Mort de Jim Carr, député canadien très inspiré par sa judéité
Il avait dirigé une mission en Israël en 2018. L’antisémitisme qu’il avait connu, adolescent, avait fait de lui un avocat du rapprochement entre Juifs et Musulmans
JTA – Peu de temps avant de mourir d’un myélome – un cancer du sang -, Jim Carr avait donné une interview au radiodiffuseur national canadien, la CBC.
Le député libéral juif de Winnipeg souhaitait évoquer l’adoption d’un projet de loi dont il était l’auteur, en faveur d’une économie respectueuse de l’environnement dans la province des Prairies qui l’avait vu grandir.
Il a également évoqué ce pays qu’il avait représenté, au sein du gouvernement du Premier ministre canadien Justin Trudeau, et qu’il avait contribué à promouvoir en qualité de ministre de la Diversification du commerce international de 2018 à 2019.
« Physiquement pas génial », a-t-il répondu au journaliste qui lui demandait comment il se sentait, « mais émotionnellement vraiment, vraiment solide et reconnaissant d’avoir la chance de continuer à oeuvrer pour mon pays. J’aime chaque mètre carré de ce pays, que ce soit en anglais, en français, dans les langues autochtones — j’aimerais pouvoir en parler davantage — dans la langue des nouveaux immigrants. J’aime aussi tout ce que cela représente pour le Canada et les Canadiens. »
Cette identité qui était la sienne renvoyait directement à sa judéité.
« Impossible pour moi de séparer mes valeurs et opinions politiques de Canadien et de membre de la communauté juive », confiait-il au Canadian Jewish News lorsqu’il avait été élu pour la première fois au Parlement fédéral en 2015.
Carr s’est éteint à l’âge de 71 ans, le 12 décembre dernier, quelques jours après l’adoption par les députés canadiens de son projet de loi, Building a Green Prairie Economy [Vers une économie verte pour les Prairies].
Des députés de tous bords ont salué la mémoire d’un modéré attaché à trouver un consensus avec ses rivaux pour le bien de son pays.
Carr s’était exprimé au Parlement le jour de l’adoption de ce projet de loi. Dans son allocution, il s’était aventuré au-delà du sujet strictement économique pour faire l’éloge des traditions canadiennes de modération et coopération, fragilisées ces dernières années par une forte polarisation de la société.
« Permettre à toutes les sensibilités de s’exprimer, d’une manière réfléchie et respectueuse de tous, même dans la dissidence, est l’une des caractéristiques principales des démocraties. C’est ce qui permet de renforcer le tissu national, tissé comme à partir de tous ces petits fils, et ce qui fait du Canada un exemple pour le monde entier », avait-il déclaré.
« Les ressources, naturelles et humaines, supposent de grandes responsabilités les uns envers les autres et envers le monde dans son entier. Comment ne pas se sentir humble face à la grandeur de ce magnifique pays ? »
Trudeau a essuyé quelques larmes lors d’une conférence de presse de fin d’année avec la Presse canadienne, un service de dépêche, sur la question du décès de Carr.
La contribution de Carr à l’action de son gouvernement – il avait occupé plusieurs postes de 2015 à 2021 – , était imprégnée « d’une réelle passion pour le pays et d’une envie de conjuguer toutes les sensibilités pour exprimer ce qui fait la grandeur du Canada ».
Carr était le fils d’immigrants juifs russes de la communauté juive très unie de Winnipeg. Il avait coutume de dire que l’éducation juive qu’il avait reçue et l’antisémitisme auquel il avait fait face à l’adolescence avaient fait de lui ce qu’il était et l’avaient inspiré dans son combat pour rapprocher Juifs et Musulmans canadiens.
Il avait été membre du caucus judéo-musulman du Parti libéral et avait fondé le Dialogue arabo-juif de Winnipeg.
En qualité de ministre de la Diversification du commerce, il s’était trouvé à la tête d’une mission en Israël en 2018. « Je suis ravi de représenter le Canada, en ma qualité de député juif et de membre juif du gouvernement », déclarait Carr au Canadian Jewish News lors de cette mission.
I had a productive visit to Israel & the West Bank in Sept, where I attended an Innovation Festival, met @OurCrowd, @lgbtech, Ministers Eli Cohen, @steinitz_yuval & H.E. Shukri Bishara, and many more. #12DaysOfTrade #TimeToDiversify #CIFTA ⚡️Highlights:https://t.co/YVs9AKObvC
— Jim Carr (@jimcarr_wpg) December 5, 2018
Carr avait siégé à l’Assemblée législative du Manitoba de 1988 à 1992 et été directeur général d’un certain nombre de groupes, dont le Business Council of Manitoba. Il était apprécié dans toute la province.
Trudeau lui avait proposé de se présenter aux élections dans le cadre de son projet – couronné de succès – de redonner le pouvoir aux libéraux en 2015.
En dépit de sa longue carrière politique, Carr n’a jamais oublié sa première vocation, celle de hautboïste dans l’Orchestre symphonique de Winnipeg.
Marc Garneau, collègue libéral du Québec et ex-astronaute, a « salué la mémoire » de Carr sur Twitter.
« Il m’avait demandé si j’avais emmené de la musique dans l’espace : je lui avais répondu que j’avais pris le concerto pour hautbois d’Alessandro Marcello », rappelle Garneau. « Il m’avait alors dit qu’il jouait du hautbois et c’est là qu’était née l’idée qu’il joue le 2e mouvement au caucus national libéral. Il était excellent. »