Les succès stupéfiants des renseignements au Liban soulignent leurs graves échecs à Gaza
Jérusalem a mis au pied du mur le Hezbollah en s'en prenant à ses dirigeants et en s'attaquant à son réseau de communication. Alors pourquoi le pays s'est-il à ce point trompé le 7 octobre ?
La série récente de succès enregistrés par Israël contre le Hezbollah – ainsi que la réussite d’opérations largement attribuées à l’État juif – a été rendue possible par les renseignements précis qui ont pu être obtenus sur le fonctionnement du groupe terroriste libanais dans ce qu’il a de plus intime.
L’armée et le Mossad, ainsi que d’autres agences, ont démontré qu’ils étaient toujours en mesure de localiser les principaux responsables du Hezbollah et d’identifier où le groupe terroriste stocke ses armes, qui lui sont essentielles. Ils ont aussi montré qu’ils savaient aussi déterminer quand des attaques sont planifiées.
Si Israël est effectivement à l’origine des explosions de bipeurs et de talkies-walkies – une attaque menée sur deux jours, la semaine dernière – cela signifie que l’État juif a également infiltré les chaînes d’approvisionnement du Hezbollah et qu’il sait quels sont les contrôles de sécurité qui sont effectués sur les nouveaux équipements.
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Concernant les attaques ouvertement commises par Israël, ce ne sont pas seulement les récentes frappes qui ont pris pour cible les commandants des forces d’élite Radwan, les rampes de lancement prêtes à tirer ou d’autres personnalités de premier plan du Hezbollah qui prouvent la qualité du renseignement israélien vis-à-vis du groupe terroriste chiite. Depuis que le Hezbollah a lancé ses hostilités à l’encontre d’Israël, le 8 octobre, Tsahal a éliminé des combattants et des commandants de l’organisation. L’armée a également tué de hauts-responsables iraniens et des chefs du Hamas sur le territoire libanais.
Tels sont les résultats que les Israéliens – comme les citoyens de tous les pays du monde entier – attendent de leurs services de renseignement.
Mais ces succès ne rendent que plus choquants les échecs essuyés par les services de renseignement avant le pogrom qui avait été commis par les hommes armés du Hamas, le 7 octobre, et qui ont finalement permis au massacre de se dérouler.
Il ne s’agit pas seulement ici de l’incapacité catastrophique de ces services à repérer et à prendre au sérieux les projets d’invasion d’Israël qui avaient été ourdis par le groupe terroriste – et qu’il n’avait guère dissimulés. La médiocrité affichée par les renseignements israéliens, concernant Gaza, s’est également manifestée de nombreuses autres façons, et notamment dans les mois qui avaient suivi l’assaut et le pogrom.
Il aura fallu près d’un an à Israël pour trouver et pour éliminer la majorité des hauts-responsables du Hamas – et son chef, Yahya Sinwar, est toujours en vie. Si Israël avait connaissance au préalable de l’existence du vaste réseau souterrain du Hamas, l’armée a été surprise par l’ampleur des tunnels, les troupes découvrant lentement l’ensemble des puits alors qu’elles avançaient sur le terrain. Et Israël a toujours du mal à localiser les derniers otages détenus à Gaza . L’État juif n’a réussi à en secourir que huit d’entre eux.
La source de cette différence est simple : Les responsables politiques israéliens – au sein du gouvernement comme au sein de l’armée – avaient accordé la priorité à la menace émanant du Hezbollah au cours des années qui avaient précédé la guerre. Et ce n’est pas pour rien. Ils avaient évalué que le groupe terroriste libanais représentait un danger bien plus grand que le Hamas à Gaza : ce qui était vrai, en grande partie.
Mais Israël était toutefois allé trop loin. Dans la mesure où le Hamas était considéré comme l’ennemi le plus faible et qu’Israël n’avait aucune envie de réaffirmer son contrôle sur deux millions de Gazaouis, l’État juif s’était presque entièrement focalisé sur les menaces qui, pensait-il véritablement, planaient réellement sur ses forces de sécurité.
Israël pensait que le Hamas avait déjà révélé la plus grande partie de son potentiel en matière de menaces et que ces dernières étaient largement maîtrisées. Après la surprise initiale lors de la découverte des tunnels d’attaque du Hamas, en 2014, Israël avait localisé et détruit les souterrains qui s’aventuraient sur son territoire, construisant une barrière massive en sous-sol pour empêcher d’autres éventuelles incursions. Le pays surveillait de près les roquettes du Hamas – que le groupe terroriste tire depuis 2001 – dont il détruisait les stocks lors des flambées de violences.
En revanche, aucune trace de ce genre de renseignement qui aurait été nécessaire pour vaincre le Hamas sur le terrain, à Gaza : Les dirigeants israéliens n’avaient tout simplement pas imaginé le besoin de se préparer à une telle possibilité.
L’armée israélienne n’avait pas approuvé de plan opérationnel en vue de la conquête de la bande depuis 2015 – ce qui avait eu des conséquences évidentes sur les priorités en matière de renseignement. Après tout, un tunnel menant d’un quartier de Khan Younès à un autre n’avait que peu d’intérêt pour Israël si ses troupes n’étaient pas censées s’y trouver un jour.
Aujourd’hui, après onze mois de guerre, les renseignements que possède Israël sur Gaza se sont nettement améliorés. La saisie de documents et de disques durs par les soldats et les interrogatoires des terroristes par les agents du Shin Bet ont permis de dresser un tableau plus clair de la situation.
Et cette amélioration des renseignements a eu un effet notable sur les opérations militaires. Alors que l’offensive massive qui avait été menée à Gaza City, au début de la guerre, avait impliqué trois divisions qui avaient lancé une campagne d’une grande agressivité, les conquêtes ultérieures de Khan Younis et de Rafah ont été beaucoup plus ciblées et elles ont exigé un nombre moindre de soldats – elles se sont donc avérées être moins destructrices.
Avec le temps, Israël a pu localiser et abattre de nombreux commandants du Hamas – dont Marwan Issa et l’insaisissable Muhammad Deif. Des otages vivants ont aussi pu être sauvés. Les soldats sont parvenus à rapatrier les corps sans vie de captifs qui avaient été tués.
Des résultats qui sont certes importants – mais il faut toutefois insister sur les dégâts déjà causés. Plus de 1 600 civils et soldats ont perdu la vie et des dizaines d’otages se trouvent toujours dans les geôles du Hamas, sous la surface de la Terre.
Sans moyen de mettre un terme à la guerre à Gaza, Israël pourrait être au bord d’une guerre potentiellement plus destructrice encore contre le Hezbollah. Des dizaines de milliers d’Israéliens ont perdu leur logement, l’économie est stagnante et l’image d’Israël, dans le monde, a été gravement écornée alors que le Hamas jouit de nombreux soutiens improbables dont de jeunes américains notamment.
Les horreurs du 7 octobre et leurs conséquences auraient pu être évitées si les services de renseignement israéliens avaient été plus imaginatifs, s’ils avaient été moins attachés à l’idée – même s’il était raisonnable de le penser – que le Hezbollah faisait planer une menace plus grande encore sur le pays. Il a été beaucoup moins raisonnable, par ailleurs, de ne pas garantir que des mesures seraient bien prises au cas où cette évaluation s’avère être erronée.
Pour l’instant, Israël semble avoir retenu la leçon – mais il n’est pas certain que ça dure. Après tout, la veille du jour où le Hamas avait franchi la frontière, bien déterminé à aller au bout de son plan immonde, Israël avait célébré le 50e anniversaire de son plus important échec en matière de renseignement – l’invasion égypto-syrienne qui avait marqué le début de la guerre du Kippour, en 1973.
Avec une armée élaborée pour vaincre ses ennemis – et une doctrine agressive visant à le faire très vite – Israël avait pu, il y a 50 ans, faire un retour en force rapide après la débâcle et vaincre plusieurs armées arabes sur le champ de bataille, en moins de trois semaines. Cette victoire avait entraîné la paix avec le principal ennemi de l’État juif, l’Égypte, et la fin de la menace existentielle que les États arabes faisaient alors peser sur Israël.
Cinquante ans plus tard, les échecs connus par les services de renseignement ont débouché sur un conflit beaucoup plus long – et qui ne semble guère sur le point d’être résolu. Au contraire, il pourrait bien s’élargir avec une guerre plus difficile contre le Hezbollah – voire avec d’autres forces régionales – une guerre dont Israël ne veut pas.
Car, en effet, un excellent travail de renseignement et des succès tactiques éclatants n’aboutissent pas nécessairement à eux seuls à des victoires. Entre les mains d’un dirigeant lucide, soucieux de gagner la guerre par-dessus tout, ils représentent des éléments essentiels de la victoire à venir.
Près d’un an après le début de la guerre, il reste à voir si Israël dispose de tels dirigeants.
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