’hypothèse d’un accident exceptionnel et intensifient leurs recherches pour découvrir la cause de ces morts subites.

Ils se rendent compte qu’une autre espèce d’oursins (Echinothrix calamaris) est elle aussi victime d’une mortalité massive dans les mêmes eaux, mais qu’en dehors de ces deux variétés, d’autres populations continuent de s’épanouir au milieu des coraux.

Omri Bronstein, de l’Université de Tel Aviv, examine un pot contenant des oursins Echinothrix Calamaris, dans les installations de stockage du Musée d’histoire naturelle Steinhardt, dans la ville côtière méditerranéenne israélienne de Tel Aviv, le 21 août 2023. (Crédit : JACK GUEZ / AFP)

Selon Mme Schmidt, les Diadema setosum étaient l’espèce d’oursins la plus répandue au large d’Eilat, et leur disparition pourrait avoir un effet dévastateur sur l’environnement car ces animaux marins se nourrissent d’algues à la prolifération très rapide. En les consommant, ils les empêchent de recouvrir les coraux, qui ont besoin d’accéder à la lumière pour croître.

Les algues « grandissent plus facilement que les coraux, elles les étouffent et tuent ainsi des étendues entières de récifs », explique-t-elle.

La mortalité massive des oursins a quelque chose de « particulièrement effrayant » pour la mer Rouge où les coraux « sont connus pour être robustes, et je pense que les gens ont placé beaucoup d’espoir dans ces récifs », s’alarme Mya Breitbart, biologiste à l’Université du Sud de la Floride, aux Etats-Unis.

S’ils ne s’étendent que sous 0,2 % de la surface des mers, les récifs coralliens abriteraient plus de 25 % de la biodiversité marine mondiale.

Gal Eviatar, étudiante à l’Université de Tel Aviv, utilise une pince pour tenir un oursin Diadema Setosum dans un aquarium de l’Institut interuniversitaire des sciences marines, dans la station balnéaire israélienne d’Eilat, sur la mer Rouge, le 14 septembre 2023. (Crédit : MENAHEM KAHANA / AFP)

Mme Breitbart a récemment percé le mystère d’un phénomène de mortalité massive d’oursins aux Antilles en identifiant un agent pathogène ayant décimé en 2022 des colonies entières d’une variété d’oursins cousine des Diadema setosum.

Mais les récifs coralliens antillais ne se sont jamais remis de la mort massive de populations locales d’oursins dans la décennie 1980.

Si la cause de ce mal n’est toujours pas clairement identifiée à ce jour, les conséquences en sont en revanche bien connues.

« Les récifs coralliens des Antilles ont complètement changé : (on est passé) d’un environnement où les coraux dominent (comme en mer Rouge) à un environnement où prévalent les algues », explique à l’AFP Omri Bronstein, spécialiste des invertébrés marins à l’Université de Tel-Aviv.

Mais pour ce qui est de la mer Rouge, M. Bronstein, qui dirige les chercheurs enquêtant à Eilat, se perd en conjectures.

« S’agit-il du même agent pathogène [si telle est la cause], que celui qui a frappé les Antilles » il y a une quarantaine d’années, « ou sommes-nous face à un scénario complètement différent ? »

Une chose semble certaine, selon lui : mettre un terme à la contagion est impossible car « nous ne pouvons pas traiter l’océan comme nous avons traité les humains atteints du Covid », par le biais de vaccins.

Le scientifique a une autre solution en tête : élever des oursins des deux espèces menacées, les maintenir en captivité avant de les relâcher en mer Rouge pour repeupler les récifs lorsque le danger aura été éloigné.

Un corail staghorn libère des œufs et du sperme qui sont transportés par les courants. (Crédit : Tom Shlesinger)

Une fois qu’ils auront trouvé l’origine de ces disparitions, M. Bronstein et ses collègues souhaitent déterminer comment la mer Rouge a pu être touchée.

Si des agents pathogènes sont arrivés par la mer, des mesures pourraient être prises pour nettoyer les embarcations et minimiser le risque de propagation, car, il en est sûr, si l’on est face à un parasite mortel, alors le prochain est déjà « en route », quelque part dans un port ou sur un navire.

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