Israël en guerre - Jour 572

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Analyse

Même en faisant ami-ami avec les Saoudiens, Israël doit résoudre la question palestinienne

Il semble prématuré d'affirmer que Ryad est disposé à établir des relations économiques avec Israël, mais le coup de pouce de l'administration américaine pourrait annoncer une normalisation

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le roi Salmane d'Arabie saoudite (Crédit : Capture d’écran New York Times)
Le roi Salmane d'Arabie saoudite (Crédit : Capture d’écran New York Times)

À entendre le Premier ministre Benjamin Netanyahu, un réchauffement des liens entre Israël et la totalité du monde arabe est imminent, s’il n’est pas déjà en cours.

Cette semaine, Netanyahu a souvent affirmé que les états sunnites modérés sont disposés à enterrer la hache de guerre avant même que Jérusalem ne signe un accord de paix avec les Palestiniens, une affirmation qui a reçu le soutien des médias, qui auraient révélé des négociations entre Israël et l’Arabie saoudite sur l’établissement de relations économiques officielles.

Mais la voie vers des traités de paix est longue et ardue, selon les experts. Les dirigeants arabes n’ont, pour le moment, que très peu d’intérêt à faire monter d’un cran leurs relations secrètes avec Israël, qui pour l’instant, concernent le partage de renseignements et les mesures anti-terroristes.

Même ceux qui adoptent un point de vue plus optimiste et voient l’insistance de l’administration américaine pour les négociations israélo-palestinienne comme une authentique opportunité pour Ryad d’entamer une normalisation de ses liens avec Jérusalem, disent que cela n’arrivera pas si Israël ne montre pas qu’il envisage sérieusement de faire la paix.

Samedi, le Times londonien a parlé d’une « mesure dramatique qui placerait l’État juif sur la voie de la normalisation de ses relations avec le bastion de l’islam sunnite et le gardien des deux villes musulmanes sacrées ».

L’article, qui citait des sources arabes et américaines restées anonymes, a souligné qu’initialement, cette normalisation se manifestera par l’ouverture de l’espace aérien saoudien à l’aviation israélienne et l’autorisation aux commerces israéliens d’opérer sur son territoire.

Dans le contexte du boycott anti-Israël exercé par les États du Golfe depuis 70 ans – Jérusalem considère toujours officiellement l’Arabie saoudite comme un pays ennemi et interdit à ses citoyens de s’y rendre – ces petits pas ressemblent bien à une révolution. Même avant l’article du Times londonien, pendant des semaines, le président américain Donald Trump a nourri les spéculations sur un accord régional à grande échelle qui inclurait le pragmatique camp sunnite, comme l’a fait Netanyahu.

« De nombreux pays changent rapidement d’attitude envers Israël. Et je dois dire que nulle part ailleurs, nulle part, les choses se passent aussi drastiquement et aussi rapidement que dans le monde arabe », avait déclaré Netanyahu lors d’une conférence en Afrique occidentale.

« De nombreux pays arabes ne voient plus Israël comme leur ennemi. Ils voient Israël comme leur allié, je dirais même comme leur allié indispensable dans la lutte contre le terrorisme, et dans un futur placé sous le signe de la technologie et de l’innovation.

Le président américain Donald Trump et le roi d'Arabie saoudite Salmane ben Abdel Aziz al-Saoud pendant une cérémonie à la Cour royale saoudienne à Riyad, le 20 mai 2017. (Crédit : Mandel Ngan/AFP)
Le président américain Donald Trump et le roi d’Arabie saoudite Salmane ben Abdel Aziz al-Saoud pendant une cérémonie à la Cour royale saoudienne à Riyad, le 20 mai 2017. (Crédit : Mandel Ngan/AFP)

Mais il y a un pas à franchir entre voir Israël comme un allié pour la lutte anti-terroriste et l’ouverture d’une ambassade israélienne en plein coeur de Ryad, – tant que la question palestinienne n’est pas résolue et que l’État juif fait l’objet de critiques virulentes dans le monde arabe, modéré ou non.

Plusieurs analystes qui se sont penchés sur les relations israélo-arabes ont affirmé que les Saoudiens et les autres pays du Gofe insisteront pour travailler avec Israël à huis-clos, et refuseront d’officialiser ces liens tant que le problème palestinien n’est pas résolu.

« Sans une évolution significative du processus de paix, il n’y aura pas de changement qualitatif dans les relations avec l’Arabie saoudite », a soutenu Joshua Teitelbaum, chercheur au Begin-Sadat Center for Strategic Studies.

Rejetant les sources anonymes citées par le Times londonien, il affirme que de tels articles servent les intérêts d’Israël. « Ils tentent de démontrer que le jeu des Palestiniens n’est pas le seul en cours. Et cela exerce une pression sur Abu Mazen », a-t-il dit, en référence au président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas.

« Pourquoi les saoudiens achèteraient-ils la vache s’ils peuvent avoir le lait gratuitement ? »

De tels articles peuvent être perçus comme des ballons d’essais pour jauger le ressenti de la population arabe à une alliance ouverte avec Israël. Mais sans progrès net sur le front palestinien, le statu quo suffit amplement pour Ryad, a ajouté Teitelbaum.

« Pourquoi les Saoudiens achèteraient-ils la vache s’ils peuvent avoir le lait gratuitement ? », s’interroge-t-il, laissant entendre qu’Israël fournit l’Arabie saoudite en renseignement et en assistance sécuritaire sans qu’il n’y ait besoin de faire des déclarations publiques.

« Je ne vois pas les leaders saoudiens, qui affrontent la menace de l’État islamique et des Frères musulmans et qui sont défiés par une élite conservatrice dans le pays, accepter d’ouvrir un bureau économique israélien à Ryad », a-t-il dit. « Je ne vois pas pourquoi. Cela n’en vaut pas la peine pour eux. »

Des relations diplomatiques complètes entre Ryad et Jérusalem, sur le modèle du traité de paix entre l’Égypte et la Jordanie, restent « improbables » selon Gregoy Gause, un expert en politique arabe à la Texas A&M University.

« Je suis sûr qu’il se passe plein de choses en coulisses, notamment des mesures anti-Iran. Mais ce n’est pas nouveau. »

D’autres, cependant, affirment que les Saoudiens pourraient ne pas insister en faveur d’un traité de paix israélo-palestinien signé et mis en œuvre avant de parler de normalisation des relations, parce que les deux phénomènes se déroulent parallèlement.

Gregory Gause (Crédit : Sally McCay/université du Vermont)
Gregory Gause (Crédit : Sally McCay/université du Vermont)

Le simple fait que Trump tente de relancer les pourparlers – deux de ses plus proches conseillers sont en Israël cette semaine pour négocier avec Jérusalem et Ramallah – pourrait potentiellement être à l’origine d’une normalisation arabo-israélienne, selon Yoel Guzansky, expert des monarchies du Golfe à l’Institut des Études pour la Sécurité intérieure de Tel Aviv.

« Il y a de la fumée, mais pas encore de feu », a affirmé Guzansky.

La vision d’une détente arabo-israélienne de Netanyahu précédant celle d’un accord de paix avec les Palestiniens, est souvent qualifiée d’approche « de l’extérieur vers l’intérieur », contrairement aux visions traditionnelles, « de l’intérieur vers l’extérieur », qui promettaient à Israël des relations complètes avec la quasi-totalité du monde arabe après la signature d’un accord de paix sur un statut final.

À la lumière de l’empressement de Trump à relancer les négociations israélo-palestiniennes, une double approche – « de l’extérieur vers l’intérieur et de l’intérieur vers l’extérieur parallèlement » – pourrait fonctionner, a supposé Guzansky. « Les négociations commenceront et les pays du Golfe entreprendront des mesures positives vis-à-vis de Jérusalem. »

Dan Shapiro, l’ancien ambassadeur américain en Israël, pense aussi qu’une progression sur le dossier palestinien coïncidera avec une détente arabo-israélienne.

« Les pays du Golfe ont intérêt à ouvrir leurs relations à Israël. Cela construit l’alignement stratégique qui a donné aux pays du Golfe et à Israël les mêmes adversaires », a déclaré Shapiro, membre de l’Institut des Études pour la Sécurité intérieure de Tel Aviv lundi.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu salue l'ambassadeur américain Dan Shapiro, en avril 2013. (Crédit : Flash90)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu salue l’ambassadeur américain Dan Shapiro, en avril 2013. (Crédit : Flash90)

« Cela dit, il est difficile d’imaginer les pays arabes du Golfe, et en particulier les Saoudiens, faire un geste vers la normalisation, à moins qu’ils ne puissent montrer du doigt des mesures concrètes qui leur assurent la garantie d’une solution à 2 États qui répond aux espoirs des Palestiniens pour l’indépendance, un état qui leur soit propre, dans le cadre d’un package qui donne à Israël la reconnaissance et la sécurité. »

Ces processus, a ajouté Shapiro, « sont plus susceptibles d’avancer en parallèle plutôt qu’en séquence ce qui implique d’abord une normalisation avec le monde arabe, et ensuite seulement, une clarification de la solution à 2 États ».

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