Les coraux, en eaux profondes, brillent pour attirer leurs proies – étude en Israël
Des chercheurs affirment que les coraux, dans l'obscurité de la mer, utilisent la fluorescence pour attirer vers eux de petites espèces, comme les planctons
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Les coraux aux couleurs fluorescentes qui brillent à des dizaines de mètres en-dessous de la surface de la mer le font pour tromper leurs proies, a démontré une étude israélienne pour la toute première fois.
La fluorescence est un phénomène commun dans les récifs coralliens – notamment pour ces coraux qui vivent dans les récifs peu profonds et pour ceux qui se trouvent immergés dans l’obscurité totale du fond de la mer.
Mais jusqu’à présent, personne n’avait été en mesure de déterminer la raison justifiant ce phénomène.
Parmi les hypothèses qui avaient été avancées, celle que ce phénomène protègerait les coraux des radiations, qu’il optimiserait la photosynthèse (par les algues qui vivent en leur sein et qui leur donnent leur couleur), qu’il améliorerait l’immunité face aux maladies, qu’il les protégerait des herbivores ou qu’il attirerait les algues symbiotiques.
Toutefois, la nouvelle étude, qui a été publiée le mois dernier dans le journal à comité de lecture Communications Biology, démontre que la fonction de la fluorescence des coraux est, en fin de compte, d’induire les proies en erreur.
La fluorescence est différente de la bioluminescence qui résulte d’une réaction entre une molécule émettrice de lumière et un enzyme – habituellement les luciférases.
Elle se retrouve dans toutes sortes d’espèces vivantes, dans les espèces marines ou chez les insectes – comme c’est le cas chez les vers luisants – en passant par certaines espèces de bactéries et de champignons.
Certains poissons évoluant dans les profondeurs de la mer, par exemple, trompent leur proie grâce à la bioluminescence. Mais d’autres espèces peuvent briller pour se camoufler, par imitation ou pour attirer leurs pairs.

La biofluorescence, en contraste, survient chez les espèces vivantes qui émettent de la lumière en ayant déjà absorbé de l’énergie.
Pour déterminer que la véritable fonction de la fluorescence chez les coraux en eaux profondes était d’induire en erreur les proies, les chercheurs ont tout d’abord cherché à prouver que les planctons (de petits organismes qui se déplacent dans la mer en fonction des courants) étaient eux-mêmes attirés par la fluorescence – des tests qu’ils ont mené en laboratoire et dans la mer.
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Puis, en laboratoire, les chercheurs ont quantifié les capacités de prédation des coraux examinés dans ce cadre.
Parmi d’autres espèces, les chercheurs ont utilisé l’artémie – un petit crustacé mangé par les coraux. Quand les artémies ont eu le choix en laboratoire entre une cible fluorescente verte ou orange et une cible de contrôle transparente, les animaux ont montré une préférence significative pour la cible fluorescente.
Ce qui a été aussi le cas d’un petit crustacé natif de la mer Rouge.

En contraste, les poissons qui ne figurent pas, selon les chercheurs, parmi les proies prisées par les coraux ont évité les cibles fluorescentes en général et oranges en particulier.
Dans la seconde phase de l’étude, l’expérience a été menée dans l’habitat naturel des coraux, à environ 40 mètres en-dessous de la surface de la mer Rouge, dans le sud d’Israël. Et là, les pièges fluorescents (verts et oranges) ou attirés deux fois plus de planctons que le piège transparent.
« Nous avons mené une expérience dans les profondeurs de la mer pour examiner le possible pouvoir d’attraction, pour divers planctons, de la fluorescence, sous les courants naturels et dans les conditions de lumière propres aux eaux profondes, » a déclaré le docteur Or Ben-Zvi, qui a dirigé la recherche.

« Dans la mesure où la fluorescence est principalement ‘activée’ par la lumière bleue (la lumière des profondeurs de la mer), à ces profondeurs, la fluorescence est illuminée naturellement et les données obtenues lors de cette expérience ont été, sans équivoque, similaires à celles relevées en laboratoire », commente-t-il.
Dans la dernière partie de l’étude, les chercheurs ont examiné le taux de prédation de coraux collectés à 45 mètres en-dessous de la surface du Golfe d’Eilat.
Ils ont constaté qu’une fluorescence verte améliorait de 25 % les capacités de prédation d’un corail par rapport à une fluorescence jaune.
Yossi Loya, scientifique et professeur émérite de Tel Aviv spécialisé dans le milieu marin, qui a supervisé l’étude, dit penser que les coraux tentent ainsi d’attirer des proies.
« De nombreux coraux affichent un modèle de couleur fluorescente qui souligne leur bouche ou l’extrémité de leur tentacule – ce qui vient soutenir l’idée que cette fluorescence, comme la bioluminescence (la production de lumière par réaction chimique), agit comme mécanisme d’attraction des proies », déclare-t-il.
« L’étude prouve que l’apparence brillante et colorée des coraux peut agir comme un leurre pour attirer les planctons qui nagent vers les prédateurs qui sont au sol, comme les coraux, et en particulier dans les habitats où les coraux ont besoin d’autres sources d’énergie en plus ou à la place de la photosynthèse (la production de sucre, par les algues symbiotiques qui se trouvent à l’intérieur des coraux, utilisant l’énergie lumineuse), » poursuit-il.
La recherche a été menée en collaboration avec Yoav Lindemann et Gal Eyal, le musée d’histoire naturelle Steinhardt et l’Institut interuniversitaire des Sciences marines d’Eilat.