Les lyncheurs d’un homme pris pour un terroriste acquittés: appel des procureurs
La Cour suprême examinera le cas d'un soldat de Tsahal et d'un officier des prisons, filmés en train de battre l'Erythréen Haftom Zarhum suite à un attentat en 2015 à Beer Sheva

Dimanche, les procureurs ont fait appel d’une décision de justice de juillet ayant acquitté deux hommes, le soldat de Tsahal Yaakov Shimba et l’officier du service des prisons israélien Ronen Cohen, pour leur rôle dans le lynchage à mort en 2015 d’un migrant érythréen qui avait été pris pour un terroriste palestinien.
Dans les minutes qui ont suivi un attentat à la gare routière de Beer Sheva le 18 octobre 2015, Haftom Zarhum, 29 ans, spectateur innocent, a essuyé des tirs de deux soldats et un agent de sécurité qui l’ont pris pour l’auteur de l’attentat. Alors qu’il gisait en sang sur le sol, une foule de passants en colère – croyant qu’il était le terroriste – l’a battu, certains d’entre eux lui assénant de puissants coups à la tête et le frappant avec un banc en métal. Il est décédé quelques heures plus tard dans un hôpital. Une autopsie a conclu que les blessures par balle étaient la cause principale du décès.
L’attentat a été mené par Muhanad Alukabi, 21 ans, d’un village bédouin illégal du Néguev. Il a d’abord ouvert le feu avec un pistolet, tuant le soldat de Tsahal Omri Levi, puis a pris le fusil de service de Levi et l’a utilisé pour blesser 11 autres personnes. Il a été tué lors d’une fusillade avec la police après s’être terré dans des toilettes.
Citant le doute raisonnable, le tribunal du district de Beer Sheva a accepté en juillet l’argument présenté par Shimba et Cohen selon lequel ils avaient réellement pensé que Zarhum était le terroriste.
Dimanche, le ministère public a fait appel de la décision du tribunal de district, portant l’affaire devant la Cour suprême.
Les motifs de l’appel doivent être soumis à la plus haute juridiction du pays dans un délai de 15 jours.
Shimba, Cohen et deux autres hommes, filmés par les caméras de sécurité en train de battre Zarhum, ont été accusés d’avoir « causé un préjudice avec préméditation », un délit passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 20 ans de prison. Contrairement aux deux autres accusés, ils n’ont pas accepté de compromis qui réduirait l’accusation et offrirait une peine relativement clémente.
Selon l’acte d’accusation, après l’attentat, Shimba a donné des coups de pied à Zarhum à la tête et sur le haut du corps avec force. Cohen lui a jeté un banc sur la tête, et après qu’un autre homme l’a enlevé, il l’a pris et l’a de nouveau jeté sur l’homme couché face contre terre. Cohen a également bousculé un civil qui lui demandait d’arrêter de le frapper, selon les accusations.

Malgré le fait que Zarhum était déjà gravement blessé, le juge Aharon Mishnayot a décidé que l’argument des deux hommes – qu’ils l’avaient battu parce qu’ils pensaient sincèrement qu’il était le terroriste – était suffisant pour prononcer un acquittement.
L’avocat de Cohen, Zion Amir, a qualifié son client de « héros ».
Commentant la décision, Amir a déclaré : « Il ne fait aucun doute que c’est un grand jour pour un officier qui a agi héroïquement lors de l’incident, et au lieu d’une récompense, il a obtenu une inculpation. Je suis heureux que le tribunal l’ait acquitté après une bataille juridique de près de cinq ans. »
Les deux autres accusés du lynchage, Evyatar Dimri et David Muial, ont été condamnés en 2018 à l’issue d’une négociation de peine ayant réduit leur inculpation à celle d’ « abus de personnes sans défense », un crime moins grave, passible d’une peine de prison maximale de sept ans.
Dimri a été condamné à quatre mois de prison et Muial a reçu 100 jours de travaux d’intérêt général et huit mois avec sursis. Il a été condamné à payer 2 000 NIS de dédommagement à la famille de Zarhum.
La famille de Zarhum a poursuivi l’État en dommages et intérêts, alléguant que sa mort était due à une négligence et à un non-respect de la procédure appropriée.
Le procès, intenté en 2017 devant le tribunal du district de Beer Sheva, exigeait une indemnisation de 3 millions de NIS et une reconnaissance de l’Agence nationale d’assurance de Zarhum comme victime du terrorisme, donnant ainsi droit à sa famille à des prestations supplémentaires de l’État. L’Agence nationale d’assurance a refusé de reconnaître Zarhum comme victime du terrorisme parce que l’Érythréen était entré illégalement dans le pays.
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.