Netanyahu accuse la police d’extorquer de « faux témoignages » à des témoins de l’État
De retour à la barre après plusieurs semaines suite à son intervention chirurgicale, le Premier ministre s'est dit "très déçu" que les juges aient refusé d'annuler des audiences pour raison médicale
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

En déposant, lundi, au titre de son procès pénal après une interruption de près d’un mois, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a accusé la police et les enquêteurs d’avoir extorqué de « faux témoignages » – qui lui sont défavorables – à des témoins clés.
C’est en colère que Netanyahu a dit que, selon lui, des aspects essentiels de cette affaire reposaient sur des témoignages obtenus de manière irrégulière de la part de témoins comme ses anciens assistants Nir Hefetz, Ari Harrow ou encore Shlomo Filber.
Comme lors des précédentes audiences, Netanyahu et son avocat Amit Hadad se sont concentrés sur des énonciations de l’acte d’accusation qui, selon le témoignage de Netanyahu et les affirmations de Hadad, sont factuellement inexactes.
Il s’agissait, lundi, du septième jour de déposition de Netanyahu, après une interruption au cours de laquelle le Premier ministre a subi une intervention chirurgicale pour l’ablation de la prostate.
L’habituelle barre des témoins a cédé la place à une table pour permettre à Netanyahu de s’asseoir pendant toute la durée de sa déposition, conformément à ce que son avocat a qualifié de recommandations médicales proscrivant toute agitation prolongée.
Le médecin personnel du Premier ministre a assisté à l’audience.

Netanyahu dépose actuellement devant le tribunal de district de Tel Aviv pour se défendre des accusations de corruption, fraude et abus de confiance portées contre lui dans le cadre de l’affaire 4000.
Selon l’acte d’accusation, Netanyahu aurait conclu une entente illégale assortie de contreparties avec le propriétaire du site Walla, Shaul Elovitch, en vertu de laquelle Walla se serait engagé à assurer à Netanyahu une couverture médiatique favorable en échange de la validation par le Premier ministre d’actes réglementaires favorables à Elovitch.
En début d’audience, Netanyahu a protesté contre la décision des juges de ne pas accepter sa demande, formulée par ses avocats, de ne tenir qu’une audience cette semaine en raison de complications post-opératoires et de ce que le Premier ministre a présenté comme un besoin de surveiller les événements en cours au Liban ainsi que la libération des otages.
« Votre décision m’a beaucoup déçu… Je demande une prise en compte des circonstances, comme n’importe quel autre justiciable », a dit Netanyahu aux juges.
Le Premier ministre n’a pas demandé d’interruption pour raisons médicales, mais il a quitté la salle d’audience à trois reprises pour régler des questions gouvernementales suite à la remise de notes en séance.
Au cours de l’audience, le Premier ministre a tenté de dissiper les rumeurs selon lesquelles il serait gravement malade en disant qu’il n’avait ni cancer du pancréas ni aucune autre « maladie terminale ».
Il a déclaré : « Les maladies que j’ai, vous les connaissez, le public les connait, elles vous sont communiquées. »
Bien qu’une grande partie de l’audience ait été consacrée aux effets de l’entente assortie de contreparties reprochée à Netanyahu dans sa relation à Elovitch, Hadad a aussi demandé à Netanyahu de dire un mot sur la fiabilité des témoignages clés de personnages officiels contre lui.
Hadad s’est en particulier concentré sur l’ex-porte-parole de Netanyahu devenu témoin de l’État, Hefetz, auquel Netanyahu a reproché d’avoir, sans le dire, enregistré des conversations dans son bureau et fait un faux témoignage sous la pression des services de police et d’enquête.
En 2021, Hefetz s’était plaint des conditions difficiles de sa détention, notamment la privation de sommeil, le manque de nourriture et les conditions insalubres, jusqu’à ce qu’il accepte de témoigner.
Devant le tribunal, il avait toutefois dit avoir accepté de témoigner contre Netanyahu, non du fait de pressions policières mais parce que le Premier ministre l’avait abandonné.

Lors de son témoignage concernant l’affaire 4000, Hefetz a indiqué avoir organisé des appels et réunions entre Netanyahu et Elovitch pour faire avancer l’entente présumée illégale en vertu de laquelle Walla aurait octroyé au Premier ministre une couverture médiatique favorable en échange de faveurs réglementaires profitables, sur le plan commercial, à Elovitch.
« [Hefetz] n’était pas une personne en laquelle j’avais confiance, je ne lui donnais pas accès à tout », a déclaré Netanyahu au tribunal. « Il y a eu des fuites assez massives de la part de mes services. Je pensais qu’elles pouvaient venir de lui. Elles ont eu lieu après son arrivée [dans les services du Premier ministre]. »
S’agissant des pressions physiques supposément exercées sur Hefetz, Netanyahu a déclaré que la police l’avait mis dans un lit avec des punaises de lit, privé de sommeil et « manifestement fait des choses plus violentes encore pour lui pourrir la vie ». Il s’agit là d’allusion aux menaces que la police aurait agitées de révéler l’existence d’une liaison extraconjugale.
« C’est ce qu’ils ont fait à mes [ex-assistants] Ari Harrow et [Shlomo] Filber, ils les ont forcés à faire de faux témoignages – c’est ce qui s’est passé », a déclaré Netanyahu, affirmant en avoir voulu dans un premier temps à Hefetz d’avoir témoigné contre lui avant « de comprendre ce qu’il avait enduré et qu’il n’avait pas eu d’autre choix que de mentir ».
Plus tôt lors de cette audience, Hadad a interrogé Netanyahu sur ce qu’il a qualifié de contacts réguliers de l’ancien Premier ministre, Yitzhak Rabin, avec les médias conçus pour contrôler ce qui pouvait se dire ou s’écrire au sujet de son action politique.
Le Premier ministre s’est lancé dans une longue diatribe contre l’accusation et les accusations portées contre lui en expliquant qu’il était normal pour un Premier ministre de tenter d’influencer les médias et que l’affirmation de l’acte d’accusation selon laquelle il avait bénéficié d’un « traitement spécial » de la part de Walla était infondée, sans toutefois être une infraction pénale.
« De quel traitement spécial parle-t-on ici ? Je suis là depuis huit ans, c’est une partie de ma vie que l’on m’a volée », a fulminé Netanyahu en se plaignant du temps passé depuis l’ouverture des enquêtes contre lui.

« Ils [l’accusation] ont mis le pays à feu et à sang à cause d’un site Internet… Pourquoi m’a-t-on inculpé ? Pourquoi suis-je là aujourd’hui ? Pour des bêtises… Ils ont inventé de toute pièce cette histoire [de traitement spécial] pour avoir quelque chose à me reprocher… Quel est le critère sur lequel ils se sont basés pour mettre tout le pays à feu et à sang depuis cinq cycles électoraux ? »
Comme lors des précédentes audiences, Hadad a continué à souligner des aspects manifestement accablants de l’acte d’accusation contre le Premier ministre, dont l’accusation selon laquelle Netanyahu aurait exigé d’Elovitch que Walla publie un article sur le service militaire de son fils.
Netanyahu a déclaré au tribunal n’avoir aucun souvenir d’une telle demande, suggérant qu’elle pouvait avoir été le fait de son épouse, Sara. Bien que l’acte d’accusation mentionne que le site Internet a accédé à la demande de Netanyahu, Hadad a affirmé que Walla n’avait jamais publié pareil article.
« Il n’y a jamais eu d’article. Je ne comprends pas sur quelle base on parle d’ ‘exiger’… Nous n’avons pas trouvé d’article et aucun article n’a été déposé [dans les éléments de preuve]. Il y a d’autres anomalies de ce type », s’est agacé Hadad.
Ce a quoi le procureur Yehudit Tirosh a rétorqué « Les preuves, qui sont les pièces du puzzle, doivent être présentées », ce à quoi Hadad a répliqué d’un ton moqueur : « L’acte d’accusation est une énigme, les preuves, un puzzle ! »
Hadad a poursuivi en citant un article de Walla de 2014 reprochant à Netanyahu sa gestion de la campagne militaire contre le Hamas à Gaza, cette année-là, et l’accusant de ne faire preuve d’un manque d’empathie envers les victimes.
Netanyahu a expliqué au tribunal que Walla s’était ainsi rallié aux messages du groupe terroriste avant de se mettre en colère en qualifiant le site d’information de « Walla Hamas » ou encore de « Walla Akbar ».
Son témoignage a consisté à démontrer que, non seulement, Walla ne lui avait pas accordé de couverture médiatique favorable mais qu’en outre, il s’était montré très hostile.
Hada a évoqué une autre anomalie présumée, s’agissant du traitement favorable prétendument accordé par Walla à Netanyahu en novembre 2014 : des rumeurs avaient couru au sujet du transfert par hélicoptère de Netanyahu à l’hôpital pour un problème médical urgent.
L’acte d’accusation indique que le PDG du site Walla, Ilan Yeshua, aurait reçu et « traité » une demande de démenti ayant manifestement transité par Netanyahu.
Plusieurs médias ont effectivement publié un démenti suite aux appels passés par le cabinet du Premier ministre, déclarations de son médecin personnel à l’appui, mais pas Walla.
« Il s’agissait d’une demande normale – démentir une fausse information, mais je n’ai reçu aucune sorte de traitement spécial », a déclaré Netanyahu en ajoutant qu’il ne savait pas si quelqu’un avait contacté Walla.
L’affaire 4000, plus connue sous le nom d’affaire Bezeq-Walla, est la plus grave de celles auxquelles le Premier ministre a à répondre : il y est accusé de corruption pour bénéficier d’une couverture médiatique favorable, de fraude et d’abus de confiance. Il est également accusé de fraude et d’abus de confiance dans le cadre de deux autres affaires.
Netanyahu nie catégoriquement avoir commis quoi que ce soit de répréhensible et affirme, sans preuve à l’appui, que les accusations ont été montées de toute pièce dans le cadre d’un coup d’État politique des services de police et du Parquet.