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Mise en garde exceptionnelle du chef du Shin Bet contre les discours violents

Citant une recrudescence de la haine sur la Toile, Argaman somme les responsables de s'exprimer contre la violence sur fond de possible arrivée du gouvernement anti-Netanyahu

Le chef du Shin Bet, Nadav Argaman, assistant à une réunion de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, à Jérusalem, le 6 novembre 2018. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)
Le chef du Shin Bet, Nadav Argaman, assistant à une réunion de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, à Jérusalem, le 6 novembre 2018. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

Dans une – rare – déclaration, le dirigeant des services de sécurité intérieure du Shin Bet, Nadav Argaman, a mis en garde samedi contre les incitations à la violence et les discours de haine qui se multiplient sur les réseaux sociaux, disant qu’ils risquaient d’entraîner des violences politiques.

Cet avertissement sortant de l’ordinaire survient alors que l’arrivée du « gouvernement du changement » au pouvoir, qui viendrait remplacer le Premier ministre Benjamin Netanyahu, devient de plus en plus probable.

« Nous avons récemment identifié une augmentation grave et une radicalisation des discours d’incitation à la violence et des discours de haine, en particulier sur les réseaux sociaux », a affirmé Argaman qui a averti que de tels propos tenus sur internet pouvaient amener certains groupes ou individus à passer à l’action violente et à s’en prendre physiquement aux autres citoyens.

« Ces discours peuvent être interprétés par certains groupes ou individus comme une incitation au passage à l’action violente ou illégale et ils pourraient même entraîner des agressions », a-t-il dit.

Avec l’arrivée de plus en plus possible du dit « gouvernement du changement », le discours de droite, sur les réseaux sociaux, a pris une tonalité de plus en plus inquiétante – avec des déclarations affirmant de manière fréquente que cette union conclue entre la droite, le centre et la gauche pourrait porter préjudice à Israël et entraîner une période obscure pour le pays.

Des mouvements de protestation furieux ont par ailleurs été organisés aux abords des habitations des politiciens, des affiches politiques ont été brûlées et des accusations de « trahison » ont fleuri via les réseaux sociaux et par le biais des médias traditionnels.

Les leaders de la formation de droite Yamina, Naftali Bennett et Ayelet Shaked, subissent actuellement les attaques intenses des autres partis de droite pour leur décision d’intégrer la coalition et leur sécurité a été renforcée suite à des menaces.

Netanyahu, pour sa part, a déclaré que le nouveau gouvernement mettait en péril la terre d’Israël, l’État d’Israël et l’armée israélienne.

Argaman a indiqué que les politiciens, les leaders d’opinion, les personnalités religieuses et les éducateurs issus de l’ensemble du spectre politique devaient condamner la violence sans ambiguïté.

Les participants à une manifestation contre le « gouvernement du changement » devant la maison de la députée de Yamina Ayelet Shaked, près de Tel Aviv, le 3 juin 2021. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

« Il est de notre devoir de lancer un appel clair et décisif en faveur de l’arrêt immédiat des discours d’incitation, de haine et de violence. La responsabilité de faire preuve de retenue dans nos paroles nous incombe à tous », a-t-il ajouté.

La Treizième chaîne a fait savoir que les responsables de la sécurité s’inquiétaient de possibles « violences physiques » à l’égard de Bennett, qui devrait être le chef du gouvernement désigné de la coalition, ainsi qu’à l’égard des membres du parti Yamina – « des sionistes religieux qui font actuellement l’objet d’appels à la violence ».

Un responsable de la sécurité, qui a conservé l’anonymat, a déclaré à la chaîne que « nous connaissons bien cela : Quelqu’un lit un contenu fustigeant le nouveau gouvernement prévu et pense devoir ‘sauver le pays’ – partant du principe que si le gouvernement du changement voit le jour alors le projet sioniste sera terminé – et il passe alors à l’action ».

Argaman et le Shin Bet redoutent qu’un individu « interprète mal » les critiques du nouveau gouvernement, a continué la chaîne, et qu’il « se saisisse d’une arme, qu’il mène une action violente et qu’il blesse Bennett ou l’un des autres députés » qui siègeront au sein du gouvernement du changement.

Selon le reportage, le Shin Bet n’a pas eu d’alerte spécifique concernant d’éventuelles menaces concrètes faites à Bennett ou à d’autres membres de sa formation, mais Argaman aurait toutefois choisi de tirer la sonnette d’alarme parce que « nous nous rapprochons de plus de plus de 1995, dans ces mois qui avaient précédé l’assassinat de Rabin ».

Argaman a lancé cette mise en garde, a continué la chaîne, dans un contexte de contrôle en cours, par le Shin Bet, « des discours sur les réseaux sociaux » – et l’agence a noté « une recrudescence très significative, ces derniers jours, des références à une ‘trahison contre l’État’ et à ‘l’impératif ostensible de sauver l’État du gouvernement du changement’. »

Au cours des manifestations qui ont eu lieu aux abords des habitations des membres de Yamina, la semaine dernière, certains ont dit que l’initiative prise par Bennett d’entrer dans une coalition aux côtés du parti Yesh Atid, centriste, et du parti islamiste Raam s’apparentait à une « traîtrise ».

Des militants de droite scandent des slogans et tiennent des pancartes lors d’une manifestation contre la possibilité que le parti Yamina fasse partie d’un nouveau gouvernement, à Tel Aviv, le 30 mai 2021.
Sur les pancartes, on peut lire : Gauchistes. Traîtres. (Crédit : AP Photo/Sebastian Scheiner)

Les incitations à la haine – et en particulier l’usage du terme « traître » – sont une question très sensible au sein de l’État juif dans la mesure où cette accusation avait été lancée par les manifestants de droite contre le Premier ministre Yitzhak Rabin avant son assassinat, en 1995, par un Juif d’extrême-droite. Les incitations à la haine contre Rabin – qui, selon ses détracteurs, s’était rendu coupable de trahison – avaient été considérées comme ayant contribué au passage à l’acte de son assassin, Yigal Amir.

Le Premier ministre s’exprime à Césarée en implorant ses adversaires politiques de droite de ne pas rejoindre « un gouvernement de gauche » avec Yair Lapid, de Yesh Atid, le 28 mai 2021. (Capture d’écran/Twitter)

Vendredi, Netanyahu a publié un message, sur Twitter, faisant référence au passage hebdomadaire de la Torah et aux tentatives de former un gouvernement l’écartant du pouvoir en invoquant le récit biblique des espions qui avaient cherché à affaiblir « l’esprit du peuple ».

« Dans notre lecture de la Torah, cette semaine, nous lisons un texte consacré aux espions – ces représentants du peuple israélien qui avaient donné des informations mensongères sur la Terre et qui avaient affaibli l’esprit du peuple par seul souci de leurs intérêts personnels », a-t-il écrit.

« Deux membres de ce groupe n’avaient pourtant pas accepté de mentir. Yehoshua Bin-Nun et Calev Ben-Yefuneh avaient contredit les autres et ils avaient assuré au peuple d’Israël que : ‘La Terre que nous avons traversée et explorée est incroyablement belle’. »

« La Terre est incroyablement belle – et pour nous aussi, dans notre génération, à notre ère, ceux qui ont été élus avec les votes de la droite doivent se dresser pour faire la seule chose juste : Établir un gouvernement fort, un bon gouvernement de droite qui protègera la Terre d’Israël, les citoyens et l’État d’Israël », a-t-il indiqué.

(A l’exception de Yehoshua et Calev, les espions avaient succombé ensuite à une épidémie).

« Il semble que nous n’ayons pas tiré les leçons du passé », a répété de son côté le ministre de la Défense, Benny Gantz, sur Twitter après l’avertissement lancé par le Shin Bet, se référant à l’assassinat de 1995.

« Tous ceux qui tentent de nier la légitimité du processus démocratique de base et qui soufflent sur les braises des incitations à la haine et à la violence devront en assumer la responsabilité », a poursuivi Gantz, ajoutant qu’il demandait à tous – et en particulier aux responsables publics – de les condamner sans équivoque.

Le membre du Likud et ministre des Finances Israel Katz a déclaré se joindre à cette mise en garde contre les violences. « On peut avoir des désaccords profonds sans franchir des limites dangereuses. C’est de notre responsabilité à tous de nous en abstenir », a noté Katz.

Pour sa part, la députée de Yesh Atid, Merav Ben Ari, a écrit sur Twitter : « Aucun député ne devrait être amené à traverser cela et les violences à l’encontre de ces parlementaires viennent tout droit de la résidence du Premier ministre ».

Pour sa part, le leader du Parti sioniste religieux, Bezalel Smotrich, a choisi de répondre avec dédain à l’alerte du Shin Bet.

« Il y a quelques semaines, des citoyens juifs ont été tués et blessés ici, dans de graves émeutes fomentées par un grand nombre d’Arabes en Israël. Le Shin Bet, placé sous votre autorité, ne s’y attendait pas, n’a émis aucune alerte préalable concernant ce qui allait arriver », a écrit sur Twitter celui qui est à l’origine de nombreuses manifestations à l’encontre des députés Yamina. « Les Israéliens méritent d’avoir une explication et de savoir où vous étiez et comment vous avez pu manquer les incitations et le nationalisme qui ont précédé ces émeutes ».

La ministre des Transports du Likud, Miri Regev, a juré de « continuer à protester contre le vol des votes de droite de manière démocratique et de manière digne, sans violence ». Elle a aussi déploré une « censure » et une « violation du droit à manifester » présumés, « avec la volonté de dépeindre le camp de droite tout entier comme étant violent et dangereux ».

La coalition de huit partis qui vise à remplacer Netanyahu devrait probablement parvenir à obtenir la majorité nécessaire lors d’un vote de confiance à la Knesset qui pourrait se tenir le 9 ou le 14 juin. Selon des reportages diffusés vendredi à la télévision, les membres du « bloc du changement », qui est dirigé par le Premier ministre désigné Bennett et par le dirigeant de Yesh Atid, Yair Lapid, estiment que la prestation de serment du nouveau gouvernement aura bien lieu.

Un photo-montage montre les leaders des formations du dit « gouvernement du changement » que le chef de Yesh Atid, Yair Lapid, a annoncé avoir formé en date du 2 juin 2021. (Crédit : Flash90)

Jeudi matin, le Shin Bet a fait savoir que son unité chargée de protéger les hauts-responsables de l’État – l’Unité 730 – avait encore renforcé la sécurité autour de Bennett, qui deviendrait Premier ministre dans le cadre du gouvernement d’unité. Sa protection avait déjà été renforcée, le mois dernier, suite à des menaces de morts, avait fait savoir la formation à ce moment-là.

La semaine dernière, la Garde de la Knesset a aussi opté pour une protection rapprochée de la numéro deux de Yamina, la parlementaire Ayelet Shaked, face aux menaces proférées par des activistes de droite.

Le députée du Meretz Tamar Zandberg lors d’une réunion de faction à la Knesset, le 26 avril 2021. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Mardi, c’est Tamar Zandberg, parlementaire du parti du Meretz, qui a quitté son domicile en compagnie de sa famille suite à des menaces proférées à son encontre et à l’encontre de son bébé, une petite fille, suite à la publication d’informations mensongères au sujet de sa proposition de loi visant à restreindre le prosélytisme exercé sur les mineurs.

Samedi, Zandberg a estimé que le message du Shin Bet « fait directement référence à Netanyahu et à son entourage, qui font fonctionner une machine de haine bien huilée qui, il est impossible d’en douter, pourrait mener au meurtre ».

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