Les dirigeants juifs US tirent la sonnette d’alarme sur le prochain gouvernement
Les responsables ont averti que les propositions des alliés de Netanyahu visant les personnes LGBTQ, les femmes et les Juifs réformés entraîneront des manifestations
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Les dirigeants des principales organisations juives américaines ont averti un diplomate israélien de haut rang, en visite lors d’une réunion à Washington au début du mois, que les politiques promues par les partenaires de la coalition du Premier ministre désigné, Benjamin Netanyahu, risquent de nuire gravement aux liens de l’Etat juif et la Diaspora.
La réunion du 7 décembre s’est déroulée au plus fort des négociations de coalition que Netanyahu menait avec les chefs des différents partis orthodoxes appelés à rejoindre son gouvernement.
Les jours précédents, Netanyahu avait accepté de confier au leader du parti d’extrême-droite Noam, Avi Maoz, le poste de vice-ministre dans le cabinet du Premier ministre, à la tête d’un service chargé de « l’identité nationale juive » d’Israël. Notoirement défavorable à la présence des femmes dans l’armée en Israël, le chef du parti anti-LGBT a ensuite déclaré qu’il veillerait à la fermeture d’une unité de l’armée chargée de promouvoir l’égalité des chances des femmes au sein de Tsahal.
À l’époque, les négociateurs des partis d’extrême-droite HaTzionout HaDatit, Otzma Yehudit et Noam, ainsi que des partis ultra-orthodoxes le Shas et Yahadout HaTorah, avaient également exigé, lors de leurs discussions avec Netanyahu, qu’Israël cesse de reconnaître les conversions au judaïsme des réformés, en plus de la suppression de la clause dite « des petits-enfants » de la Loi israélienne du retour, qui garantit la citoyenneté à toute personne ayant au moins un parent ou un grand-parent juif, à condition qu’elle ne pratique aucune autre religion.
C’est dans ce contexte que le chef du bureau de la Diaspora du ministère des Affaires étrangères, Shuli Davidovich, a organisé une réunion à l’ambassade d’Israël à Washington, en présence d’une dizaine de dirigeants d’organisations juives traditionnelles, dont la Conférence des présidents des principales organisations juives américaines, la Synagogue unie du judaïsme massorti, l’Orthodoxe Union, le National Council of Jewish Women, la Fédération juive du Grand Washington, le Conseil des relations communautaires juives du Grand Washington et la Fondation Naomi & Nehemiah Cohen.
Trois participants ont parlé au Times of Israel de cette réunion « intense » et confidentielle, qui a été rapportée pour la première fois par le site d’information Axios.
Thank you to Shuli Davidovich , Head of the Diaspora Bureau @IsraelMFA, for taking the time to speak with leaders from throughout Greater Washington last week.
Photo: @JCRCgw pic.twitter.com/MVs1Q225x4
— The Jewish Federation of Greater Washington (@JFGW) December 15, 2022
« Je pense que pour l’ambassade d’Israël cette réunion signifiait ‘nous sommes là pour vous’. ‘Attendez une minute, tout n’est pas pareil et tout n’est pas normal’, se sont cependant dit ceux d’entre nous qui étions là. C’est un gros problème pour les Juifs de la Diaspora, et cela pourrait également devenir un gros problème pour vous », a déclaré l’un des cadres juifs.
Les participants ont fait part de leur inquiétude concernant les propositions des partenaires de la coalition de Netanyahu visant les personnes issues de la communauté LGBTQ, l’égalité des sexes, les Juifs réformés et les Palestiniens, a déclaré un deuxième cadre, précisant que cela n’a pas été fait de manière malveillante et que le but était seulement de « transmettre l’inquiétude que nous ressentons dans nos propres communautés ».
Les cadres qui se sont entretenus avec le Times of Israel ont déclaré que les diplomates israéliens présents dans la salle ont profité de la réunion pour bien écouter mais ont semblé surpris par le degré de l’avertissement, qui « ne semblait pas être apparu sur leur radar ».
« C’est un groupe ‘grand public’ qu’ils ont réuni, et je pense que c’est pour cela que cela les a alarmés », a déclaré l’un des participants.
Le cadre juif a déclaré qu’il reconnaît que les défenseurs du nouveau gouvernement encouragent une approche attentiste. « Néanmoins, l’ambassade d’Israël doit comprendre que si son objectif est d’établir un lien profond entre les Juifs de la Diaspora et l’État d’Israël, [alors] le simple fait de parler ou de spéculer sur la suppression des droits des personnes issues de la communauté LGBTQ, des femmes ou des réformés, entre autres a déjà un impact sur la relation que les gens entretiennent avec l’État d’Israël. »
« Et si cela a déjà un impact sur les gens, imaginez ce que ce sera si ces choses se concrétisent réellement », a déclaré un participant, résumant le message qui a été transmis lors de la réunion.
La directrice générale du National Council of Jewish Women (NCJW), Sheila Katz, qui a accepté de parler officiellement de la réunion, a fait écho à ce sentiment.
« Depuis plusieurs années, les gens disent au NCJW que nous sommes alarmistes pour avoir cru que la jurisprudence Roe vs. Wade allait être annulée », a-t-elle déclaré, en référence à la décision de la Cour suprême américaine légalisant l’avortement, qui a été annulée en juin.
« Mais nous n’étions pas alarmistes. Nous prenions au sérieux les menaces qui nous étaient adressées dans ce pays par des juges et des politiciens. Nous avons appris – par cette expérience – que lorsque des politiciens, des élus ou des juges disent qu’ils veulent vous priver de vos droits, vous devez les croire, agir et vous organiser en conséquence », a ajouté Katz.
L’un des participants a même averti les diplomates israéliens qu’ils devaient s’attendre à des manifestations devant l’ambassade d’Israël si certaines des politiques préconisées par les membres de la coalition de Netanyahu étaient mises en place.
« Et pas seulement en présence de Juifs américains – très à gauche – les Juifs américains traditionnels viendront aussi manifester », a prévenu l’un des cadres. « Je pense que cela les a vraiment pris au dépourvu et qu’il y a eu des hochements de tête en faveur de cette inquiétude ».
Le ministère des Affaires étrangères a refusé de commenter la réunion.