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L’essor, la chute et la renaissance d’un quartier historiquement juif à Chicago

West Rogers Park, qui comptait 47 000 Juifs à son apogée dans les années 1960, s'écroulant à moins de 20 000 au début du 21e siècle, revit notamment grâce à des familles orthodoxes

Le conseil de développement du quartier juif a fait avancer un certain nombre de projets de renouvellement urbain à West Rogers Park, comme la transformation d'un parking abandonné, à gauche, en parc (Autorisation : Howard Rieger/via JTA)
Le conseil de développement du quartier juif a fait avancer un certain nombre de projets de renouvellement urbain à West Rogers Park, comme la transformation d'un parking abandonné, à gauche, en parc (Autorisation : Howard Rieger/via JTA)

CHICAGO (JTA) — Il y a des décennies, la congrégation Ner Tamid était prise d’assaut pour les Grandes Fêtes, avec trois offices distincts qui permettaient alors d’accueillir les 1 000 fidèles du quartier.

A son apogée, le bâtiment en briques rouges de cette synagogue du mouvement conservateur était une figure impressionnante de ce coin de rue de West Rogers Park – le premier des nombreux centres locaux de vie juive à avoir été construits dans le quartier.

Aujourd’hui, ceux qui restent au sein de cette congrégation ont fusionné avec un groupe de prière égalitaire du voisinage. Ils se rencontrent dans une boutique, attirant environ 45 personnes lors d’un Shabbat ordinaire.

Cela fait plus d’une décennie que la congrégation a quitté son bâtiment mais son coin de rue est encore un cœur animé de la vie juive. Aujourd’hui, il héberge les Yeshivas Tiferes Tzvi, une école orthodoxe pour les petits garçons qui a presque doublé de taille au cours des dernières années.

Aux côtés de l’école pour filles, la yeshiva s’enorgueillit d’accueillir plus de 1 000 élèves. Le principal, le rabbin Nosson Muller, prévoit d’ores et déjà une extension qui devrait coûter 20 millions de dollars.

« Nous sommes déjà pleins à craquer », explique Muller. « Les autorités laïques elles-mêmes reconnaissent que nous devons nous élargir ».

Ce coin de rue raconte l’histoire de ce quartier historiquement juif, qui a vu sa population juive augmenter, chuter et recommencer à croître grâce à l’arrivée de familles en majorité haredim – des Juifs connus communément sous le nom d’ultra-orthodoxes.

A l’apogée de cette communauté, au début des années 1960, West Rogers Park comptait environ 47 000 résidents juifs, selon un documentaire de 2017 intitulé « Driving West Rogers Park ». Au début des années 2000, ce nombre avait chuté à 20 000, rapporte le Chicago Jewish News, lorsque d’autres communautés s’étaient installées. Les estimations actuelles font état d’une population juive de 25 000 personnes approximativement – un chiffre qui ne cesse d’augmenter.

Les Yeshivas Tiferes Tzvi, externat ultra-orthodoxe, ont été construites sur l’ancien site de la congrégation Ner Tamid, synagogue conservative (Crédit : Ben Sales/JTA)

« Je ne pense pas que la question ait jamais été que West Rogers Park soit appelé à mourir en tant que quartier ou à être abandonné – mais bien qu’il allait mourir en tant que quartier juif », explique Howard Rieger, ancien directeur général de l’organisation Jewish Federations of North America.

Howard Rieger, qui a grandi près de West Rogers Park, a appliqué ses talents en termes d’organisation communautaire au renouveau juif du secteur, servant jusqu’à cette année au poste de président du Conseil de développement du quartier juif de Chicago, un groupe communautaire local.

« Notre mission a été de préserver un quartier juif dans un contexte de communautés très diverses », explique-t-il.

Situé au nord de Chicago et également appelé West Ridge, le quartier est calme et résidentiel. La population juive avait connu un fort essor à West Rogers Park dans les années 1930 lorsque que les membres de la communauté s’y étaient installés – provenant de quartiers juifs plus anciens et plus peuplés situés au sud et à l’est.

Puis, une génération plus tard, les Juifs sont partis vers le nord, dans les banlieues, emportant avec eux certaines de leurs institutions.

« Après la Seconde Guerre mondiale, les Juifs voulaient un foyer bien à eux », avait noté Irving Cutler, auteur du livre « The Jews of Chicago », dans une interview accordée en 2010 à une émission de télévision locale juive – expliquant que la loi GI avait garanti de faibles taux d’intérêts pour les habitations familiales. « La majorité était partie vers le nord, à Albany Park, à West Rogers Park, à Rogers Park, et avait continué à s’installer dans des banlieues telles que Skokie, Lincolnwood. Et les Juifs continuent à partir plus au nord et plus à l’ouest, plus particulièrement ».

Devon Avenue, la principale artère commerciale, abondait en commerces juifs. Rosenbloom’s, la plus importante boutique Judaica du secteur, a fermé en 2010. Plus d’une décennie plus tard, sa vitrine reste vide.

Certains magasins juifs persistent sur une partie de la Devon Avenue encore appelée, à titre honorifique, le boulevard Golda Meir.

La boulangerie casher Tel Aviv, par exemple, est installée entre le commerce de kebabs Dehli Darbar et le restaurant-barbecue Anmol, un restaurant halal pakistanais.

C’est sur la Devon Avenue que se trouve également la boutique originelle des Patel Brothers, chaîne d’épiceries indiennes présente dorénavant dans tout le pays. Un zoom sur Google Maps vous permettra de découvrir que la Devon Avenue est recouverte des mots « LA PETITE INDE ».

La boulangerie casher Tel Aviv à West Rogers Park, à Chicago. (Crédit : Google maps)

« Avant, les gens venaient pour acheter des robes pour les femmes pour les mariages et les bar mitzvahs, », explique le rabbin Burton Wax, ancien propriétaire de Rosenbloom’s qui a travaillé dans l’industrie du livre juif pendant 45 ans. Maintenant, ajoute-t-il, « il y a très peu de choses, ici, en termes de commerces juifs ».

Aujourd’hui, parmi les institutions juives présentes dans le quartier, les écoles, les agences de services sociaux et les synagogues – 27 synagogues, pour être exact, et presque toutes sont orthodoxes. En 1992, la communauté a décrété un eruv – une limite symbolique qui autorise les Juifs pratiquants à transporter des objets en public pendant le Shabbat, poussant les familles pratiquantes à s’installer. En 2016, un bâtiment immense accueillant enfants juifs et services offerts aux familles a ouvert ses portes. La Ida Crown Jewish Academy, lycée mixte orthodoxe, a quitté le quartier la même année et laissé la place à la Veitzener Cheder, une école hassidique.

Les nouveaux-venus dans le quartier, comme Muller et la conseillère municipale Debra Silverstein, disent que les familles sont attirées par l’atmosphère intime des lieux, une vie plus tranquille et des prix inférieurs à ceux de New York – en plus d’un grand nombre d’institutions juives orthodoxes.

Debra Silverstein, conseillère municipale du 50th Ward om se trouve West Rogers Park (Capture d’écran : YouTube)

Silverstein, qui est devenue conseillère municipale du quartier en 2011, s’est concentrée sur l’amélioration de l’apparence du quartier – avec notamment l’élargissement des trottoirs sur Devon Avenue, l’amélioration des éclairages publics et la remise à neuf des routes, abîmées par les nids de poule. Silverstein a également mis en place un système de ramassage des déchets supplémentaires pendant la fête musulmane du Ramadan, en raison des repas traditionnels qui ont lieu le soir, pendant cette célébration longue d’un mois.

« Nous œuvrons ensemble à créer un environnement agréable pour que les gens puissent vivre leur foi juive », explique-t-elle. « Devon Avenue semblait un peu délabrée et sale et nous avons pu la remettre en état ».

L’organisation juive de Rieger a également pris la tête de projets visant à améliorer ce qu’il appelle « le visage public » du quartier. Il a organisé une manifestation pour pousser la municipalité à s’occuper d’un cinéma abandonné et du parking avoisinant, d’une taille démesurée. Aujourd’hui, le bâtiment est devenu un entrepôt et l’ancien parking, un parc.

Rieger a également exercé des pressions sur les responsables pour qu’ils remettent en état un autre parc et un itinéraire de randonnée, et pour qu’ils relient deux sentiers de promenade grâce à un pont pour les piétons qui est actuellement en cours de construction. Il a également fait partie d’un groupe ayant réclamé – avec succès – une nouvelle bibliothèque à West Rogers Park. Son prochain objectif : une nouvelle caserne de pompiers.

Il clame qu’il est important de maintenir la communauté juive locale en raison du grand nombre d’institutions qui existent déjà ici, et parce qu’avoir un quartier juif dans les frontières de la ville de Chicago aide la communauté juive au sens large à conserver une présence dans la municipalité.

« Nous protégeons un investissement », dit Rieger. « Je nous considère comme une politique d’assurance communautaire ».

Howard Rieger, ancien directeur de l’organisation Jewish Federations of North America, dans une nouvelle section casher d’une épicerie adjacente à West Rogers Park. Il a été président du conseil de développement du quartier juif (Crédit : Ben Sales/JTA)

Une chose que remarquent les résidents de longue date est le manque de diversité interne parmi les Juifs du quartier – qui comptait des Juifs réformés, orthodoxes et conservateurs il y a un demi-siècle. Aujourd’hui, la seule congrégation non-orthodoxe à être active est la congrégation égalitaire Mah Tovu.

« Les gens qui voulaient envoyer leurs enfants dans les écoles publiques ont désiré, dans leur majorité, s’installer en banlieue », commente Sam Fox, ancien président de Mah Tovu. « Ce quartier n’a pas été attractif pour les jeunes familles, à moins qu’elles ne soient frum et qu’elles veuillent se rapprocher des institutions frum« , ajoute-t-il, utilisant le terme yiddish utilisé pour désigner la pratique orthodoxe.

Dans un sens, la diversité juive a été supplantée par la diversité ethnique. Fox note qu’il y a, parmi ses voisins, des Irakiens, des Irlandais et des Japonais. Même si les résidents clament qu’il n’y a pas beaucoup d’interactions entre les différentes communautés, ils conviennent tous de la réussite du modèle offert par West Rogers Park – un endroit où tout un chacun se sent en sécurité et à son aise.

Ranjana Bhargava, qui habite le quartier depuis longtemps, affirme que les familles juives se sentent bien chez elle, son restaurant étant végétarien. Et Rieger explique que les musulmans religieux, par exemple, utilisent les structures d’activités séparées pour les hommes et les femmes du centre communautaire juif.

« L’un de mes anciens collègues m’avait dit que le quartier était sûr et stable en raison de toutes les synagogues qu’il y a ici », se souvient Ashish Sen, vice-président de la Chicago Transit Authority, en évoquant une conversation qu’il avait eue lorsqu’il était arrivé dans le quartier dans les années 1980. « Tous les jeunes étudient pour aller à l’école de médecine, il n’y a donc pas d’inquiétudes à avoir sur les gangs de rue ».

Patel Bros., un supermarché sur Devon St. à West Rogers Park, à Chicago. (Crédit : CC-SA-2.0/ Steve Browne & John Verkleir)

Les habitants indiens du quartier pourraient bien suivre l’exemple des Juifs. Sen explique que les immigrants venus d’Asie du Sud et récemment arrivés ont eu tendance à s’installer directement dans les faubourgs, laissant à Devon Avenue sa caractéristique de centre commercial pour la communauté. Les branches de Patel Bros. aux alentours, explique-t-il, sont bien plus grandes que l’enseigne de West Rogers Park.

Personne, dans le quartier, ne dit s’attendre à ce que le West Rogers Park juif redevienne pleinement ce qu’il a été dans le passé – un carrefour religieusement divers en termes de courants juifs rassemblant synagogues, commerces et restaurants. Mais, selon Rieger, il n’est pas question de déplorer le changement. Et il se dit heureux de constater que la communauté juive de West Rogers Park semble aujourd’hui non seulement survivre mais prospérer.

« Ce qu’il y avait là dans les années 1960 et 1950 – quand je passais du temps ici – cela ne reviendra jamais », clame Rieger. « Combien de commerçants juifs y a-t-il de nos jours ? Les gens changent de professions, les gens vont à l’université. C’est un monde qui change ».

« On ne verra plus jamais ça. Et nous avons donc l’obligation de construire une nouvelle réalité », ajoute-t-il.

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