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Opinion

Mur Occidental : Pourquoi l’État d’Israël renonce encore à la sagesse de Salomon

Une coalition qui s'était engagée à faire avancer des questions consensuelles capitule - déplorablement - devant les extrémistes concernant la prière égalitaire dans ce lieu saint

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Les membres de la communauté Abuyudaya juive ougandaise en Israël lors d'un voyage Birthright organisé par MAROM participent à une cérémonie célébrant la consécration d'un nouveau rouleau de Torah au pavillon de prière égalitaire Ezrat Israel, au mur Occidental, le 27 août 2018 (Autorisation : MAROM)
Les membres de la communauté Abuyudaya juive ougandaise en Israël lors d'un voyage Birthright organisé par MAROM participent à une cérémonie célébrant la consécration d'un nouveau rouleau de Torah au pavillon de prière égalitaire Ezrat Israel, au mur Occidental, le 27 août 2018 (Autorisation : MAROM)

Pendant toutes les années de négociations laborieuses, profondes, qui avaient eu lieu sous la houlette du chef de l’Agence juive de l’époque Natan Sharansky – des pourparlers qui avaient débouché sur un accord, en 2016, qui avait été approuvé par le cabinet israélien placé sous l’autorité du Premier ministre Benjamin Netanyahu – les responsables israéliens et de la Diaspora avaient trouvé un arrangement qui avait permis d’organiser un accès au mur Occidental pour la prière qui répondait aux besoins de tous les courants du judaïsme.

Par chance, ils avaient été aidés, dans cette initiative, par le fait qu’il reste suffisamment de vestiges du mur de soutènement du Second Temple pour satisfaire à la prière de tous.

Et ainsi, ce qui avait été appelé le « compromis du mur Occidental » n’entraînait aucune perturbation des zones de prière masculine et féminine auxquelles la majorité du monde juif pense s’agissant du mur Occidental, tout en offrant un périmètre officiel et déterminé à celles et ceux qui voulaient prier côte à côte, un peu plus au sud, de l’autre côté du pont de Mughrabi – sur le chemin du mont du Temple, le lieu le plus saint du judaïsme.

Une structure rudimentaire avait bien été installée pour la prière pluraliste en 2013 par celui qui était ministre des Affaires de Jérusalem à ce moment-là, Naftali Bennett. Le compromis prévoyait que la zone serait élargie et que des représentants des courants non-orthodoxes du judaïsme assumeraient officiellement un rôle de supervision pour ce nouveau pavillon – leur toute première fonction officielle dans ce qui peut être qualifié crûment « de gestion du judaïsme » au sein de l’État juif, et toute première brèche effectuée dans le monopole orthodoxe de contrôle des pratiques religieuses.

Naftali Bennett, alors ministre des Affaires religieuses, inaugure une plateforme temporaire de prière égalitaire, au mur Occidental de Jérusalem, en août 2013. (Crédit : Ezra Landau/Flash90)

Mais un an après l’approbation de l’accord de compromis par une coalition qui intégrait alors les deux partis ultra-orthodoxes de l’État juif, le même gouvernement – le jour même où le Conseil d’administration de l’Agence juive s’était réuni à Jérusalem – avait annoncé qu’il avait « suspendu l’accord », une façon polie de dire qu’il l’avait abandonné. Cette annonce avait fait l’effet d’une bombe.

Le compromis, a déclaré Matan Kahana, ministre des Services religieux, au cours d’un entretien accordé au Times of Israel au début du mois dernier, avait été « accepté par tous les acteurs concernés – y compris par les ultra-orthodoxes, y compris par les rabbins ». Et cela avait été, a fait remarquer Kahana avec tristesse, « un groupe très extrémiste, pas ultra-orthodoxe » qui l’avait détruit en 2017. « Ils s’y sont opposés et les ultra-orthodoxes ont dû s’aligner », a-t-il regretté. Le gel de cet accord, a encore déploré Kahana dans notre interview, avait représenté « une brèche majeure dans nos liens avec les Juifs américains ».

Lorsque la nouvelle et très improbable coalition a pris le pouvoir au mois de juin – constituée de huit formations politiques aux idéologies très diverses, sans composante ultra-orthodoxe – le compromis du mur Occidental a été remis sur la table. Dans l’accord de coalition, les partis avaient précisé être déterminés à faire avancer l’accord « qui avait été annulé par le gouvernement de Netanyahu ».

Une proposition du « compromis du mur Occidental » montre une section pluraliste en bleu avec une section orthodoxe en violet (Crédit : JTA)

Le ministre des Affaires de la Diaspora, le Travailliste Nachman Shai, avait déclaré au mois d’août au Times of Israel que le retour du compromis du mur Occidental figurait « à l’ordre du jour du cabinet » et il a souligné qu’il profitait d’une claire majorité chez les ministres. Il a fait remarquer que Bennett, devenu chef du gouvernement, l’avait qualifié officiellement de « meilleure solution parmi toutes les autres ».

Le ministre Kahana, Juif orthodoxe et membre du parti Yamina de Bennett, a fait part du même point de vue dans notre interview du 9 novembre : « Nous devons faire en sorte de faire revivre cet arrangement qui avait largement fait consensus et mettre un terme à tous ces conflits [autour du mur Occidental] », nous a-t-il dit. « Revenons donc à cet accord qui avait été accepté par tous ».

Il a ajouté : « Le rabbin du mur Occidental n’y voit aucun problème. Je suis en contact constant avec lui. Il ne sera pas un obstacle ».

Le ministre de la Santé de l’époque, Yaakov Litzman, du parti Yahadout HaTorah, à droite, et le ministre de l’Intérieur Aryeh Deri, du Shas, aux côtés du rabbin du mur Occidental, Shmuel Rabinovitch, pendant une visite du pavillon de prière pluraliste au mur Occidental, dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 30 mai 2016. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid, pour sa part, a expliqué que le compromis du mur Occidental était « la bonne chose à faire du point de vue religieux et aussi du point de vue de la relation que nous entretenons avec la Diaspora ». Il avait indiqué lors d’une réunion de sa faction Yesh Atid à la Knesset, le 8 novembre, qu’il espérait que le compromis serait à nouveau d’actualité dans les semaines à venir.

Malgré tout ce soutien rhétorique, il est toutefois devenu évident, au cours des derniers jours, que le nouveau gouvernement va renoncer à sa promesse faite de ressusciter l’accord.

Bennett s’est plaint, ces dernières semaines, de ce que les opposants à son gouvernement faisaient de leur mieux pour politiser la question de la prière et de l’accès au mur Occidental, collectant « beaucoup d’argent » pour soutenir leur cause et tentant de saper la coalition. Apparemment intimidés par ces efforts, Bennett et ses collègues – et notamment Kahana – ont pris la décision de maintenir « la suspension » du compromis, voire de l’abandonner définitivement.

« Nous avons décidé de ne pas nous occuper de ça pour le moment, point final », aurait dit Kahana à ses conseillers, le week-end dernier. « On gèle tout pour le moment. On n’y touche pas ».

Quelques jours auparavant, lors d’un entretien qui a été diffusé sur la chaîne publique Kan, Kahana a fait allusion à cette volte-face imminente : « La vaste majorité des Juifs en Israël sont des Juifs orthodoxes et je ne pense donc pas que ce serait une bonne chose de donner le contrôle de certaines parties du mur Occidental à des courants qui ne représentent pas la vaste majorité des Juifs israéliens », a-t-il dit, une déclaration à la fois mensongère et qui rejette de manière impardonnable les responsabilités d’Israël en tant que foyer auto-proclamé des Juifs du monde entier.

Et confirmant ce renversement, Lapid a dit lors d’une réunion de faction de Yesh Atid, lundi dernier : « Je soutiens le compromis du mur Occidental mais on ne peut pas tout faire d’un seul coup ». Il a ensuite ajouté que « nous avons encore quatre ans pour gouverner – quatre années pendant lesquelles nous pourrons réaliser de grandes choses ».

Des hommes juifs ultra-orthodoxes manifestent alors que des membres du mouvement des Femmes du Mur organisent des prières de Rosh Hodesh au Mur occidental à Jérusalem, le 5 novembre 2021. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

En guise d’explication, Kahana aurait dit, en privé, que « le compromis du mur Occidental est au cœur d’une campagne d’incitations à la violence et de haine, en particulier de la part du Likud qui s’en est emparé et qui ne veut pas le lâcher. Nous ne pouvons pas entrer dans ce jeu ».

Mais la vérité, toutefois, c’est que ce sont le gel et la suspension continue de cet accord construit avec soin – et non l’accord lui-même – qui jouent le jeu des provocateurs. En abandonnant le compromis sur le mur Occidental, un gouvernement qui s’était engagé à faire avancer des dossiers consensuels abandonne une solution que tous les courants du judaïsme avaient reconnu comme viable, qu’ils avaient approuvé, et il cède devant ceux qui, de manière cynique, utilisent le lieu de prière le plus saint de tout le judaïsme pour attiser des conflits au sein de la communauté.

Les fidèles prient près du mur Occidental, le site de prière le plus saint de tout le Judaïsme, dans la Vieille Ville de Jérusalem, à Souccot, le 23 septembre 2021. (Crédit : Arie Leib Abrams/Flash90)

« Nous devons mettre un terme aux désaccords qui entourent la question du mur Occidental sans donner un contrôle quel qu’il soit à des courants qui ne représentent qu’une toute petite minorité de Juifs en Israël », a dit Kahana lors de son entretien avec la chaîne Kan.

A la place, son gouvernement offre le contrôle du mur Occidental aux extrémistes et aux manipulateurs politiques.

Et cette capitulation ne mettra nullement un terme aux désaccords et elle ne guérira en rien les divisions au sein de la communauté juive. Elle ne fera que discréditer le gouvernement et exacerber le conflit portant sur le lieu le plus saint où les Juifs peuvent prier.

Le compromis du mur Occidental était véritablement porteur d’une sagesse digne de Salomon, conçu et accepté par les membres de tous les courants du judaïsme qui sont authentiquement inquiets de leur foi et de leurs fidèles. Les objectifs de ses opposants, pour leur part, sont étroits, cyniques, intéressés. La nouvelle coalition – et c’est déplorable – a décidé une nouvelle fois de tourner le dos à cette sagesse.

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