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L’Iran gagne en influence en Afrique du Sud grâce à la question palestinienne

En souvenir de son soutien contre le régime d’apartheid, l'Iran entretient de bonnes relations avec Pretoria et cherche à les renforcer pour échapper aux sanctions occidentales

  • Le président sud-africain de l’époque, Jacob Zuma, deuxième à gauche, s’entretient avec Mandla Mandela, à gauche, après le dévoilement, en présence de nombreux dignitaires, d’un buste de l’ex-président sud-africain, Nelson Mandela, à droite, au Parlement sud-africain au Cap, en Afrique du Sud, le 28 avril 2014. (Crédit : AP Photo/Schalk van Zuydam)
    Le président sud-africain de l’époque, Jacob Zuma, deuxième à gauche, s’entretient avec Mandla Mandela, à gauche, après le dévoilement, en présence de nombreux dignitaires, d’un buste de l’ex-président sud-africain, Nelson Mandela, à droite, au Parlement sud-africain au Cap, en Afrique du Sud, le 28 avril 2014. (Crédit : AP Photo/Schalk van Zuydam)
  • Ebrahim Raïssi, candidat aux élections présidentielles iraniennes, salue les médias après avoir voté dans un bureau de vote à Téhéran, en Iran, le vendredi 18 juin 2021. (Crédit : AP Photo/Ebrahim Noroozi)
    Ebrahim Raïssi, candidat aux élections présidentielles iraniennes, salue les médias après avoir voté dans un bureau de vote à Téhéran, en Iran, le vendredi 18 juin 2021. (Crédit : AP Photo/Ebrahim Noroozi)
  • Un portrait du défunt dirigeant sud-africain Nelson Mandela est accroché à une clôture tandis qu’un soldat israélien parle avec un Palestinien venu pour une manifestation hebdomadaire contre la barrière de séparation, dans le village de Bilin en Cisjordanie, près de Ramallah, le 6 décembre 2013. (Crédit : AP Photo/Majdi Mohammed)
    Un portrait du défunt dirigeant sud-africain Nelson Mandela est accroché à une clôture tandis qu’un soldat israélien parle avec un Palestinien venu pour une manifestation hebdomadaire contre la barrière de séparation, dans le village de Bilin en Cisjordanie, près de Ramallah, le 6 décembre 2013. (Crédit : AP Photo/Majdi Mohammed)
  • Photos de feu le leader sud-africain Nelson Mandela lors d'une messe en son honneur, en l’église de la Sainte Famille, à Ramallah en Cisjordanie, le 8 décembre 2013. (Crédit : AP Photo/Nasser Nasser)
    Photos de feu le leader sud-africain Nelson Mandela lors d'une messe en son honneur, en l’église de la Sainte Famille, à Ramallah en Cisjordanie, le 8 décembre 2013. (Crédit : AP Photo/Nasser Nasser)
  • Mandla Mandela, petit-fils de Nelson Mandela, serre le poing alors qu’il prend la parole lors d’une cérémonie d’adieu du Congrès national africain à la base aérienne de Waterkloof, aux environs de Pretoria, en Afrique du Sud, le 14 décembre 2013. (Crédit : AP Photo/Themba Hadebe)
    Mandla Mandela, petit-fils de Nelson Mandela, serre le poing alors qu’il prend la parole lors d’une cérémonie d’adieu du Congrès national africain à la base aérienne de Waterkloof, aux environs de Pretoria, en Afrique du Sud, le 14 décembre 2013. (Crédit : AP Photo/Themba Hadebe)
  • Des Sud-Africains manifestent contre les actions israéliennes à Gaza, devant le parlement du Cap, en Afrique du Sud, le 12 mai 2021. (Crédit : AP Photo/Nardus Engelbrecht)
    Des Sud-Africains manifestent contre les actions israéliennes à Gaza, devant le parlement du Cap, en Afrique du Sud, le 12 mai 2021. (Crédit : AP Photo/Nardus Engelbrecht)

JOHANNESBURG, Afrique du Sud – Début août, le petit-fils de Nelson Mandela, Mandla Mandela, a reçu le prix islamique des droits de l’homme à Téhéran.

Il a rendu hommage au soutien apporté par l’Iran aux Sud-Africains alors en lutte contre l’ancien gouvernement d’apartheid – et notamment son soutien au Congrès national africain (ANC), le parti politique avec lequel son grand-père, Nelson Mandela, a été élu premier président de l’Afrique du Sud en 1994. Ce parti continue de présider aux destinées du pays depuis.

« C’est merveilleux d’être en République islamique d’Iran, un pays et une nation qui ont inspiré mon grand-père alors qu’il était en prison », a-t-il déclaré. « Le succès de la révolution islamique de 1979, menée par l’imam Khomeiny, constitue l’une des plus grandes défaites de l’impérialisme moderne. »

Mandla Mandela est également un farouche anti sioniste, associé à Africa4Palestine, organisation sud-africaine née du mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS).

Quelques mois avant la réception de ce prix, des automobilistes de Menlyn, une banlieue de Pretoria, capitale de l’Afrique du Sud, ont découvert un étrange panneau d’affichage représentant Nelson Mandela, le défunt ayatollah Ruhollah Khomeiny d’Iran et le Dôme du Rocher à Jérusalem.

Le texte associé à cette image citait Mandela : « Notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens. » À côté de Khomeiny, on pouvait lire : « La Journée internationale Al Quds est une occasion pour que tous les opprimés du monde se lèvent et se soulèvent contre leurs oppresseurs ». Le logo d’Africa4Palestine était bien visible.

Le président sud-africain de l’époque, Jacob Zuma, deuxième à gauche, s’entretient avec Mandla Mandela, à gauche, après le dévoilement, en présence de nombreux dignitaires, d’un buste de l’ex-président sud-africain, Nelson Mandela, à droite, au Parlement sud-africain au Cap, en Afrique du Sud, le 28 avril 2014. (Crédit : AP Photo/Schalk van Zuydam)

Des experts estiment que les relations qui unissent l’Iran et le lobby anti-israélien en Afrique du Sud font partie de la stratégie de la République islamique pour disposer d’ « appuis stratégiques » en Afrique et gagner en influence au-delà du seul Moyen-Orient. Et ce n’est sans doute pas un hasard si ces nouvelles tombent au moment même où Israël rétablit des relations parfois mises à mal avec le continent africain.

Afrique du Sud et Iran : un étrange attelage ?

Le professeur Hussein Solomon, professeur de politique et relations internationales à l’Université de l’État libre de Bloemfontein, en Afrique du Sud, affirme que ce que Nelson Mandela représentait et ce que le régime iranien représente sont en « opposition totale » l’un avec l’autre.

« Je ne comprends pas la proximité de l’Afrique du Sud avec l’Iran du point de vue des valeurs », déclare Solomon.

« La République islamique est un État théocratique extrêmement répressif envers ses citoyens. L’Afrique du Sud a beau être une démocratie très imparfaite, elle reste une démocratie. »

Solomon note que l’allié de l’Iran, le puissant groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, opère dans de nombreux pays africains, y compris l’Afrique du Sud, ce qui constitue une menace pour les intérêts de sécurité nationale de ces États.

Pourtant, au grand dam de la communauté juive locale, l’ANC a également multiplié les contacts avec l’organisation terroriste palestinienne du Hamas – autre allié de l’Iran – en accueillant de hauts responsables du Hamas ces dernières années.

Lors d’une visite à Pretoria en mai 2022, le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, déclarait que l’Iran
« n’imposait aucune restriction aux relations avec l’Afrique du Sud, et que le nouveau gouvernement [iranien] s’engageait à développer encore ses relations avec les États africains ».

Le professeur Hussein Solomon, de l’Université de l’État Libre à Bloemfontein, en Afrique du Sud. (Courtoisie)

Il avait également exprimé sa gratitude pour le soutien indéfectible témoigné par l’Afrique du Sud aux Palestiniens. Cette visite avait été peu couverte par les médias et peu suivie par la population.

« L’Iran a soutenu les organisations de défense de la liberté [telles que l’ANC] et leur relation est plus forte que jamais », explique Jasmine Opperman, consultante en sécurité sud-africaine spécialisée dans l’extrémisme et les violences politiques. Elle fait écho aux propos de Mandla Mandela, selon lesquels les relations de l’Afrique du Sud avec l’Iran sont anciennes.

En échange de son soutien à l’ANC et à d’autres causes, l’Iran compte sur la solidarité de l’Afrique du Sud dans le cadre des Nations Unies, de l’Union africaine et de l’Agence internationale de l’énergie atomique, ajoute Solomon. Dans ces enceintes, l’Afrique du Sud a toujours défendu le droit de l’Iran à faire un usage pacifique de l’énergie atomique, qualifiant les sanctions contre l’Iran d’illégales et illogiques.

Sur cette photo publiée par l’agence de presse officielle syrienne SANA, le dictateur syrien Bachar Assad s’entretient avec le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian, le 23 mars 2022 à Damas, en Syrie. (Crédit : SANA via l’AP)

La professeure Jo-Ansie van Wyk, experte sud-africaine en questions nucléaires et relations internationales, rappelle que les bonnes relations entre les deux pays sont bien antérieures à l’avènement de la démocratie en Afrique du Sud.

« Du temps de l’apartheid et du règne du Shah [d’Iran], il y a eu entre les deux pays d’importants échanges de pétrole contre de l’uranium ». « Mais bien sûr, au moment de la révolution de 1979, le shah a été destitué et les ayatollahs sont arrivés, ce qui a considérablement changé les relations. »

L’Afrique et les ayatollahs

L’influence iranienne en Afrique va bien au-delà de l’Afrique du Sud. A partir de 1979, l’Iran cherche à exporter sa révolution, en promouvant l’islam chiite dans toute l’Afrique. Le continent est alors constellé de mosquées, écoles, hôpitaux, entreprises et centres culturels construits par l’Iran. L’Iran y envoie fréquemment des chefs religieux pour prêcher la bonne parole au sein des communautés musulmanes.

« La bataille idéologique entre l’Occident et l’Iran s’est transportée en Afrique et il semble qu’aucun État africain n’échappera à cette réalité », assure Opperman.

Iranian leader Mahmoud Ahmadinejad in September 2012 (screenshot: YouTube/CNN)
Mahmoud Ahmadinejad en septembre 2012. (Crédit : capture d’écran YouTube/CNN)

Téhéran s’identifie clairement au monde en développement, objectifs et griefs y compris. Il puise dans le sentiment anti-occidental et utilise ses relations commerciales florissantes avec l’Afrique pour atténuer l’effet des sanctions occidentales.

« L’Iran reste un partenaire idéologique fort du continent africain », souligne van Wyk, ajoutant que l’Iran se positionne comme une alternative à un Occident décadent et prédateur, et que son discours est bien perçu par de nombreux dirigeants africains. « L’Iran jouit en outre d’un fort soutien populaire sur le continent », ajoute-t-elle.

« L’histoire joue un rôle non négligeable dans ce partenariat idéologique », explique le Dr Wesley Seale, membre du Congrès national africain, titulaire d’un doctorat en relations internationales. Depuis la révolution islamique de 1979 et le soutien de l’URSS, l’Iran, et plus tard la Russie, entretiennent des relations fortes avec les Africains en lutte pour la liberté.

« L’une des premières décisions de politique internationale de l’Iran, après la Révolution, est de rejoindre le Mouvement des pays non alignés [organisation de pays en développement, constituée au moment de la Guerre Froide et qui existe encore aujourd’hui, soucieuse de ne s’allier avec aucun des deux blocs]… et de promouvoir la coopération Sud-Sud », ajoute Seale.

Mais Seale ne pense pas que l’intérêt de l’Iran pour l’Afrique soit exclusif, d’autant qu’il tente d’atténuer par tous les moyens les effets des sanctions occidentales. D’un autre côté, assure-t-il, l’Afrique est naturellement intéressée par le pétrole iranien.

« L’Afrique fait pression pour une réforme de l’ordre international, en particulier de l’ONU et, en cela, elle s’appuie sur des pays qui plaident depuis longtemps pour un ordre mondial plus démocratique et équilibré. Des pays comme l’Iran et Cuba, souvent considérés comme persécutés par l’Occident, deviennent des partenaires idéologiques dans cette quête d’un ordre international fondé sur l’égalité des nations et le respect de la souveraineté », estime-t-il.

Raissi et le réchauffement des relations

La montée en puissance de l’engagement de l’Iran envers l’Afrique est perceptible depuis l’entrée en fonctions du président de la République islamique, Ebrahim Raissi, en août 2021.

« Raissi a exprimé sa volonté d’accroître la coopération économique et commerciale et d’intensifier les transferts de technologie et de connaissances techniques », rappelle le Dr Glen Segell, chercheur au Centre Ezri de l’Université de Haïfa pour la recherche sur l’Iran et les États du Golfe.

Segell note que l’Afrique recèle un potentiel économique, un capital humain et des ressources naturelles qui ne peuvent qu’intéresser l’Iran.
Raissi cherche à recalibrer les relations avec l’Afrique, explique Opperman, évoquant la visite du président mozambicain Filipe Nyusi en Iran, en février 2022.

« Même les États dits ‘secondaires’ pour l’Iran font aujourd’hui l’objet de toutes ses attentions. C’est sa stratégie. », ajoute Opperman. « Il est clair que l’Iran entend ainsi étendre son influence, rompre son isolement et contrer l’influence israélienne et occidentale en Afrique. »

Illustration : Le président iranien Ebrahim Raissi salue son auditoire après un discours à la Douma, Chambre basse du Parlement russe à Moscou, en Russie, le 20 janvier 2022. (Crédit : La Douma, Assemblée fédérale de la Fédération de Russie via l’AP)

Israël soigne en effet ses relations avec l’Afrique, incarnées par l’ouverture d’une nouvelle ambassade dans la capitale rwandaise, Kigali, en 2019. De nombreux États africains bénéficient du savoir-faire agricole et technologique israélien, en particulier à l’Est et à l’Ouest du continent.

Segell note que Raissi fait cause commune avec l’Afrique post-coloniale
« alors même que son prédécesseur, Hassan Rouhani, avait passé huit ans sans lui accorder beaucoup d’attention, intéressé par un rapprochement avec l’Occident – États-Unis et Europe occidentale en tête, et plus tard l’Orient – la Chine et la Russie ».

La réalité correspondra-t-elle à ce nouveau discours ?

Après avoir été assigné, aux côtés de l’Irak et la Corée du Nord, à
« l’Axe du Mal » cher à l’ex-président américain George W. Bush il y a une vingtaine d’années, l’Iran se réinvente, avec Raissi, membre d’un
soi-disant « Axe de la Résistance » contre l’impérialisme occidental et les sanctions.

Raissi envisage de continuer à soutenir les organisations pro-palestiniennes en Afrique et contourner les sanctions, s’il ne peut pas en obtenir la levée officielle.

« Dans sa quête d’une plus grande influence sur le continent africain, l’Iran défiera ceux qui défendent leurs intérêts particuliers », conclut Segell.

« Si ces derniers se sentent menacés, l’Afrique pourrait rapidement se muer en un champ de bataille par procuration, opposant chiites et sunnites, objet d’une âpre concurrence économique entre l’Iran, la Turquie, la Russie et la Chine, acteurs présents en Afrique pour des raisons similaires à celles de l’Iran. Ceux qui ont quelque chose à y perdre, ce sont les Africains. »

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