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L’été, un calvaire pour les travailleurs dans les pays du Golfe

L'été vient à peine de commencer que les températures dépassent déjà les 50 degrés dans certains pays, qui risquent de devenir invivables en raison du réchauffement climatique

Un ouvrier étranger boit de l'eau dans une bouteille sur un chantier de construction dans la capitale omanaise, Muscat, sous une chaleur torride, le 21 juin 2022. (Crédit : MOHAMMED MAHJOUB / AFP)
Un ouvrier étranger boit de l'eau dans une bouteille sur un chantier de construction dans la capitale omanaise, Muscat, sous une chaleur torride, le 21 juin 2022. (Crédit : MOHAMMED MAHJOUB / AFP)

L’été vient à peine de commencer que les températures dépassent déjà les 50 degrés Celsius dans certains pays arabes du Golfe, qui risquent de devenir invivables en raison du réchauffement climatique, selon des experts.

Pour les millions de migrants qui travaillent sur des chantiers dans cette région désertique mais riche en hydrocarbures, la saison estivale est synonyme de calvaire.

« Nous travaillons par des températures très élevées. Nous souffrons des fortes chaleurs », raconte à l’AFP, B. Sajay, un ouvrier indien employé depuis six ans à Mascate, la capitale d’Oman, l’un des six pays du Conseil de coopération du Golfe.

« La seule chose qui nous soulage est la période de repos (…) en milieu de journée », ajoute-t-il.

Un travailleur étranger se verse de l’eau sur la tête alors qu’il tente de se rafraîchir pendant sa journée de travail sous une chaleur torride dans un dépôt de pièces détachées pour voitures d’occasion, dans l’émirat de Sharjah, dans le Golfe, le 20 juin 2022. (Crédit : Karim SAHIB / AFP)

Le sultanat, comme les autres pays de Golfe – les Émirats arabes unis, le Qatar, l’Arabie saoudite, Bahreïn et le Koweït – dépend lourdement de la main-d’oeuvre étrangère bon marché, principalement venue d’Asie.

Des milliers de jeunes travailleurs arrivent chaque année dans la région, pour remplir des fonctions que les citoyens des pays d’accueil refusent d’assurer, dans l’industrie pétrolière, la construction, le nettoyage ou le ramassage des ordures.

Décennie la plus chaude

Il n’existe pas de données fiables sur le nombre de travailleurs migrants décédés dans les pays du Golfe, qui ne publient pas de chiffres et contestent régulièrement les estimations des ONG et des médias.

Une enquête menée par Viral Sign Partnership, regroupant plusieurs ONG principalement basées dans des pays asiatiques, indique que quelque 10.000 travailleurs migrants d’Asie du Sud et du Sud-est meurent dans le Golfe chaque année. Selon ce rapport publié en mars 2022, plus de la moitié des décès sont classés comme « arrêt cardiaque » ou « mort naturelle ».

Des travailleurs étrangers balaient une rue sous une chaleur torride dans l’émirat de Dubaï, dans le Golfe, le 15 juin 2022. (Crédit : Giuseppe CACACE / AFP)

Pendant la période des fortes chaleurs, entre juin et août, le travail en extérieur est légalement interdit entre midi et 16 heures environ.

Les ouvriers se serrent alors dans les rares zones à l’abri du soleil, en attendant la reprise du travail, les températures dépassant régulièrement les 45 degrés.

En mai déjà, le mercure a atteint 53,2 degrés au Koweït, l’endroit le plus chaud de la planète ce jour-là.

« Les dix dernières années ont été les plus chaudes » dans le pays, affirme le météorologue koweïtien, Issa Ramadan, en soulignant que « l’été s’étend désormais jusqu’au mois de septembre et parfois jusqu’à une partie du mois d’octobre ».

Sous le soleil brûlant de Mascate, à Oman, les ouvriers asphaltant la route se couvrent la tête d’écharpes et de chapeaux colorés, tandis que d’autres s’abritent sous des dattiers.

Un ouvrier étranger travaille sur un chantier de construction dans la capitale omanaise, Muscat, sous une chaleur torride, le 21 juin 2022. (Crédit : MOHAMMED MAHJOUB / AFP)

« Pour terminer les huit heures de travail le plus tôt possible, je commence parfois dès six heures du matin. Je m’arrête pendant la période de repos, puis je refais deux heures de plus », raconte Muhammad Mukarram, ouvrier du bâtiment bangladais.

Au Qatar, les organisations de défense des droits humains ont appelé le pays organisateur de la Coupe du monde 2022 à protéger les centaines de milliers de migrants travaillant sur les chantiers du mondial, et à enquêter sur les cas de décès liés à la « détresse thermique ».

Chaleur mortelle

La région du Golfe a le climat le plus chaud et le plus humide de la planète, selon une étude publiée en 2020 dans la revue Science Advances.

Dans cette étude, les scientifiques ont calculé l’indice de température au thermomètre-globe mouillé (WBGT en anglais, différent des degrés Celsius), qui permet de mesurer l’effet de la chaleur, de l’humidité et du rayonnement solaire sur l’homme.

Des personnes traversent un pont aérien dans un contexte de hausse de l’humidité et des températures dans l’émirat de Dubaï, dans le Golfe, le 24 juin 2022. (Crédit : Karim SAHIB / AFP)

Ils ont conclu qu’un adulte en bonne santé ne pouvait survivre à une température de 35 degrés WBGT pendant plus de six heures, même à l’ombre et avec de l’eau à volonté.

Or, cette température a été atteinte 14 fois dans le monde ces vingt dernières années, dont huit dans le Golfe.

Une autre étude, parue dans la revue Nature Climate Change, a également évoqué le risque que la région soit frappée par « des épisodes sans précédent de chaleur mortelle en raison du changement climatique », et que de grandes villes deviennent inhabitables, même dans des espaces ombragés et bien ventilés.

« Si nous ne changeons pas de cap, les températures vont continuer à augmenter jusqu’au point où les activités en plein air dans le Golfe, comme le pèlerinage du Hajj, seraient presque impossibles en été », prévient Julien Jreissati, directeur de programme régional à Greenpeace.

L’Arabie saoudite s’apprête à accueillir un million de pèlerins musulmans le mois prochain, après deux ans de restrictions liés à la pandémie.

« La seule solution est de réduire notre dépendance aux combustibles fossiles, qui sont le principal moteur du changement climatique, et d’opérer une transition progressive mais rapide vers les énergies renouvelables », ajoute-t-il.

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