Israël en guerre - Jour 570

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Interview

L’OLP a hébergé 80 chercheurs dans un centre d’études israéliennes à Beyrouth

"Reading Herzl in Beirut" déterre un centre de recherche de l'OLP, resté dans l'oubli plusieurs décennies, qui a contribué à modifier l'opinion de certains Palestiniens à l'égard d'Israël

Yasser Arafat frappant des mains au-dessus de sa tête alors que certains délégués l'ovationnent, tandis que es deux délégués irlandais, assis au premier rang à gauche, restent assis, lors de l'Assemblée générale des Nations unies, à New York, le 14 novembre 1974. (Crédit : AP)
Yasser Arafat frappant des mains au-dessus de sa tête alors que certains délégués l'ovationnent, tandis que es deux délégués irlandais, assis au premier rang à gauche, restent assis, lors de l'Assemblée générale des Nations unies, à New York, le 14 novembre 1974. (Crédit : AP)

Largement oubliés dans les chroniques de la première guerre du Liban, l’armée israélienne s’était emparée de la bibliothèque et des archives complètes du centre de recherche de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) en septembre 1982. Parmi les livres transportés au sud d’Israël figuraient L’idée sioniste, un recueil de textes sionistes classiques, et d’autres écrits fondamentaux sur la construction d’un État juif.

À l’époque, l’attention des médias s’était concentrée sur la guerre menée par Israël contre l’OLP et sur les massacres perpétrés dans les camps de réfugiés de Sabra et Shatila. Créée en 1965, l’imposante bibliothèque du centre de recherche basé à Beyrouth a fait un bref séjour en Israël. Elle a été restituée à l’OLP en 1983 dans le cadre d’un échange contre des soldats israéliens capturés au Liban.

Dans son nouveau livre, Reading Herzl in Beirut: The PLO Effort to Know the Enemy (« Lire Herzl à Beyrouth : L’effort de l’OLP pour connaître l’ennemi »), publié le 9 juillet, l’historien Jonathan Marc Gribetz documente les relations « tendues » d’Israël avec le centre de recherche, aujourd’hui basé à Ramallah.

« Depuis ces premières années à Beyrouth, les intellectuels nationalistes palestiniens, les militants et les alliés ont été parmi les lecteurs les plus avides de la presse israélienne et des études juives, sionistes et israéliennes. On pourrait considérer cela comme un héritage du Centre de recherche de l’OLP », a déclaré Gribetz dans une interview accordée au Times of Israel.

Des secouristes cherchant des survivants après une explosion au quartier général de l’armée israélienne dans la ville libanaise de Tyr, en 1982. (Crédit : Wikimedia Commons/Archives de l’armée israélienne)

À son apogée, à la fin des années 1970, le Centre de recherche de l’OLP employait 80 personnes et publiait à un rythme effréné. La constitution de l’OLP prévoyait la création d’un « département de recherche ». Les chercheurs se sont alors rapidement mis à « rechercher les faits détaillés sur tout ce qui est lié à la question palestinienne de tous les côtés.

Professeur d’études proche-orientales et judaïques à Princeton, Gribetz a effectué des recherches pour ce livre en Israël, dans les Territoires palestiniens et en Europe. En 2018, il s’est rendu en Cisjordanie pour visiter le siège actuel du Centre de recherche de l’OLP.

À Ramallah, Gribetz a été chaleureusement accueilli par le personnel. Il a rencontré Samih Shabeeb, le défunt directeur du centre. Cet intellectuel palestinien avait rejoint le centre de recherche en 1978 et se trouvait dans le centre de Beyrouth Ouest lorsque les bombes étaient tombées sur le bâtiment en février 1983.

Gribetz a été surpris d’apprendre de Shabeeb qu’il n’était pas prévu que les archives soient restituées à l’Autorité palestinienne (AP) depuis l’Algérie, où la bibliothèque est supposée se trouver aujourd’hui. (L’Algérie était l’un des principaux mécènes de l’OLP et fournissait des armes et un entraînement aux terroristes palestiniens).

« Nous n’avons rien vu ici, rien du tout », avait déclaré Shabeeb à Gribetz au sujet des archives.

« Reading Herzl in Beirut », écrit par l’historien Jonathan Marc Gribetz. (Crédit : Autorisation)

En plus d’être dépourvu de ses archives, le Centre de recherche actuel n’est plus que l’ombre de lui-même, écrit Gribetz. Les chercheurs sont beaucoup moins nombreux et les publications ont fortement diminué par rapport aux années 1970.

« La recherche sérieuse exige un certain niveau de stabilité », avait expliqué Shabeeb. « À Beyrouth, nous étions heureux et stables. À Ramallah, notre situation n’est pas stable. Ici, il y a beaucoup plus de volatilité », avait déclaré Shabeeb à Gribetz.

Lors de ses recherches à Jérusalem, Gribetz a rencontré des officiers de l’armée et des services de renseignement israéliens qui avaient participé à la confiscation de la bibliothèque à Beyrouth ou qui avaient fait partie de ceux qui avaient restitué la bibliothèque dans le cadre de l’échange de prisonniers.

D’après les Palestiniens qu’il a interrogés, Gribetz s’est rendu compte que le centre leur permettait de s’informer sur le sionisme et Israël dans le cadre de leur propre projet nationaliste.

« Il ne fait aucun doute que le Centre de recherche de l’OLP et l’Institut d’études palestiniennes ont montré aux Palestiniens et à leurs partisans que la lecture de textes sionistes et israéliens ne devait pas être considérée comme un signe de déloyauté à l’égard de la cause palestinienne ; au contraire, cet engagement en faveur des idées de l’ennemi pouvait être compris comme servant la cause de la libération palestinienne », a souligné Gribetz.

Vagues d’antisémitisme

Parmi les ouvrages publiés par le Centre de recherche de l’OLP, Gribetz a été particulièrement frappé par une traduction arabe de L’idée sioniste. Publié à l’origine en 1959, ce livre emblématique rassemble des essais importants des principaux penseurs du sionisme, dont Theodor Herzl, qui a donné son nom à l’ouvrage de Gribetz.

Gribetz a également mis l’accent sur une autre publication du Centre de recherche, un livre écrit par Mustafa Abd al-Aziz, chercheur de l’OLP. Selon l’auteur palestinien, « Israël a violé un principe fondamental du droit international, à savoir que les États n’exercent leur souveraineté que sur leurs propres territoires et leurs propres citoyens », écrit Gribetz.

L’historien Jonathan Gribetz. (Crédit : Autorisation)

Israël, écrit Abd al-Aziz, « contribue activement à provoquer des vagues d’antisémitisme qui éclatent à partir du doute entourant la loyauté et l’allégeance des Juifs du monde. » Abd al-Aziz a également affirmé que l’existence d’un État juif « ralentit le degré d’intégration des Juifs dans leurs sociétés » et « les isole de leurs nations. »

Les publications du centre comprennent de nombreux documents relatifs aux questions impliquant le peuple Juif et le sionisme. Depuis des dizaines d’années, un point central du message de l’OLP est que les Juifs ne constituent pas un véritable peuple et ne peuvent donc pas former un État-nation.

« Beaucoup [de Palestiniens] continuent de suivre le point de vue classique de l’OLP selon lequel les Juifs sont une religion, pas une nation, et le sionisme est donc illégitime parce que la religion n’est pas une base légitime pour le nationalisme. D’autres, cependant, soutiennent que même si les Juifs n’étaient pas une nation avant la montée du sionisme, ils sont devenus une nation grâce à leurs expériences communes dans l’État-nation d’Israël », a déclaré Gribetz.

C’est comme étudier un cancer

Sabri Jiryis, diplômé de la faculté de droit de l’université israélienne, est un intellectuel palestinien de premier plan qui a fini par diriger le centre de recherche de l’OLP. Son livre phare, Les Arabes en Israël, a été publié en hébreu en 1966.

Dans le cadre de ses recherches sur Reading Herzl in Beirut, Gribetz a demandé à Jiryis si le fait d’avoir étudié Israël l’avait sensibilisé à l’État juif et au sionisme.

« Certainement pas », a répondu Jiryis à Gribetz.

« Plus haineux ? »

« Certainement pas non plus », a répondu Jiryis.

En fin de compte, ses dizaines d’années d’étude d’Israël l’ont rendu « plus rationnel », a estimé Jiryis.

Le poète palestinien Mahmoud Darwish a un jour entendu quelqu’un accuser Jiryis d’aimer les sionistes, a écrit Gribetz. Darwish avait vraisemblablement pris la défense de Jiryis.

Selon Jiryis, Darwish avait répondu que les médecins et les scientifiques peuvent passer toute leur carrière à étudier le cancer ou d’autres maladies, mais « cela ne signifie pas qu’ils aiment la maladie, ou qu’ils aiment le cancer ». « C’est la même chose pour Sabri [Jiryis]. Il ne fait qu’étudier le sionisme. Cela ne signifie pas qu’il aime le sionisme. »

Des soldats israéliens lors d’un raid militaire israélien dans le camp de réfugiés d’Al-Amari , à proximité de Ramallah, en Cisjordanie, le 4 mars 2024. (Crédit : Flash90)

Concernant un accord avec Israël, Jiryis était plus « rationnel » ou pratique que ses contemporains de l’OLP à la fin des années 1970. Toutefois, il a toujours été hors de question pour lui de légitimer le sionisme et Israël.

« Les Palestiniens peuvent, dans certaines circonstances, être prêts à rechercher un accord dans la zone à laquelle Israël est partie. Mais ils ne sont pas prêts à conclure un accord reconnaissant la légitimité du sionisme ; aucun Arabe palestinien ne pourra jamais accepter comme légitime une doctrine selon laquelle il devrait être exclu de la plupart des régions de sa patrie, parce qu’il est un Arabe musulman ou un Arabe chrétien, alors que toute personne de confession juive, où qu’elle soit dans le monde, a le droit de s’y installer », avait écrit Jiryis dans l’un des numéros du Journal of Palestine Studies de 1977.

Jiryis se distingue également en affirmant que l’existence continue d’Israël dépend d’un état de guerre permanent avec ses voisins. Il a identifié cet état de guerre comme le « ciment » d’un État Juif très petit et fragmenté. Le rejet des offres de paix a permis à Israël de présenter les États arabes et les Palestiniens comme des ennemis permanents, avait-il écrit.

« Le réalisme peut exiger la reconnaissance de l’existence d’un État Juif en Palestine et sa prise en compte dans la recherche d’un accord. Mais cela ne peut en aucun cas signifier l’approbation des tendances expansionnistes et exclusives du sionisme », avait écrit Jiryis.

Le centre de recherche de l’OLP vidé par l’armée israélienne en 1982 ; son contenu a été amené en Israël dans des camions. (Crédit : Domaine public)

Après avoir accepté la « paix » avec Israël, avait écrit Jiryis, le terrain serait préparé pour l’auto-dissolution de l’État juif.

« En s’appuyant sur sa connaissance de la société israélienne, et en particulier sur son évaluation de son état très fragmenté, qui ne tient que grâce à la perception d’un ennemi commun, Jiryis a présenté un argument en faveur de l’adoption d’une initiative de paix. Son étude de l’ennemi l’a amené à penser que faire la paix était le moyen de gagner la guerre », a suggéré Gribetz.

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