Mais pourquoi Netanyahu n’est-il pas encore au pouvoir ?
Netanyahu bénéficie du soutien de 64 députés à la Knesset mais il est incapable pour le moment de procéder officiellement à l'investiture de son gouvernement, d'imposer sa volonté
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Aujourd’hui en fin de journée – à moins qu’il ne réclame plus de temps, ce qui serait inattendu – le Premier ministre désigné Benjamin Netanyahu devrait dire au président Isaac Herzog qu’il est parvenu à rassembler une coalition susceptible d’obtenir le soutien d’une majorité de députés à la Knesset, une coalition qui sera à même de prendre le gouvernail d’Israël.
Hormis que, bien évidemment, ce n’est pas le cas. Le leader du Likud a négocié des ententes partielles avec ses partenaires de coalition. Et lui et ses alliés accompagnent actuellement les changements législatifs exigés par certains de ces accords tout au long de leur voyage devant le parlement. Mais le travail reste incomplet. Et en conséquence, dans l’état actuel des choses, si Netanyahu bénéficie, en effet, du soutien de 64 députés à la Knesset, forte de 120 membres, des législateurs qui appuieront son ascension au pouvoir, il est dans l’incapacité pour le moment de procéder officiellement à l’investiture de son gouvernement.
Ce qui est plutôt curieux.
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Cela fait maintenant, après tout, sept semaines entières qui se sont écoulées depuis les élections du 1er novembre, date où le Likud, les deux partis ultra-orthodoxes israéliens et l’alliance de trois factions d’extrême-droite – une alliance négociée par Netanyahu – ont battu la coalition qui était dirigée par Yair Lapid. Le bloc de Netanyahu avait fait campagne sur l’idée que la gouvernance continue de Lapid et de ses partenaires, des formations issues de tout le spectre politique, était un danger pour la sécurité même de l’État juif et qu’il fallait la remplacer dans les meilleurs délais possibles. L’électorat lui avait alors offert le nombre de votes nécessaire pour ce faire. Mais il ne l’a pas fait.
Il avait lancé des négociations informelles de coalition sans même attendre que Herzog consulte, comme c’est la règle, les chefs de parti pour lui assigner la mission de former un gouvernement – ce qu’a fait finalement le président, le 13 novembre. Lapid avait alors organisé ce qu’il avait choisi assez bizarrement qualifié de « dernière réunion du gouvernement », le 20 novembre (et depuis, en conséquence, le cabinet israélien ne s’est plus rassemblé). Un mois supplémentaire vient de s’écouler et Netanyahu n’est toujours pas prêt.
En fait, dans le cadre d’une initiative qui a été inspirée par une clause figurant en petits caractères dans le manuel parlementaire, le tout nouveau président de la Knesset, Yariv Levin, a clôturé la séance plénière pendant presque une semaine – de manière à ce que même si Netanyahu est dans l’obligation de respecter l’échéance et de dire à Herzog, ce soir, qu’il a réussi à rassembler une coalition, les 120 membres de la Knesset ne pourront pas se rassembler avant le 26 décembre, lundi prochain, pour apprendre la nouvelle. Une manœuvre qui donne à Netanyahu une semaine supplémentaire si nécessaire pour la prestation de serment de son gouvernement – jusqu’au 2 janvier.

Si qui que ce soit d’autre que Netanyahu arrivait au pouvoir en affichant une telle mollesse, nul doute qu’il serait raillé à la fois par ses alliés impatients et par ses adversaires frustrés. Et en effet, certains membres de son parti du Likud ont – sous couvert d’anonymat, bien sûr – bouillonné face à sa gestion des négociations. Il pourrait presque être pardonné à un non-initié de penser que, pour une raison inexplicable, le vainqueur des élections ne voudrait finalement pas vraiment faire son retour au pouvoir.
Mais il le veut, bien entendu. C’est seulement que ses alliés ressentent une telle méfiance à son égard qu’ils n’intégreront pas le gouvernement avant d’avoir fait le maximum pour verrouiller les concessions qu’ils ont pu obtenir de la part de Netanyahu. Et nous avons donc Ben Gvir, dont l’ambition est loin d’être assouvie même s’il a obtenu le ministère de la Sécurité nationale, qui insiste sur l’adoption d’une législation qui soumettra le commissaire de police à ses desiderata. Et nous avons aussi, de la même manière, Bezalel Smotrich, qui poursuit infailliblement son objectif ultime qui est d’imposer la souveraineté juive sur toute la Terre biblique d’Israël et qui est bien déterminé à garantir la réussite de la révolution législative qui lui permettra d’occuper un nouveau poste ministériel permanent, au ministère de la Défense, où il aura le contrôle de la Cisjordanie, enlevant des pouvoirs à la fois au ministre de la Défense et à l’armée.
Il y a deux ans, Benny Gantz, qui était à l’époque le principal adversaire de Netanyahu, avait accepté d’établir un partenariat avec le leader du Likud qui prévoyait qu’il pourrait succéder à ce dernier au poste de Premier ministre en milieu de mandat par le biais d’un accord de rotation au pouvoir. Mais Netanyahu avait été plus rusé que l’ex-chef d’État-major qui commençait tout juste sa carrière politique – c’était prévisible – et il avait utilisé une faille de leur accord pour s’extraire de l’arrangement conclu, en empêchant l’adoption du budget de l’État. Ben Gvir, Smotrich et le leader du Shas Aryeh Deri — une autre législation sera modifiée à son profit de manière à ce qu’il puisse être nommé ministre alors qu’il purge actuellement une peine avec sursis après avoir été reconnu coupable de délits fiscaux – sont, pour leur part, très décidés à ne pas se laisser duper.
Un grand nombre d’Israéliens, un grand nombre de Juifs de la Diaspora et de nombreux observateurs de l’étranger, tous profondément soucieux d’Israël, s’inquiètent vivement au sujet de la direction qu’empruntera Israël sous la coupe de cette coalition naissante de la ligne dure, la plus extrémiste de toute l’Histoire d’Israël, qui va prendre la barre du pays. Ils s’inquiètent de l’ancrage accru du monopole ultra-orthodoxe sur les affaires liées au judaïsme dans l’État, et du rejet de la légitimité des courants non-orthodoxes du judaïsme. Ils s’inquiètent de l’institutionnalisation de l’exemption des hommes ultra-orthodoxes du service militaire et de tout autre service national ; de l’allocation de financements publics énormes aux écoles ultra-orthodoxes et aux yeshivot qui laissent ces hommes hors du marché de l’emploi, et du fardeau militaire et fiscal exacerbé qui pèsera sur le reste de la population. Ils s’inquiètent de l’intention déclarée par tous les partis du bloc de Netanyahu de neutraliser la Haute cour, le seul frein, la seule protection contre les excès d’une majorité politique. Ils s’inquiètent d’une coalition où Ben Gvir et Smotrich tiendront des rôles aussi centraux, avec le risque d’une escalade du conflit avec les Palestiniens sur le terrain, et la perspective de rendre Israël plus vulnérable face à « la guerre juridique » menée depuis l’international et face aussi aux pressions diplomatiques.
A plusieurs reprises, dans des entretiens accordés aux médias américains en lien avec la sortie de sa récente autobiographie, Netanyahu a balayé ces inquiétudes – et les autres – du revers de la main, rejetant l’idée d’une Loi du retour amendée, d’un recul des droits LGBT, d’un bouleversement de l’équilibre sensible des pouvoirs entre la législature et le système judiciaire ou d’un affaiblissement de la démocratie vibrante en Israël.
C’est lui, et non Smotrich, qui aura le dernier mot s’agissant de la Cisjordanie, a-t-il en outre déclaré à la chaîne Al-Arabiya, la semaine dernière. Jamais il n’autorisera une mise en péril des droits des homosexuels, a-t-il assuré sur NBC. Il sauvegardera la démocratie israélienne, a-t-il promis sur la même chaîne de télévision.

« Les coalitions entraînent des alliances intéressantes », a-t-il dit au micro de NPR tout en soulignant au sujet de ses futurs partenaires que « ils se joignent à moi. Je ne me joins pas à eux ».
Et pourtant, ce qui s’est passé pendant ces presque deux mois de négociations ne donne pas cette impression. Son incapacité à faire plier ses alliés à sa volonté, au moins dans les domaines où il ne partage pas véritablement leur ordre du jour, laisse penser à un équilibre des forces beaucoup plus complexe.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel