Malgré l’unilatéralisme palestinien, le processus de paix restera boiteux
Si un accord sur Pollard constituait un succès concret à l’actif de Netanyahu, les négociations restent irrémédiablement dans l'impasse
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Non, le processus de paix n’est pas mort. Tout du moins, pas encore.
Si rien n’est certain en ces temps troublés, la probabilité de voir Israéliens et Palestiniens poursuivre les négociations de paix pendant au moins neuf mois reste plausible.
Même la dramatique signature apposée par le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas sur la demande d’adhésion à quinze instances et traités internationaux ne signe pas l’arrêt de mort du processus.
Certains experts ont dans un premier temps qualifié la démarche palestinienne de violation manifeste de l’engagement pris par Abbas, avant la relance des pourparlers, de ne pas entreprendre d’action unilatérale d’adhésion à l’ONU.
Mais Kerry a tenu à souligner que les quinze agences et traités vers lesquels la « Palestine » a décidé de se tourner « n’inclut pas l’ONU ».
Et plus significatif encore, la Cour pénale internationale ne fait pas partie de la liste. Tout porte donc à croire que la démarche ne constitue qu’une simple posture.
Selon Nabil Abou Rdeneh, conseiller proche d’Abbas, les Palestiniens pourraient encore se rétracter et ne pas soumettre les demandes d’adhésion, si Israël procédait à la libération immédiate des prisonniers, selon l’Associated Press.
Il a exhorté la communauté internationale à faire pression sur Israël en ce sens.
Mais le spectacle doit continuer, quand bien même les derniers événements ont porté un coup dramatique à la confiance réciproque, déjà très faible, entre les deux camps.
Aucune des deux parties ne souhaite s’aliéner les États-Unis en quittant la table de négociations.
Mais Abbas et Netanyahu tentent tous deux d’arracher une contrepartie en échange de la prolongation des négociations au-delà de la date butoir du 29 avril.
Le sort de Jonathan Pollard en attente
Si le porte-parole de la Maison Blanche Jay Carney a déclaré mardi soir que le président Barack Obama n’avait pas encore rendu sa décision sur la grâce de l’espion israélo-américain Jonathan Pollard – qui purge une peine de réclusion à perpétuité dans une prison de Caroline du Nord – un accord tripartite assurant la poursuite des pourparlers semble pourtant émerger.
Des responsables israéliens et américains ont confirmé lundi qu’une proposition d’accord prévoyant la libération de Pollard en échange d’un gel partiel des constructions dans les implantations et de la libération de 400 prisonniers palestiniens supplémentaires en plus du dernier contingent de prisonnier déjà prévu, était toujours en discussion.
Ce compromis contraindrait Abbas à rester à la table des négociations jusqu’en janvier 2015.
En cas d’accord, Netanyahu devra affronter une forte opposition interne, une telle démarche devant obtenir l’aval du cabinet.
Le vice-ministre de la Défense Danny Danon a menacé de démissionner si d’autres prisonniers devaient être libérés et a appelé ses collègues à rejoindre sa démarche.
Plusieurs autres ministres ont vivement protesté contre la conclusion d’un tel accord incluant Pollard.
Néanmoins, si Netanyahu parvient à obtenir la grâce pour Pollard après trois décennies de réclusion, il arracherait dans ce cas un premier succès concret depuis la relance des pourparlers directs.
Il n’est un secret pour personne que le Premier ministre ne nourrissait pas de grands espoirs quant à une reprise des pourparlers de paix avec Abbas.
Et pourtant, en raison des pressions intenses exercées par Washington, il était prêt à payer le prix fort en consentant à la libération de plus de cent terroristes pour ramener les Palestiniens à la table des négociations.
Si Pollard est libéré, il aura réussi là où tous les premiers ministres israéliens successifs ont échoué, à commencer par Yitzhak Rabin.
Le simple fait que Washington envisage de libérer Pollard souligne la grave crise traversée par le processus de paix.
Selon de nombreux experts, les Etats-Unis conservaient Pollard comme la monnaie d’échange clé, la dernière carte à jouer, l’as ultime, à sortir de leur manche pour contraindre Israël à se résigner à une concession cruciale lors des futures discussions sur un accord final.
Que l’administration Obama se montre enclin à renoncer à Pollard à ce stade précoce en dit long.
En effet, les Américains agissent par « désespoir diplomatique », accuse l’ancien ambassadeur américain en Israël, Dan Kurtzer, dans un éditorial publié mardi.
Il exhorte Obama à ne pas « rabaisser la diplomatie américaine » en libérant « un espion condamné pour obtenir un demi- accord conclu uniquement afin de gagner du temps dans un processus de paix qui semble dans tous les cas s’enliser ».
Plusieurs autres voix assurent que la libération de Pollard resterait une noble cause si la démarche permet de sauver les pourparlers.
« D’aucuns diront que si [Pollard] a tant d’importance, nous devrions obtenir quelque chose qui a de la valeur pour sa libération », écrit Dennis Ross, un ancien diplomate américain.
« Peut-être. Mais au moment où le Moyen Orient est secoué par tant de bouleversements et que la politique étrangère des États-Unis doit démontrer son efficacité, nous ne pouvons pas nous permettre l’effondrement des efforts actuels de négociation entre Israéliens et Palestiniens »
Pourtant, même si Netanyahu parvient à arracher l’accord de son cabinet pour prolonger les négociations, et qu’Abbas accepte de suivre, les chances que ces pourparlers aboutissent à un accord de paix restent proches de zéro.
En définitive, que Pollard soit libéré ou non, le maximum que Netanyahu est disposé à offrir est et sera toujours trop éloigné du minimum qu’Abbas est prêt à accepter.