Malgré les dissensions avec Netanyahu, l’opposition fait front commun contre l’Iran
Lapid souhaite le départ de Netanyahu mais pas pendant ce "combat vital" ; l'ex-Premier ministre Bennett : « Il n'y a ni gauche, ni opposition, ni coalition » lorsqu'il s'agit de freiner l'Iran

Vingt-quatre heures avant que le Premier ministre Benjamin Netanyahu ne lance sa fulgurante offensive contre l’Iran, l’opposition israélienne tentait de faire tomber son gouvernement.
Aujourd’hui, quelques jours seulement après le début de l’opération en cours contre l’Iran, l’opposition reserre les rangs derrière cette guerre, malgré des mois de critiques acerbes contre Netanyahu et sa gestion de la guerre à Gaza.
« Ce n’est pas le bon moment pour faire de la politique », a déclaré lundi à l’Associated Press le chef de l’opposition et ancien Premier ministre, Yair Lapid, pour sa première interview à des médias étrangers depuis le début de la guerre contre l’Iran.
Vendredi dernier, très tôt, Israël a attaqué les infrastructures nucléaires et militaires de l’Iran, officiellement pour neutraliser la menace vitale que le nucléaire faisait peser sur l’État juif. L’Iran a riposté par des tirs répétés – et meurtriers – de missiles et de drones, sur des villes israéliennes : pour l’essentiel, ces tirs ont été interceptés par les défenses aériennes d’Israël.
Quelques jours plus tôt, depuis la tribune de la Knesset, Lapid appelait à la tenue de nouvelles élections pour évincer Netanyahu.
« Oui, ce gouvernement doit être renversé, mais pas en plein combat existentiel », a déclaré Lapid.

Benny Gantz, chef du parti Kakhol lavan, autre grand parti centriste de l’opposition, a déclaré à Iran International, dont le siège se trouve au Royaume-Uni que « la décision d’agir de manière préventive contre l’Iran était justifiée et nécessaire, et sur cette question, l’opposition israélienne est totalement en phase avec la coalition ».
« Le peuple d’Israël est totalement uni en vue de l’atteinte de nos objectifs : les désaccords que nous pourrions avoir attendront », a-t-il ajouté.
L’ancien Premier ministre Naftali Bennett, que les sondages donnent favori pour succéder à Netanyahu en cas d’élections anticipées, a déclaré dimanche à la Treizième chaîne qu’il « n’y a ni droite, ni gauche, ni opposition, ni coalition » en ce qui concerne les frappes contre l’Iran.
L’État d’Israël « tente d’éliminer cette excroissance cancéreuse qu’est le programme nucléaire iranien, qui menace notre existence », a déclaré Bennett, qui appelle depuis longtemps à une frappe sur le programme nucléaire iranien.
La République islamique, qui s’est jurée de détruire Israël, affirme que son programme nucléaire a des fins purement civiles. Toutefois , il enrichit de l’uranium à 60 % – niveau sans applications civiles et proche du seuil des 90 % requis pour des ogives nucléaires – et empêche les inspecteurs étrangers de vérifier ses installations nucléaires.

Mohammad Eslami (à droite) lors de la « Journée nationale de la technologie nucléaire », à Téhéran, le 9 avril 2025. (Présidence iranienne / AFP)
Les 20 derniers mois constituent une période sans précédent dans l’histoire d’Israël : le pogrom commis par le Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023 a déclenché la guerre à Gaza et 53 otages – une vingtaine peut-être encore en vie – sont toujours détenus par des groupes terroristes.
Cette guerre a par ailleurs donné lieu à des combats contre des groupes soutenus par l’Iran au Liban, au Yémen et, à plusieurs reprises déjà avant la nouvelle conflagration, en Iran lui-même.
Dirigeant des plus clivants, Netanyahu, qui gouverne presque sans interruption depuis 16 ans, est à la barre depuis le début de cette chaine d’événements. Jugé pour corruption, d’aucuns estiment qu’il fait durer la guerre à Gaza pour apaiser ses partenaires de la coalition et retarder une élection qui pourrait mettre fin à ses fonctions.
Netanyahu assure agir dans l’intérêt d’Israël, ce que les partis d’opposition critiquent sans ménagements. Lapid a d’ailleurs souligné lundi que son soutien à l’attaque du programme nucléaire iranien était un soutien à l’armée, pas à des politiciens.
« Nous ne nous sommes pas ralliés au gouvernement », a déclaré Lapid depuis le siège de son parti, à Tel Aviv. « Nous nous sommes ralliés à la nécessité d’agir, face à une situation devenue inévitable. »

Depuis le début ou presque de la guerre, Lapid et d’autres députés de l’opposition pressent Netanyahu de conclure un accord avec le Hamas pour libérer les otages de Gaza.
Lapid a prononcé un discours le mois dernier à la Knesset, à l’occasion du 600e jour de la guerre à Gaza. Il a critiqué Netanyahu auquel il reproche d’avoir provoqué un conflit inexistant lors de son bref mandat.
Netanyahu, dont la cote de popularité a considérablement pâti du conflit au Moyen-Orient, a bénéficié de rares éclaircies suite à quelques succès militaires, comme le coup dur porté au Hezbollah l’an dernier. Ce pourrait de nouveau se produire si l’opinion publique se ralliait à la guerre contre l’Iran.
Avant la guerre contre l’Iran, les sondages montraient que Netanyahu aurait du mal à former une coalition en cas de nouvelles élections. Le parti de Lapid, désormais deuxième plus grand parti avec 24 sièges sur les 120 que compte le Parlement, pourrait perdre la moitié de ses effectifs, peut-être même plus, d’après les sondages.
Mais Lapid estime que la politique et les motivations de Netanyahu n’intéressent plus personne maintenant, parce qu’ « il fallait » frapper l’Iran.
« Benjamin Netanyahu est un rival politique acharné », conclut Lapid. « Je pense qu’il n’est pas la bonne personne pour diriger le pays. Mais sur ce point précis, il a eu raison. »