Netanyahu a beau jubiler avec le sauvetage des otages, il sait que le plus dur est devant lui
Si l'audacieuse opération à Gaza a redonné le moral au pays, elle ne marquera sans doute pas un tournant pour les otages, compte tenu de l’obstination du Hamas
L’intervention pour sauver Noa Argamani, Shlomi Ziv, Almog Meir Jan et Andrey Kozlov, retenus en otage dans le camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, a été reportée à quatre reprises à la fin de la semaine dernière et au cours du week-end.
Le premier feu vert avait été donné jeudi soir, mais les forces spéciales ont attendu d’avoir plus de renseignements et aussi le moment opportun, d’un point de vu opérationnel parlant, pour se lancer à l’assaut, le samedi à 11 heures du matin.
C’est la troisième fois depuis le 7 octobre que les forces de l’ordre israéliennes remportent un grand succès opérationnel, adossé à de bons renseignements. Cela s’était déjà produit le 28 octobre 2023, avec le sauvetage d’Ori Megidish, en plein cœur de la bande de Gaza puis le 1er mai dernier, avec le sauvetage de Louis Har et Fernando Marman du camp de réfugiés de Shaboura à Rafah. On peut maintenant ajouter samedi, à Nuseirat.
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Mais aussi réussie que soit cette dernière opération, et aussi bienvenue que soit la joie qu’elle procure au pays tout entier, il est est peu probable qu’elle s’impose comme un véritable tournant. Le Hamas s’est sans doute empressé de renforcer ses mesures de sécurité autour des autres otages, voire de les déplacer vers de nouveaux lieux de détention.
Chaque opération de sauvetage se doit d’être préparée dans les plus infimes détails. Pour l’opération de samedi, la préparation remonte à plusieurs semaines, temps durant lequel plusieurs changements de localisation ont eu lieu.
Ces dernières semaines, le renseignement militaire et le Shin Bet ont fourni des données précises sur l’endroit où se trouvaient les quatre otages – jusqu’à leurs mouvements en temps réel –, ce qui a permis aux équipes d’extraction de s’entraîner dans les conditions du réel, en sachant à quoi ressemblaient les bâtiments à l’intérieur desquels les otages étaient séquestrés.
Sous couvert d’anonymat, une source militaire de haut rang qui a pris part à la préparation de l’opération a déclaré au Times of Israel que l’intervention de samedi n’était pas sans rappeler la légendaire opération Entebbe, en 1976, au cours de laquelle l’armée israélienne a sauvé une centaine d’otages enlevés en Ouganda.
Victimes palestiniennes
Les Palestiniens affirment que les forces israéliennes ont utilisé un camion d’aide humanitaire transportant des meubles pour entrer dans le centre de Nuseirat sans se faire remarquer, ce que l’armée israélienne a nié mais qui a alimenté des théories complotistes à Gaza selon lesquelles Israël et les pays arabes responsables de l’aide humanitaire avaient travaillé ensemble à la préparation de cette action militaire.
Les hélicoptères de Tsahal décollant de Gaza, avec à leur bord les otages, depuis la jetée construite par les États-Unis pour les besoins de l’acheminement de l’aide n’ont fait qu’alimenter ces théories.
Le Hamas s’est rapidement rangé derrière cette version. Toutefois, dans son communiqué, l’organisation terroriste n’a pas fait mention des États arabes, se bornant à évoquer la complicité présumée des États-Unis avec Israël.
Le Hamas a également rapidement propagé des informations sur les réseaux sociaux, puis les médias internationaux, affirmant qu’il y avait eu plus de 270 victimes palestiniennes, dont un grand nombre d’enfants et de femmes. Bien que ce chiffre soit à prendre avec précaution, il est logique qu’une opération militaire menée en plein cœur de Nuseirat, lieu très densément peuplé, ait causé des pertes civiles.
Face aux critiques internationales d’une grande sévérité, les services du porte-parole de Tsahal se sont empressés de rappeler aux médias étrangers la présence de membres du Hamas et d’otages en plein cœur de la population civile, que le Hamas utilise donc sciemment comme des boucliers humains.
Face à la féroce résistance des hommes du Hamas au moment de quitter le second bâtiment – là-même où les trois otages masculins étaient séquestrés -, ce sont les tirs de Tsahal – à la fois depuis le sol et depuis les airs – qui ont permis à l’équipe de secours et aux otages de s’échapper.
C’est à ce moment-là que la plupart des civils ont été blessés. C’est également à ce moment-là que l’inspecteur en chef Arnon Zmora a été mortellement blessé. Il est décédé peu après.
Profiter de l’occasion
Cette opération de sauvetage n’avait pas été avalisée par la totalité du cabinet de guerre, juste par le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Yoav Gallant.
On peut raisonnablement supposer que, dans la mesure où le ministre de la Guerre, Benny Gantz, était sur le point de quitter ce gouvernement de guerre, Netanyahu n’a pas jugé utile de lui en parler.
Pour Netanyahu, c’était un pari risqué : si l’opération avait échoué, il lui aurait été plus facile de partager la responsabilité de l’échec avec Gantz.
Quelques heures après la fin de l’opération, Gantz a révélé avoir été informé de l’opération avant son lancement ; le chef du Shin Bet, Ronen Bar, lui en aurait parlé jeudi soir.
Il savait qu’il ne lui serait pas possible d’annoncer son départ du gouvernement – et avec lui, celui de son parti – immédiatement après une telle opération, aussi Gantz avait-il prévu de donner une conférence de presse samedi soir, une fois l’ultimatum adressé à Netanyahu écoulé, afin de ne pas alerter le Hamas.
En revanche, Netanyahu ne s’est pas gêné pour exploiter le succès de cette opération pour ses propres relations publiques. Gallant s’est contenté d’une déclaration pour rendre hommage aux forces de sécurité, mais Netanyahu s’est rendu à l’hôpital Sheba, a fait des photos avec les familles et les ex-otages et s’est empressé de faire une déclaration à la presse à l’hôpital (sans poser de questions, bien sûr).
À ce jour, le Premier ministre n’a toujours pas personnellement présenté ses condoléances aux proches de Nadav Popplewell, Chaim Peri, Yoram Metzger et Amiram Cooper, les quatre otages déclarés morts quelques jours plus tôt.
La question est désormais de savoir quelles vont être les conséquence de ce sauvetage sur les négociations en vue de la libération des 120 otages toujours détenus par le Hamas à Gaza. Pour l’heure, les pourparlers sont suspendus, dans l’attente d’une réponse du Hamas à la dernière proposition israélienne, validée par le cabinet de guerre et présentée par le président américain Joe Biden.
Jusqu’à présent, le Hamas avait encaissé les précédentes opérations de sauvetage israéliennes et poursuivi les négociations. Mais il est tout à fait possible que le Hamas, piqué au vif et avec moins d’otages en sa possession, durcisse le ton.
La direction du Hamas a publié une annonce plutôt brève, une fois le choc de l’opération à Nuseirat passé : « Nous avons beaucoup d’otages. La libération de certains d’entre eux au bout de huit mois ne change rien à l’échec stratégique d’Israël. »
Israël ne s’attendait à rien d’autre qu’à de l’obstination de la part du Hamas, mais cette déclaration est un triste rappel de la réalité des choses – et des défis qui l’attendent.
L’armée israélienne devrait terminer son opération à Rafah dans les toutes prochaines semaines, et il est peu probable qu’elle mène finalement une opération de grande ampleur dans les deux autres camps de réfugiés – à savoir Nuseirat au centre de Gaza et Deir al-Balah.
Israël a fait des concessions dans sa dernière proposition, qui a reçu le soutien des États-Unis, du Qatar et de l’Égypte, mais sans le succès tant attendu. Le départ du gouvernement de Gantz, dimanche soir, réduit encore la marge de manœuvre de Netanyahu vis-à-vis des partis d’extrême droite qui composent sa coalition.
C’est peut-être la raison pour laquelle Netanyahu a demandé à Gantz de réfléchir et de rester au gouvernement, même s’il y a peu de chances que cela se produise.
Tout à la satisfaction de ce sauvetage réussi, samedi matin, Netanyahu n’en est pas moins conscient que l’avenir lui réserve des moments difficiles.
Traduction de l’hébreu d’un article publié par Zman Yisrael.
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