Israël en guerre - Jour 343

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Maladies sans frontières

Les montagnes d’immondices de Gaza sont aussi une menace pour Israël

Selon les experts, même l'eau potable d'Ashdod pourrait être contaminée du fait de la stagnation des ordures, suite à la faillite du système d'élimination des déchets de Gaza

Des Palestiniens déplacés assis près de tentes, en face d'une décharge à Deir el-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le 22 juillet 2024. (Crédit : Eyad Baba/AFP)
Des Palestiniens déplacés assis près de tentes, en face d'une décharge à Deir el-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le 22 juillet 2024. (Crédit : Eyad Baba/AFP)

Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, en 2023, et la paralysie généralisée des systèmes d’assainissement et d’élimination des ordures à Gaza, ce sont des centaines de montagnes d’ordures qui s’accumulent un peu partout dans la bande de Gaza.

Selon l’UNRWA, l’agence controversée des Nations Unies chargée de fournir des services sociaux aux réfugiés palestiniens, début de juillet, Gaza comptait quelque 330 000 tonnes de déchets solides – soit de quoi remplir plus de 200 terrains de football –, le tout ni enfoui ni traité.

Le professeur Nadav Davidovitch, directeur du Département de Gestion des systèmes de santé à l’École de santé publique de l’Université Ben Gurion du Néguev, explique à Shomrim qu’au bout de 10 mois de combats, la situation sanitaire à Gaza est désastreuse et lourde de conséquences à grande échelle – à commencer par les maladies, les infections et les problèmes environnementaux.

« Comme nous le voyons en ce moment avec l’épidémie de poliomyélite, il n’y a aucun moyen de contrôler tout ces effets », poursuit Davidovitch.

Selon un récent rapport de PAX, la principale organisation pacifiste des Pays-Bas qui a analysé images satellites et sources ouvertes, il n’y aurait pas moins de 225 gigantesques tas d’ordures dans la bande de Gaza. Toujours selon cette source, 2 000 tonnes de déchets se rajoutent chaque jour – et seule une infime partie est enterrée ou traitée, comme il se doit.

Le rapport évoque en outre les graves conséquences pour la santé et le cadre de vie des habitants. D’après les entretiens avec des experts et d’autres rapports, il est clair que les risques pour la santé ne s’arrêtent pas à la frontière avec Gaza, et qu’ils constituent une réelle menace pour les soldats israéliens déployés dans la bande de Gaza et même pour certains habitants d’Israël.

Des Palestiniens passent devant les eaux usées qui s’écoulent dans les rues de la ville méridionale de Khan Younès, dans la bande de Gaza, le 4 juillet 2024. (Crédit : Jehad Alshrafi/AP)

La situation sanitaire désastreuse qui prévaut à Gaza est évidente sur la plupart des images satellites de l’enclave côtière, et les témoignages des soldats israéliens qui y sont allés corroborent l’analyse faite de la situation. Ainsi, disent les soldats, lorsqu’ils se trouvent à Gaza, ils défèquent dans des sacs en plastique qu’ils jettent ensuite par la fenêtre des bâtiments dans lesquels ils sont déployés, en même temps que les déchets accumulés lors de leur séjour sur place.

Israël est bien conscient de la situation à Gaza et des risques pour ses propres soldats, comme de la possibilité que la maladie se propage jusque sur son territoire. Tsahal a commencé, il y a peu, à vacciner contre la poliomyélite ses soldats déployés à Gaza, suite à la détection du virus dans les eaux usées de la ville.

Elle a par ailleurs fait savoir qu’elle travaillait avec plusieurs organisations afin de fournir des vaccins contre la poliomyélite aux Palestiniens de Gaza. Selon elle, depuis le début de la guerre, il y a de cela maintenant 10 mois, ce sont près de 300 000 vaccins contre la poliomyélite qui ont été envoyés à Gaza, avec l’appui de plusieurs agences d’aide internationales, soit de quoi protéger plus d’un million de personnes à Gaza.

Une Palestinienne allant remplir des bidons d’eau près de l’une des rares usines de dessalement de la bande de Gaza qui fonctionne, à Deir al-Balah, dans la bande de Gaza, le 20 juin 2024. (Crédit : Abdel Kareem Hana/AP)

Israël a par ailleurs lancé d’importants travaux de réparation des systèmes d’assainissement dans les camps d’où les Palestiniens de Gaza ont été évacués. Il s’agit de réparer les canalisations des eaux usées et les stations d’épuration endommagées lors du conflit. Shomrim a découvert qu’Israël, avec le soutien d’organisations étrangères, avait entrepris de s’atteler à la question de l’enlèvement des ordures.

Dans une correspondance avec Shomrim, le journaliste Wim Zwijnenburg, qui a compilé le rapport de PAX, explique qu’avant la guerre, il existait trois centres d’enfouissement à Gaza – aucun ne fonctionne aujourd’hui.

Selon le rapport, même avant la guerre, la question de la collecte des ordures et celle des décharges à Gaza était loin d’être optimale, et en 2019, par exemple, près d’un tiers des déchets collectés finissaient dans des décharges illégales.

La guerre a encore aggravé la situation : selon Zwijnenburg, la plupart des déchets qui s’accumulent en ce moment à Gaza sont d’origine ménagère (plastiques, nourriture, eaux usées, etc.) ou médicale. S’y ajoute, dit-il, la destruction des bâtiments par les bombardements israéliens, un problème de plus en matière de santé. Les bâtiments détruits – le rapport de PAX n’évoque pas le cas -, posent problème en raison des débris, de l’amiante, des explosifs et des corps en décomposition. Ces tas de déchets non traités sont un terreau fertile pour les maladies, les rats et les moustiques, alors même que la situation est telle qu’il est impossible d’y apporter une réponse médicale adaptée.

Des Palestiniens déplacés par l’offensive aérienne et terrestre d’Israël contre le Hamas, dans la bande de Gaza, marchent à proximité d’eaux usées qui se déversent dans les rues de la ville de Khan Younès, dans le sud du pays, le 4 juillet 2024. (Crédit : AP Photo/Jehad Alshrafi)

Une menace toujours plus présente : la propagation des infections

Ces montagnes de déchets vont avoir un impact environnemental à long terme. Ainsi, les métaux et autres contaminants s’infiltrent lentement dans le sol et causent des dommages bien au-delà de la frontière avec Gaza.

Des préoccupations de cet ordre ont été soulevées dès 2019, à l’issue de conflits entre Israël et le Hamas, certes moins intenses et dévastateurs que la guerre en cours.

Selon les conclusions d’un rapport publié à l’époque – rédigé par le professeur Nadav Davidovitch, directeur du Département de Gestion des systèmes de santé à l’École de santé publique de l’Université Ben Gurion du Neguev, en collaboration avec Barak Hermesh et Maya Maayan – le principal risque pour Israël était la pollution de l’eau de mer, des rivières, des plages et des réservoirs d’eau potable en raison du traitement déficient des eaux usées à Gaza.

Eaux de pluie (à droite) et eaux usées stagnent entre les bâtiments endommagés par les bombardements israéliens, et se remplissent d’ordures, ce qui attire moustiques et autres insectes, vecteurs de risques pour la santé de la ville de Gaza, le 3 mai 2024, au milieu du conflit entre Israël et l’organisation terroriste du Hamas. (Crédit : AFP)

Les auteurs concluent ainsi que « les agents pathogènes fécaux retrouvés dans les courants qui s’écoulent vers le nord de Gaza, en direction d’Israël, pourraient affecter la qualité des eaux jusqu’à Ashdod ».

Ils avertissent en outre contre le risque de propagation de bactéries résistantes aux antibiotiques susceptibles d’infecter la population.

« Au final, nous vivons tous dans le même secteur. Au-delà des graves risques pour la santé des populations de Gaza, en particulier celle des enfants et des personnes les plus fragiles, sans oublier les otages israéliens, il va y avoir des infiltrations. Au-delà des considérations humanitaires et morales, régler la question implique de prendre en compte sa nécessaire dimension stratégique », expliquait Davidovitch à Shomrim il y a peu.

Des enfants palestiniens triant des déchets dans une décharge du camp de réfugiés de Nuseirat, dans la bande de Gaza, le 20 juin 2024. (Crédit : Abdel Kareem Hana/AP)

Le Coordonnateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT) a publié la réponse suivante : « L’État d’Israël s’efforce de fournir une solution pour permettre l’exploitation des décharges et d’autres systèmes dans la bande de Gaza afin que les besoins humanitaires de ses habitants soient garantis. C’est dans ce cadre qu’Israël autorise l’entrée de carburant à Gaza pour assurer le fonctionnement des hôpitaux, des abris, des puits et même le traitement des ordures. »

« Dans le cadre de cette réponse, des équipes dédiées ont été mises en place ces toutes dernières semaines pour s’occuper de plusieurs zones humanitaires, à commencer par une équipe spécialisée dans les questions d’assainissement en contact avec les responsables de l’ONU et la communauté internationale. Toujours dans ce cadre, il a été décidé de mettre l’accent sur l’enlèvement des ordures par des équipes locales et des organisations humanitaires. Nous avons récemment donné notre accord à la mobilisation de 10 sites dans toute la bande de Gaza, de façon à éloigner les déchets de la population. Cette équipe étudie la faisabilité d’autres mesures. »

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