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Malgré la menace du virus, pas de répit dans la guerre au Yémen

"Le monde entier a peur du coronavirus. Pas le Yémen. Ici, nous sommes habitués à la mort", lance à l'AFP Amjad Ali, un jeune yéménite de 28 ans

Des partisans loyaux aux rebelles houthis scandent des slogans en brandissant des armes lors d'un rassemblement visant à mobiliser plus de combattants pour le mouvement Houthi à Sanaa, au Yémen, le 25 février 2020. (Crédit : AP Photo/Hani Mohammed)
Des partisans loyaux aux rebelles houthis scandent des slogans en brandissant des armes lors d'un rassemblement visant à mobiliser plus de combattants pour le mouvement Houthi à Sanaa, au Yémen, le 25 février 2020. (Crédit : AP Photo/Hani Mohammed)

Le conflit au Yémen ne montre aucun signe d’apaisement, une semaine après que la coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite a déclaré un cessez-le-feu unilatéral pour lutter contre le nouveau coronavirus qui menace le pays, déjà plongé dans une grave crise humanitaire.

Le Yémen a officiellement annoncé son premier cas d’infection au nouveau coronavirus vendredi dernier. Les organisations humanitaires redoutent une catastrophe si la pandémie se propage dans ce pays, le plus pauvre de la péninsule arabique, dont le système de santé a été ravagé par plus de cinq ans de guerre.

La coalition, qui intervient depuis 2015 pour appuyer le gouvernement contre les rebelles Houthis, soutenus par l’Iran, a déclaré un cessez-le-feu unilatéral de 15 jours afin de prévenir une crise sanitaire. Mais sur le terrain, les combats continuent.

« Le monde entier a peur du coronavirus. Pas le Yémen. Ici, nous sommes habitués à la mort », lance à l’AFP Amjad Ali, un jeune yéménite de 28 ans.

Confrontés à la pire crise humanitaire au monde, environ 24 millions de Yéménites – plus de 80 % de la population – dépendent d’une forme d’aide ou de protection, selon l’ONU.

Des membres de la Défense civile yéménite sont photographiés avec des équipements de protection dans la capitale yéménite de Sanaa en pleine épidémie de coronavirus (COVID-19), le 12 avril 2020. (Photo par Mohammed HUWAIS / AFP)

Plus de trois millions de personnes sont déplacées, dont beaucoup dans des camps particulièrement vulnérables à la propagation de maladies.

« Nous ne voulons pas d’une annonce de cessez-le-feu, nous voulons la fin des combats sur le terrain », dit à l’AFP Abdelhak al-Amiri, un résident de Sanaa de 35 ans.

Dans la capitale Sanaa contrôlée par les Houthis, Bachir al-Fadli ne cache pas non plus son exaspération face à la coalition comme les rebelles.

« Nous n’en pouvons plus de cette guerre ! Le seul perdant est le citoyen yéménite, sans salaire, sans eau, sans électricité, sans éducation », fustige l’homme de 28 ans.

L’annonce par l’Arabie saoudite de l’arrêt des activités militaires à partir du 9 avril n’a pas mis fin aux combats au sol et les frappes aériennes de sa coalition se poursuivent.

Un secouriste tente de retrouver des victimes des décembres d’un centre de détention Houthi détruit par des frappes aériennes menées par l’Arabie saoudite. Les frappes auraient tué au moins 60 personnes et fait plusieurs dizaines de blessés selon des officiels et le ministère de la Santé de rebelles, dans la province du sud-ouest de Dhamar, Yémen, le dimanche 1 septembre 2019. (AP Photo/Hani Mohammed)

« Nous n’avons pas encore d’accord de cessez-le-feu signé par tous les principaux acteurs », souligne à l’AFP Peter Salisbury, spécialiste du Yémen à l’International Crisis Group.

Vendredi, l’émissaire spécial de l’ONU pour le Yémen, Martin Griffiths, a annoncé avoir envoyé de nouvelles propositions aux deux parties pour obtenir un cessez-le-feu national et la « reprise urgente » du dialogue politique.

La confirmation du premier cas d’infection à la maladie Covid-19 au Yémen « rend encore plus impératif l’arrêt immédiat des combats », a-t-il insisté.

Les rebelles négocient actuellement en position de force après de récents succès militaires. Contrôlant déjà plusieurs pans du territoire, ils avancent vers le dernier bastion du gouvernement au nord, Marib, une région stratégique riche en pétrole.

Les Houthis ont publié une liste de conditions pour une trêve, dont le retrait des troupes étrangères et la fin du blocus aérien, maritime et portuaire imposé par la coalition au Yémen.

Ils ont également exigé que la coalition paie les salaires du gouvernement pour la prochaine décennie et finance la reconstruction du pays, en particulier les maisons détruites par les frappes aériennes.

Des Houthis chiites yéménites scandent des slogans lors d’une manifestation contre le plan pour le Moyen Orient du président américain Donald Trump à Sanaa au Yemen, le vendredi 31 janvier 2020. (AP Photo/Hani Mohammed)

« L’Arabie saoudite pourrait vouloir se retirer de la guerre au Yémen et est certainement prête à payer pour une grande partie de la reconstruction », dit à l’AFP Elana DeLozier, du think-tank Washington Institute for Near East Policy.

Mais, selon cette analyste, « il est peu probable » que Ryad accepte de signer un accord qui implique « sa capitulation totale ».

L’annonce du cessez-le-feu intervient à un moment délicat pour l’Arabie saoudite, pays du Golfe le plus touché par la pandémie et dont l’économie souffre particulièrement de la chute des prix du pétrole.

« L’Arabie saoudite veut de plus en plus mettre fin à la guerre au Yémen. Leurs priorités changent. La guerre au Yémen est coûteuse et militairement impossible à gagner », observe Elena DeLozier.

Ces derniers mois, la coalition a été mise à rude épreuve, selon les experts: pression internationale en raison des victimes civiles des frappes aériennes, retrait des Emirats arabes unis de la coalition et conflit entre frères d’armes au sein du camp progouvernemental l’ont affaiblie et ont renforcé la détermination des rebelles.

La menace du coronavirus a servi de prétexte pour un cessez-le-feu unilatéral « sans donner l’impression de céder aux Houthis », estime Elena DeLozier.

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