L’Histoire au coeur de la bruyante rue King George de Jérusalem
Les piétons sur la rue animée ont souvent des courses à faire, mais cela vaut la peine de prendre son temps et de s'attarder
En 1952, le chef de l’opposition à la Knesset, Menahem Begin, a organisé une immense manifestation pour protester contre l’acceptation des réparations allemandes. Dans un discours fougueux et passionné, il a qualifié ce genre d’indemnités de question de vie ou de mort.
Il a ensuite conduit des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants dans un defilé tumultueux vers la Knesset, située à l’époque dans le bâtiment Beit Froumine au milieu de la rue King George.
L’ambiance était telle que les gardes ont dû contenir la foule à l’aide de gaz lacrymogène. La Knesset a finalement voté l’acceptation des réparations, qui manquaient cruellement à l’Etat d’Israël nouvellement créé.
Les personnes marchant sur la rue King George animée ont généralement un bus à attraper, des courses à faire, ou un ami à rencontrer. Ils ont rarement le temps de s’attarder aux bâtiments qui bordent la route.
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C’est dommage, car non seulement la rue respire l’histoire moderne, mais la plupart des bâtiments ont été construits dans le style Bauhaus (International) – si important que la ville de Tel Aviv a été déclarée site du patrimoine mondial de l’UNESCO pour ses quartiers Bauhaus. Et certains bâtiments sont en fait une véritable merveille architecturale.
La rue King George a été officiellement inaugurée le 9 décembre 1924. Mais après qu’Israël soit devenu un Etat, la municipalité a suggéré de remplacer le roi britannique George par le le roi d’Israël David.
L’idée a recontré la vive oppossition d’Yitzhak Ben-Zvi, le second président du jeune Etat. Ben-Zvi a rappelé aux autres dirigeants que le roi George V qui régnait au moment de la Déclaration Balfour en 1917, a toujours été un ami des Juifs (par opposition à George VI, le monarque de l’époque de l’infâme Livre blanc britannique qui a limité l’immigration juive en Palestine).
Dans un article du Times of Israel sur le Triangle de Jérusalem, nous avions décrit quelques-uns des sites historiques situés au début de la rue King George, à commencer par l’intersection en forme de X avec la rue de Jaffa. Mais il y a beaucoup plus à voir dans cette artère.
L’immeuble Froumine, par exemple, dispose d’un coin arrondi et est décoré avec une bande horizontale dentelée. Sa construction, à des fins commerciales et résidentielles, a commencé en 1947, mais a été interrompue pendant la guerre d’Indépendance.
Le bâtiment a accueilli la Knesset de 1949 à 1966, jusqu’à ce que le Parlement d’Israël ne déménage à Givat Ram.
Jusqu’à récemment, ce site historique abritait le ministère du Tourisme, mais à présent, il sert de tribunal rabbinique de Jérusalem.
Le Café Taamon, créé en 1938, est devenu naturellement un abreuvoir pour les députés quand la Knesset a commencé à se réunir à Beit Froumine sur le trottoir d’en face.
Depuis plusieurs décennies, même après le déménagement du Parlement, c’était l’endroit idéal pour rencontrer vos amis de gauche, des journalistes, la bohème de Jérusalem, et même les Black Panthers d’Israël – un mouvement de protestation très bruyant des années 70, qui visait à améliorer la vie des immigrants en provenance d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient de la première et de la seconde génération.
A proximité de Beit Froumine, se trouve la rue HaMaalot, nommée ainsi pour le grand immeuble résidentiel Beit HaMaalot qui, lui même, est nommé ainsi pour l’ascenseur (maalit en hébreu) qui était l’un des premiers dans la ville.
Un peu plus loin, la synagogue centrale Yeshurun semi-circulaire a été construite au milieu des années 1930 probablement pour contrecarrer le mouvement reformiste dans la ville. Le nom apparaît dans la Bible comme un synonyme pour le peuple juif : « Rien n’égale le Tout-Puissant, ô Yeshurun ! II est ton soutien, Lui qui siège dans les cieux et dont la majesté plane sur les nues » (Deutéronome 33,26).
Juste à côté se dresse le magnifique Beit Avi Chai, partiellement rond, partiellement carré, qui a été achevé en 2007.
Beit Avi Chai est un merveilleux centre culturel et social qui s’adresse à des gens de tous les courants du judaïsme avec des conférences innovantes, ateliers, spectacles et manifestations artistiques largement subventionnés.
Pendant le mandat britannique, un immeuble ordinaire de l’autre côté de la rue hébergeait le Club des officiers britanniques. Le 1er mars 1947, à une heure où il y avait quelques civils dans les alentours, des combattants de la résistance juive en uniformes britanniques se sont introduits dans une camionnette nonobstant les barbelés.
Quand on leur a demandé un permis d’entrée, ils ont ouvert le feu ce qui a assuré une couverture pour les hommes qui ont couru à l’intérieur munis de trois sacs d’explosifs (certains parlent de bidons d’essence) et allumé la mèche. Peu de temps après, on entendit une forte explosion et le bâtiment de trois étages s’est ecroulé. Dix-sept officiers britanniques ont été tués dans l’explosion.
Le bâtiment situé directement derrière l’ancien Club des officiers est un mélange architectural fascinant. Il a été construit sur deux étages comme une maison pour Bulus Mau, un Arabe qui possédait une boutique de souvenirs. Les deux niveaux sont très différents dans le style : le premier étage a été construit à la fin de la domination ottomane, quand les arches étaient à la mode et l’entrée ornementale faisait face à la Vieille Ville – le centre de la vie de Jérusalem à cette époque.
Cependant, deux ans après que la rue King George ait été ouverte, un deuxième étage éclectique a été ajouté. Et puisque le centre tant des affaires que des loisirs était désormais le Triangle Jérusalem (les rues Ben Yehuda, King George et Jaffa), la sortie sur la cour arrière est devenue la porte d’entrée.
A l’intersection avec la rue Keren Kayemet, une cour ouverte fait face à un complexe avec trois grandes ailes appelées les bâtiments des institutions nationales. Ici, siègent les trois grandes organisations pré-étatiques depuis le début des années 1930. En forme de fer à cheval, et de gauche à droite lorsque vous faites face aux bâtiments construits dans le style Bauhaus modifié, se tiennent les bureaux du Keren Hayessod (Appel Unifié pour Israël), de l’Agence juive et de Keren Kayemet (Fonds national juif).
En pleine Guerre d’Indépendance, le 11 mars 1948, une voiture piégée a explosé dans la cour. Douze personnes ont été tuées – et l’aile du Keren Hayessod s’est effondrée, pour être reconstruite avec un étage supplémentaire. Fait intéressant, le mur nord s’incline vers le bas, comme les glacis à la Tour de David, et de minuscules fenêtres grillagées ressemblent aux fentes dans les murs de la Vieille Ville utilisées pour tirer sur un ennemi.
Plus haut dans la rue, la Grande Synagogue et Hechal Shlomo partagent une esplanade commune. La façade de la synagogue propose toutes sortes de symboles, comme un résumé des Dix Commandements, tandis que l’intérieur est rempli de marbre, de lustres élégants en verre, et une splendide exposition de mezuzot (des passages bibliques sur parchemin dans des boîtes décoratives). La magnifique synagogue, accessible par deux escaliers en marbre, dispose de sièges en velours rouge et de magnifiques vitraux.
Hechal Shlomo était à l’origine le siège du Grand Rabbinat. Aujourd’hui, il abrite le Musée du patrimoine Wolfson au troisième étage : six salles avec une collection fantastique de Judaica. Ce qui rend ce musée unique est son thème : Pourquoi la nation juive a perduré, alors que même les plus forts des empires ont disparu depuis longtemps de l’histoire ?
La rue King George se termine (et devient la rue Keren Hayessod) avec une petite place. Appelée Kikar Tzarfat (la place de France), c’est un lieu populaire pour les manifestations de toutes sortes en raison de sa proximité avec l’inaccessible résidence du Premier ministre à moins d’un pâté de maisons.
En fait, après d’énormes rassemblements de protestation en 2007, la municipalité a officiellement rebaptisé la place en « Place de la Liberté pour Jonathan Pollard. »
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