Malgré les images satellites montrant les dégâts à Fordo, des doutes subsistent
6 cratères ont été observés dans la montagne au-dessus de la centrale nucléaire iranienne ; les experts craignent que des matières nucléaires aient été déplacées avant l'attaque

WASHINGTON — Selon des experts, des images satellites commerciales indiquent que l’attaque américaine contre le site nucléaire iranien de Fordo a gravement endommagé, voire détruit, ce site profondément enfoui et les centrifugeuses d’enrichissement d’uranium qu’il abritait. Toutefois, aucune confirmation n’a été apportée.
« Ils ont tout simplement tout détruit avec ces MOP », a déclaré David Albright, ancien inspecteur nucléaire de l’ONU qui dirige l’Institut pour la science et la sécurité internationale, en référence aux Massive Ordnance Penetrator, des bombes à charge pénétrante, que les États-Unis ont déclaré avoir larguées.
« Je pense que l’installation est probablement détruite. »
Cependant, aucune confirmation de la destruction souterraine n’a pu être établie, a noté Decker Eveleth, chercheur associé à la CNA Corporation spécialisé dans l’imagerie satellite. La salle abritant des centaines de centrifugeuses est « trop profondément enfouie pour que nous puissions évaluer l’ampleur des dégâts à partir d’images satellites », a-t-il déclaré.
Pour se défendre contre des attaques telles que celle menée par les forces américaines dans la nuit de samedi à dimanche, l’Iran a enfoui une grande partie de son programme nucléaire dans des sites fortifiés situés profondément sous terre, notamment à Fordo, à flanc de montagne.
Des images satellites montrent six cratères où les bombes antibunker (bombes à charge pénétrante) semblent avoir pénétré la montagne, ainsi qu’un sol qui semble avoir été remué et recouvert de poussière.

Les États-Unis et Israël ont déclaré leur intention de mettre un terme au programme nucléaire iranien. Toutefois, si ses installations et ses équipements ne sont pas complètement détruits, l’Iran pourrait plus facilement relancer son programme d’armement, que les services secrets américains et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) affirment avoir été abandonné en 2003, mais qui, selon Israël, se poursuivrait dans le plus grand secret depuis lors.
L’Iran affirme depuis longtemps que son programme nucléaire est destiné à des fins pacifiques. Toutefois, il enrichit de l’uranium à des niveaux qui n’ont aucune utilisation civile et menace régulièrement depuis des décennies de raser des villes israéliennes.
« Activité inhabituelle »
Plusieurs experts ont également averti que l’Iran avait probablement transféré, avant la frappe de dimanche à 3 heures du matin, un stock d’uranium hautement enrichi, proche de la qualité militaire, hors de Fordo, et qu’il pourrait le dissimuler, ainsi que d’autres composants nucléaires, dans des lieux inconnus d’Israël, des États-Unis et des inspecteurs nucléaires de l’ONU.
Ils ont relevé des images satellites de Maxar Technologies montrant une « activité inhabituelle » à Fordo jeudi et vendredi, avec une longue file de véhicules attendant à l’extérieur d’une entrée du site. Une source iranienne haut placée a déclaré dimanche à Reuters que la majeure partie de l’uranium hautement enrichi à 60 %, proche de la qualité militaire, avait été transférée vers un lieu tenu secret avant l’attaque américaine.
« Je ne pense pas que l’on puisse faire autre chose que retarder leur programme nucléaire de quelques années, tout au plus », a déclaré Jeffrey Lewis, du Middlebury Institute of International Studies à Monterey.
« Il existe très certainement des installations dont nous ne savons rien. »
Le sénateur démocrate de l’Arizona Mark Kelly, membre de la commission sénatoriale du renseignement et qui affirme examiner les renseignements quotidiennement, a exprimé la même inquiétude.

« Ma grande crainte actuellement est qu’ils fassent passer tout ce programme dans la clandestinité, pas physiquement, mais hors de portée des radars », a-t-il déclaré à NBC News.
« Tout ce que nous avons essayé de faire pour l’arrêter pourrait accélérer le processus. »
En réponse aux attaques israéliennes, le Parlement iranien menace de se retirer du Traité de non-prolifération, pierre angulaire du système international entré en vigueur en 1970 pour empêcher la propagation des armes nucléaires, mettant ainsi fin à sa coopération avec l’AIEA.
« Le monde va rester dans l’ignorance quant aux intentions de l’Iran », a déclaré Daryl Kimball, directeur exécutif du groupe de défense Arms Control Association.
« Double tir »
Reuters a interrogé quatre experts qui ont examiné les images satellites de Fordo fournies par Maxar Technologies. Celles-ci montrent six cavités parfaitement espacées, réparties en deux groupes, dans la crête montagneuse sous laquelle se trouverait le hall abritant les centrifugeuses.
Le général Dan Caine, chef d’état-major des armées des États-Unis, a déclaré aux journalistes que sept bombardiers B-2 avaient largué quatorze bombes GBU-57/B MOP, des bombes guidées de précision d’une masse de près de 14 tonnes conçues pour pénétrer jusqu’à 60 mètres dans des installations souterraines fortifiées telles que Fordo, selon un rapport du Congrès américain datant de 2012.
Caine a déclaré que selon les premières évaluations, les sites avaient subi des dégâts extrêmement importants, mais il a refusé de spéculer sur l’intégrité des installations nucléaires.

Eveleth a déclaré que les images Maxar de Fordo et les déclarations de Caine indiquaient que les B-2 avaient d’abord largué une première salve de six bombes MOP sur Fordo, puis effectué un « double tir » de six autres bombes exactement au même endroit.
L’Opération « Marteau de minuit» visait également la principale installation d’enrichissement d’uranium de Téhéran, à Natanz, ainsi que le plus grand centre de recherche nucléaire du pays, à Ispahan. D’autres sites liés au nucléaire se trouvent à proximité de la ville.
Israël avait déjà frappé Natanz et le centre de recherche nucléaire d’Ispahan au cours des dix jours de guerre contre l’Iran.
Albright a déclaré dans un message publié sur le réseau social X que les images satellites d’Airbus Defence and Space montraient que des missiles de croisière Tomahawk américains avaient gravement endommagé une installation d’enrichissement d’uranium à Ispahan et qu’un cratère au-dessus des salles d’enrichissement souterraines de Natanz aurait été causé par une bombe anti-bunker qui « aurait détruit l’installation ».
Albright a remis en question l’utilisation par les États-Unis de missiles de croisière à Ispahan, affirmant que ces armes ne pouvaient pas pénétrer dans un complexe de tunnels situé près du principal centre de recherche nucléaire, qui serait encore plus profond que celui de Fordo. L’AIEA a déclaré que les entrées des tunnels « avaient été touchées ».
Il a noté que l’Iran avait récemment informé l’AIEA de son intention d’installer une nouvelle usine d’enrichissement d’uranium à Ispahan.
« Il y aurait entre 2 000 et 3 000 centrifugeuses supplémentaires qui devaient être installées dans cette nouvelle usine d’enrichissement », a-t-il déclaré.
« Où sont-elles ? »