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L’impossible dialogue entre BarakaCity et le gouvernement français

L'ONG a "fait des propositions précises" pour éviter sa dissolution mais l'Intérieur l'accuse de liens avec "la mouvance islamiste radicale" et de "justifier des actes terroristes"

Stand de BarakaCity lors de la 34e Rencontre annuelle des musulmans de France en 2017. (Crédit : Wikimedia Commons)
Stand de BarakaCity lors de la 34e Rencontre annuelle des musulmans de France en 2017. (Crédit : Wikimedia Commons)

BarakaCity est-elle la victime d’une injuste opération politique, ou une « goutte d’huile » islamiste qui « peut allumer la poudrière » ? Devant le Conseil d’Etat lundi, l’ONG et le gouvernement qui vient de la dissoudre sont restés campés sur d’inconciliables positions.

Le 27 octobre dernier, onze jours après l’assassinat de Samuel Paty qui nourrit un contexte politique et sécuritaire extrêmement tendu, Me William Bourdon et Vincent Brengarth sont au ministère de l’Intérieur. Les deux avocats de BarakaCity viennent plaider la cause de l’ONG humanitaire, accusée de proximité avec l’islamisme radical et menacée de dissolution par Beauvau.

En pure perte : dès le lendemain matin, le couperet tombe pour BarakaCity, accusée par le ministère de liens avec « la mouvance islamiste radicale » et de « justifier des actes terroristes ». Le début d’un bras de fer qui s’est poursuivi lundi sur les bancs du Conseil d’Etat, saisi en liberté-référé par les deux avocats de l’ONG.

L’audience devant la plus haute juridiction administrative a révélé l’ampleur du fossé.

A commencer par le rendez-vous du 27 octobre à Beauvau, dont ils n’ont pas le même souvenir.

Pour éviter la dissolution, « on y a fait des propositions précises, concrètes » pour faire évoluer la « gestion de l’association », rappelle en début d’audience Me Bourdon.

En tête dans le collimateur de Beauvau, le président et fondateur de l’ONG, Idriss Sihamedi. Les accusations contre BarakaCity visent notamment ses tweets et posts Facebook, notamment ceux qui s’insurgent de la republication des caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo.

Idriss Sihamedi, fondateur de l’ONG musulmane BarakaCity. (Crédit : Capture d’écran YouTube / BarakaCity France)

« On attendait une réponse. Mais la réponse, ça a été une prise de parole de M. Darmanin le lendemain matin », fulmine l’avocat. Sur France Inter, M. Darmanin annonce la dissolution de BarakaCity le lendemain en Conseil des ministres.

Cette décision « a des conséquences extrêmement graves » pour une association qui « aide deux millions de personnes dans une vingtaine de pays », souligne Me Brengarth. « Une conciliation aurait pu être envisagée, mais on nous l’a refusée », tonne Me Bourdon.

 « Cheval de Troie »

La personne qui a reçu les deux avocats à Beauvau le 26 octobre est justement assise en face d’eux à l’audience : c’est Pascale Léglise, la représentante du ministère de l’Intérieur.

Ce jour-là, « j’ai dit qu’il fallait au moins que l’association change de président », mais « on m’a dit que c’était impensable », raconte-t-elle. « J’ai transmis au ministre, qui m’a dit : ‘Dans ces conditions, on maintient’ « .

Cette version des faits fait sursauter Me Bourdon. En colère, il interpelle le président, tonnant contre les « inexactitudes » proférées selon lui par le ministère. « Ce n’est pas possible. Cette méthodologie de discussions est inacceptable ».

Sont ensuite étudiées les accusations détaillées dans le décret de dissolution contre BarakaCity, dont les messages publiés sur les comptes personnels de M. Sihamedi contre Charlie Hebdo (notamment « Qu’Allah maudisse Charlie et enflamme leurs tombes à la chaleur du soleil !! »). Le ministère ne fait aucune distinction : si M. Sihamedi a « une aura et une audience, c’est parce qu’il est président de BarakaCity ».

Beauvau lui reproche également d’avoir laissé publier sur la page Facebook de l’association des messages « contre les Juifs, l’Occident, Charlie Hebdo… ». Des « propos insidieux », voire des appels « à la violence et à la haine » qui peuvent être « la petite goutte d’huile qui peut allumer la poudrière », fustige Mme Léglise. Et ça, dit-elle « ça justifie qu’on les stoppe ».

En face, Me Bourdon martèle à grande vitesse que « le ministère n’a aucune preuve de ces accusations » qui veulent faire de BarakaCity, jamais condamnée jusque-là, « un cheval de Troie des idées terroristes ou contraires à la République ». Et prévient que toute dissolution sur ces motifs constituerait un « dangereux glissement ».

Présent aux côtés de ses avocats, Idriss Sihamedi répond point par point aux accusations, niant toute radicalité et concédant notamment des « tweets maladroits » sur Charlie Hebdo.

« Il y a un décalage très important entre la réalité de BarakaCity et la vision machiavélique, obscure et radicale qu’en donne le ministère », dit celui qui est par ailleurs poursuivi pour harcèlement en ligne envers une ex-journaliste… de Charlie Hebdo.

Le conseil d’Etat rendra sa décision mercredi.

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