Un an après la trêve de novembre 2023, des milliers de personnes se rassemblent en faveur des otages
Plusieurs captifs qui avaient été libérés lors du cessez-le-feu, l'année dernière, ont pris la parole à Tel Aviv ; la mère d'un otage a affirmé que le gouvernement de Netanyahu "se rue pour paver les routes et pour construire des implantations sur le dos des otages"
Ce sont des milliers d’Israéliens qui se sont rassemblés samedi soir lors de manifestations organisées dans tout le pays pour réclamer un accord sur la libération des otages détenus à Gaza depuis le pogrom qui avait été perpétré par le Hamas, le 7 octobre 2023. Ils ont également marqué le premier anniversaire de l’accord de cessez-le-feu d’une semaine qui avait été conclu au mois de novembre dernier, un accord que les négociateurs ne sont pas parvenus à renouveler malgré leurs efforts intenses.
A Tel Aviv, quelque 2 000 personnes ont participé samedi au rassemblement hebdomadaire organisé par le Forum des familles d’otages sur la Place des Otages, un rassemblement qui a été l’occasion, pour plusieurs personnes qui avait été remises en liberté dans le cadre du l’accord de novembre dernier, de prendre la parole. Le père d’Emily Hand, 9 ans, qui avait été enlevée au kibboutz Beeri et qui avait été relâchée par ses ravisseurs au deuxième jour de la trêve, est lui aussi monté à la tribune.
Thomas Hand, qui est irlandais, s’est exprimé en anglais.
« Je suis extrêmement chanceux d’avoir récupéré ma petite Emily en un seul morceau », a-t-il déclaré sous les applaudissements. « Je ne peux pas imaginer à quel point elle a dû être terrifiée ».
« Lorsqu’elle a été enlevée à Beeri, Emily a vu des morts, des personnes qu’elle connaissait et qu’elle a reconnues qui gisaient sur la route », a-t-il poursuivi. « C’était si terrible qu’elle pensait que toutes les personnes qu’elle connaissait, y-compris moi, avaient été tuées ou qu’elles allaient l’être irrémédiablement ».
Hand a raconté que sa fille lui avait dit que l’eau qu’elle avait reçue en captivité était putride, que les otages étaient forcés d’utiliser la salle de bain avec la porte ouverte sous le regard d’un terroriste, et que « on leur demandait de répéter des mots en arabe, et à la fin, on leur disait : ‘vous êtes musulman maintenant’. »
Il a exhorté le Premier ministre Benjamin Netanyahu à conclure un accord de « trêve contre libération d’otages ».
« Concluez un accord, Bibi », a-t-il déclaré en utilisant le surnom du Premier ministre. « Vous avez eu plus de temps qu’il n’en fallait pour faire le travail. »
Samedi dans la matinée, la chaîne d’information N12 a révélé les résultats d’un sondage indiquant que le public est favorable à la conclusion d’un accord sur les otages qui mettrait un terme à la guerre à Gaza à une majorité écrasante (71%). 15% des personnes sondées se sont opposées à une telle perspective et 14% n’ont pas pu se prononcer, a fait remarquer la chaîne.
Et même parmi les soutiens du bloc conservateur de Netanyahu, 56% des personnes interrogées ont répondu qu’elles soutiendraient un tel accord – contre 24% qui ont affirmé y être opposées et 20% qui n’ont pas su se prononcer.
L’intervention de Thomas Hand a été suivie de brefs propos en hébreu de la part d’Emily. « Je sais ce que c’est que d’être là-bas, c’est pourquoi je ne veux pas seulement imaginer ce que vivent ceux qui y sont aujourd’hui », a-t-elle indiqué.
La survivante a raconté qu’elle avait été détenue avec Itay Svirsky, un otage qui a été tué, et avec Noa Argamani, qui a été secourue au mois de juin par l’armée israélienne.
« Noa est revenue, mais Itay ne reviendra pas. Nous devons ramener les otages avant qu’il ne soit trop tard, » a-t-elle martelé, avant de hurler en anglais : « Ramenez-les maintenant ! »
Emily figurait parmi les 251 personnes – des civils en majorité – qui avaient été kidnappées, le 7 octobre, quand environ 3 0000 terroristes placés sous l’autorité du Hamas avaient pris d’assaut Israël par voie terrestre, par voie aérienne et par voie maritime, massacrant plus de 1 200 personnes et se livrant à des atrocités et à des violences sexuelles à grande échelle.
Quelques heures avant les manifestations de la soirée, le Hamas avait diffusé une vidéo de propagande qui montrait l’otage américano-israélien Edan Alexander. Sa mère et sa grand-mère se sont exprimées devant la foule qui était réunie sur la Place des otages de Tel Aviv.
« Ce n’est pas un film de Hollywood », a commenté la mère du captif, Yael Alexander, après la projection des images de son fils. « C’est le mauvais film que vous vivons depuis 421 jours, depuis le 7 octobre ».
« Le film que nous avons reçu cet après-midi nous a mis en état de choc, moi et ma famille. En plus de l’espoir qu’il fait naître, il montre aussi combien les conditions sont difficiles pour Edan et pour tous les autres otages. Il montre ces otages hurler en nous suppliant de les sauver. Et de les sauver maintenant ».
Yael a indiqué que son fils « parle au nom de tous les otages qui sont encore en vie et dont la voix ne peut pas être entendue. Cette voix doit avoir un écho et elle doit bousculer tout le monde ».
« Mon Edan bien-aimé », a-t-elle continué, s’adressant directement à lui, « je veux te dire que après ton plaidoyer, le Premier ministre Benjamin Netanyahu m’a appelé – c’était il y a une heure – il m’a donné de la force et il m’a promis que maintenant, après qu’un accord a été conclu au Liban, les conditions étaient les bonnes pour vous faire libérer tous, pour vous ramener tous à la maison ».
De nombreuses personnes dans l’assistance ont hué le nom du Premier ministre – mais ils ont été invités à se taire.
Elle a ajouté : « Edan, c’est aussi la volonté du peuple. Le peuple est avec toi et il comprend que le retour de tous les otages signifie la victoire totale ».
Einav Zangauker, une activiste de premier plan dont le fils Matan Zangauker est à Gaza depuis plus d’un an et qui n’a pas épargné le gouvernement de ses critiques, a indiqué qu’il était « impossible de retenir ses larmes » après avoir vu la vidéo dans laquelle apparaît Edan Alexander qui « implore de revenir à la maison ».
« Un gouvernement qui ne pose pas d’initiative nouvelle sur la table en vue d’un accord et en vue de la fin de la guerre à Gaza, un accord qui permettra de ramener Edan et tous les autres, est un gouvernement qui trahit les captifs et leurs familles et qui les condamne à la mort en captivité », a affirmé Zangauker.
« Cette semaine, le Premier ministre a conclu un accord qui mettait un terme à la guerre au Liban. Comment est-il seulement possible que Netanyahu puisse signer un accord pour le nord mais qu’il empêche un accord qui mettrait fin aux combats dans le sud ? »
« Au Liban, le Hezbollah n’a pas été vaincu et Netanyahu s’est précipité pour conclure un accord. A Gaza, le Hamas est vaincu et Netanyahu refuse un accord », a poursuivi Zangauker. « Le seul moyen de faire revenir tous les otages, c’est d’arrêter la guerre à Gaza dans le cadre d’un accord unique mais Netanyahu, [les ministres d’extrême-droite Itamar] Ben Gvir et [Bezalel] Smotrich se ruent pour paver des routes et pour construire des implantations sur le dos des otages qui pourrissent dans les tunnels ».
Yehuda Cohen, le père de l’otage Nimrod Cohen, a demandé au président élu américain, Donald Trump, d’utiliser son influence sur Netanyahu pour le pousser à accepter un accord de cessez-le-feu qui ouvrirait la porte à la remise en liberté des captifs.
« Selon les estimations qui ont été faites par les services de renseignement, environ la moitié des otages sont en vie et ils ne peuvent pas attendre que vous entriez en fonction au mois de janvier », a-t-il déclaré. « Mon fils Nimrod Cohen et tous les otages crient depuis les tunnels. Ils ne survivront pas à l’hiver. Nous devons les sauver maintenant ».
« Vous êtes probablement la personne qui a le plus d’influence sur Netanyahu », a-t-il ajouté. « Vous avez le pouvoir de sauver des vies ».
À un pâté de maisons de là, des centaines de militants antigouvernementaux ont manifesté devant l’entrée du quartier général de Tsahal, rue Begin.
À l’entrée du rassemblement, un groupe prônant la « rébellion civile non violente » a organisé une séance d’information sur les tactiques de désobéissance civile et a donné des conseils sur la marche à suivre en cas d’arrestation.
Un militant chevronné, qui était entouré d’une vingtaine de néophytes, a déconseillé aux personnes arrêtées d’invoquer leur droit à garder le silence : « Si vous utilisez votre droit à garder le silence, votre situation au tribunal finira par être pire », a-t-il déclaré.
Le groupe de « désobéissance civile » a ensuite défilé jusqu’à la place Dizengoff, dans le centre de Tel Aviv, aux côtés de plusieurs militants antigouvernementaux de premier plan – avec parmi eux les députés travaillistes Gilad Kariv, Efrat Rayten et Naama Lazimi, le président des démocrates Yair Golan et Noam Dan, cousin de l’otage Ofer Kalderon.
D’autres manifestations et rassemblements ont eu lieu dans différentes villes du pays, à l’exception notable de Césarée, à proximité de la résidence privée de Netanyahu, où se sont déroulées certaines des manifestations les plus intenses au cours des 14 derniers mois. Les organisateurs avaient mis un terme aux manifestations de Césarée, la semaine dernière, après qu’il est apparu clairement que Netanyahu ne passait plus guère de temps dans la ville côtière.
97 des 251 otages enlevés par le Hamas le 7 octobre se trouveraient toujours à Gaza – y-compris les corps sans vie d’au moins 34 personnes dont la mort a été confirmée par l’armée israélienne.
Le Hamas avait libéré 105 civils au cours d’une trêve d’une semaine à la fin du mois de novembre 2023, et quatre otages avaient été relâchés auparavant. Huit captifs ont été sauvés vivants par les troupes, et les dépouilles de 37 otages ont également été retrouvés – dont trois qui avaient été tués par erreur par l’armée alors qu’ils tentaient d’échapper à leurs ravisseurs.
Le Hamas détient également deux civils israéliens qui étaient entrés dans la bande de Gaza en 2014 et 2015, ainsi que les corps sans vie de deux soldats de l’armée israélienne qui avaient été tués en 2014.