Les Israéliens postulent dans les grandes universités américaines malgré les restrictions de Trump
Selon les spécialistes en matière de candidatures israéliennes, les manifestations et restrictions de visa complexifient les choses mais les étudiants ne se découragent pas

NEW YORK – C’est suite au déclenchement de la guerre à Gaza que Shimri Winters, une Israélienne qui assiste les étudiants israéliens désireux de faire acte de candidature dans des universités américaines, a commencé à entendre les candidats se plaindre des manifestations anti-Israël sur les campus américains.
Et lorsque l’administration Trump a serré la vis à l’encontre des visas étudiants, le mois dernier – surtout en ce qui concerne l’Université de Harvard -, Winters a reçu des appels témoignant de nouevlles inquiétudes.
« Ma réponse aux candidats qui se demandent : « Dois-je vraiment postuler à Harvard ? » est ‘Oui, pourquoi pas ?' » confie Winters. « Peut-être même que vos chances seront plus élevées cette année parce que d’autres vont renoncer. »
A l’instar d’autres Israéliens qui aident les étudiants israéliens à postuler auprès des universités américaines, Winters estime que les manifestations, et plus tard les mesures prises en matière de visa par Trump, complexifient le processus de demande mais que la question des visas n’a pour l’heure pas d’impact perceptible.
L’entreprise de Winters, Aringo MBA Admissions Consulting, aide les étudiants à postuler à des MBA internationaux. L’entreprise a certes son siège social en Israël mais elle accompagne des étudiants d’autres pays. Le nombre de candidats israéliens a sensiblement augmenté depuis que la coalition de Netanyahu a annoncé son projet de refonte judiciaire, soit début 2023, rappelle Winters.
Les Israéliens souhaitent étudier à l’étranger parce que le fait d’étudier aux États-Unis permet ensuite plus facilement d’entrer sur le marché américain et de gagner davantage d’argent.
C’est dès le début de la guerre que les étudiants – et les parents des candidats plus jeunes – ont commencé à poser des questions sur l’antisémitisme sur les campus.
« C’est une question que l’on ne me posait jamais, il y a de cela deux ans, mais que l’on me pose aujourd’hui de plus en plus », poursuit Winters.
Les manifestations sur les campus ont des conséquences sur la manière dont les étudiants se présentent ainsi que sur l’endroit où ils souhaitent aller, sans pour autant les empêcher de postuler, expliquent plusieurs consultants.

Si les manifestations troublent certains étudiants, à l’université, les responsables des admissions se montrent dans l’ensemble plus accommodants, ce qui encourage certains candidats, analyse Galit Adesman, fondatrice et directrice de la société de conseil en éducation Eshkolot. Son entreprise travaille avec un large éventail d’étudiants, du premier cycle au doctorat.
« Ils se sont montrés très favorables aux Israéliens. Ils leur ont donné des dérogations pour le GMAT et le TOEFL », poursuit Adesman en parlant des tests d’admission aux cycles supérieurs et au test d’anglais. « Ils ont été très réactifs. Les étudiants s’en sont rendus compte. »
Winters ajoute que certains établissements ont offert des dérogations aux Israéliens, aux Palestiniens et aux Ukrainiens.
« Vis-à-vis des Israéliens, je ne dirais pas qu’ils sont moins exigeants mais qu’ils ont adopté l’approche : ‘En cas de problème, dites-le-nous’ », souligne Winters. « Aucun établissement ne nous a laissé entendre qu’il accepterait moins d’Israéliens. Au contraire, les chiffres augmentent. »
Il explique que son entreprise a permis à 2 000 étudiants de décrocher une place dans les meilleurs MBA, ces 20 dernières années.
Selon Sahar Rotem, dont la société Ustudents conseille également les candidats israéliens, il y a eu un ralentissement des demandes au début de la guerre en raison du rappel de nombreux jeunes dans la réserve, qui s’est corrigé ensuite.

Les étudiants les plus inquiets de l’antisémitisme sur les campus font porter leur choix sur des États républicains, et notamment la Floride, où il y a eu moins de soulèvements, explique Rotem. Son entreprise s’adresse surtout aux étudiants-athlètes, moins aux établissements les plus élitistes.
Selon Adesman, certains étudiants ne sont en rien découragés par les manifestations, comme celles qui ont frappé l’Université de Columbia, et veulent au contraire y aller pour qu’il y ait une présence israélienne.
« Ils sont prêts à relever le défi. Ils savent que ce ne sera pas facile pour eux », confie Adesman. « Ils veulent y aller, ils veulent se battre, ils veulent tout présenter de la meilleure façon possible. »

Elle constate un changement chez les étudiants qui postulent davantage dans les écoles de la côte Est. Elle pense que les campus de la côte ouest, comme Berkeley et Stanford, peuvent sembler plus radicaux.
« Toutes les universités de la côte ouest, à l’exception de UCLA, semblent être plus difficiles d’accès. Il semble que les étudiants ne voient plus la côte ouest comme avant », poursuit-elle.
Les consultants répondent également aux questions d’étudiants qui se demandent comment parler de leur service militaire dans leur candidature. Ils leur conseillent de continuer à en parler mais en mettant l’accent sur leur vécu.
Adesman a notamment accompagné un vétéran de deux unités d’élite de Tsahal qui a pris part à une opération de sauvetage d’otages à Gaza. Elle lui a conseillé de faire état, dans sa candidature, de l’enfant palestinien autiste découvert abandonné dans une maison de Gaza, et dont il a pris soin.
« Ce sont des histoires très émouvantes », dit-elle.
Selon Rotem, le service militaire est toujours un avantage des candidats israéliens mais il conseille à certains des candidats d’y aller « plus doucement ».
« Vous pouvez dire : « Je servais », mais ne vous lancez pas trop dans la guerre parce que vous ne savez pas qui est de l’autre côté », explique-t-il. « A la lecture de plusieurs candidatures, je me suis dit : « Ok, il faut y aller mollo sur le côté militaire. »

Les trois consultants s’adressent à différents types d’étudiants, ce qui explique que leur vécu soit différent, mais tous estiment que les mesures prises en termes de visa par Trump ne dissuadent aucunement les Israéliens de postuler.
L’administration Trump aimerait notamment mettre fin à la pratique des entretiens en vue de la délivrance de visas étudiants et interdire aux étudiants étrangers d’entrer à Harvard, ce qui a déclenché une bataille judiciaire.
Mercredi, l’administration Trump a décidé d’interdire à la quasi-totalité des étudiants étrangers de venir étudier à Harvard – une mesure à laquelle un juge s’est opposé par voie de référé. Valable six mois, l’ordonnance prise par ce juge ouvre une exception pour certains étudiants étrangers qui « bénéficieraient à l’intérêt national ».
Selon Winters, les candidats à des MBA – ses clients – paient généralement des frais de scolarité élevés, vivent sans l’aide de personne et obtiennent des diplômes qui leur permettent de prétendre à des emplois très bien rémunérés, ce qui profite aux impôts et à l’économie américaine dans son ensemble.
On ignore toujours de quelle manière cette interdiction sera mise en œuvre, compte tenu de la bataille juridique en cours.
L’administration Trump brandit l’antisémitisme sur les campus comme l’une des raisons justificatives de ces mesures.
Il y a 80 étudiants israéliens et 80 universitaires israéliens à Harvard, selon les données de l’université.
Or, de l’avis d’Adesman, le plus gros problème concerne les étudiants acceptés – notamment à Harvard – mais qui n’ont pas encore obtenu leur visa. Dans l’ensemble, le taux de demande n’a pas ralenti. Elle a en effet fait admettre cinq étudiants à Harvard cette année, tous boursiers, précise-t-elle.
« Ce sont les mêmes chiffres. Personne ne pense annuler ou renconcer à postuler dans une université américaine à cause des règles de Trump », poursuit-elle.
Rotem, dont les étudiants ont tendance à fréquenter des écoles très cotées mais pas celles de la Ivy League, estime pour sa part que les mesures concernant les visas de l’administration Trump n’ont « aucun impact » sur ses candidats. Il a constaté un ralentissement ces six derniers mois, avant la prise de ces mesures, pour des raisons qu’il ne s’explique pas totalement, confie-t-il.

Winters assure que la plupart des étudiants acceptés pour l’année universitaire 2025-2026 ont déjà leur visa. Ceux qui ne l’ont pas se sont vus offrir un « soutien incroyable » de la part des universités, parfois avec l’aide d’avocats et de consultants.
« Ils contactent les étudiants admis pour leur dire : « Nous sommes dans le même bateau : nous allons vous aider à obtenir votre visa », complète-t-il.
Il ajoute qu’une partie de la procédure de demande de visa pourrait s’avérer plus stricte à l’avenir : il n’est pas impossible que l’on demande aux candidats de fournir davantage de références ou de preuves de leur solvabilité en ce qui concerne les frais de scolarité.
« Nous espérons qu’il ne s’agit là que d’un intermède : peut-être vont-ils changer la structure à la marge ou alors procéder à des contrôles plus rigoureux, mais cela n’aura pas d’influence sur les Israéliens qui visent le top 10 des universités », assure-t-il en ajoutant que si Harvard attirait moins de candidats cette année, cela n’en rendrait que plus difficile l’admission dans des universités concurrentes, comme c’est le cas du MIT.
Les étudiants israéliens sont « déçus » et « inquiets » des restrictions mises en place au nom de la lutte contre l’antisémitisme, mais ils adhèrent à sa finalité, conclut Adesman.
« Ils comprennent que c’est pour l’avenir d’Israël et celui du peuple juif », assure-t-elle.
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