Netanyahu et la droite sont sur le point de reprendre le pouvoir, et pour longtemps
Le coup de grâce porté à la coalition pourrait venir de toute part et il est certain qu'il viendra. Et Israël aura un gouvernement reflétant l'idéologie majoritaire
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
La coalition de huit partis au pouvoir en Israël depuis un an n’a jamais été le reflet fidèle des préférences idéologiques de l’électorat. Plus de 70 des 120 politiciens israéliens portés à la Knesset à la faveur du scrutin de mars 2021 sont issus de sept partis résolument de droite, laïcs ou religieux – Likud, Shas, Yamina, Yahadout HaTorah, Yisrael Beytenu, Sionisme religieux et Tikva Hadasha -.
Israël a été gouverné ces 12 derniers mois par une coalition couvrant l’intégralité du spectre politique, de droite à gauche, avec en prime un parti islamiste pour faire bonne mesure, parce que les dirigeants de trois de ces sept partis de droite (Yamina, Yisrael Tikva Hadasha) ont choisi de subordonner leurs principes à un intérêt jugé supérieur : évincer Benjamin Netanyahu.
C’est ainsi, qu’en juin dernier, Netanyahu s’est retrouvé dans l’opposition après 12 années au poste de Premier ministre – un record -, et que plusieurs de ses ex-alliés, Naftali Bennett en tête, ont uni leurs forces avec ses opposants politiques de longue date pour diriger le pays.
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Aujourd’hui, la coalition chancelle. Elle avait déjà perdu sa courte majorité et voilà qu’elle ne peut même plus assurer la parité 60-60 au Parlement.
Lundi soir, elle était loin d’avoir réuni les voix nécessaires à l’adoption d’une loi visant à proroger l’application de la loi israélienne aux résidents des implantations– loi à laquelle l’opposition de droite a mis son veto alors même qu’elle y est favorable, afin que Netanyahu puisse montrer aux Israéliens que leur gouvernement n’a tout simplement plus les voix requises pour gouverner-.
Immédiatement après cette défaite ignominieuse du Premier ministre Bennett, sa coalition et lui-même ont subi une autre humiliation lorsque l’une des députées Yamina, Idit Silman, s’est ouvertement positionnée dans le camp Netanyahu en votant « non » à la reconduction de son collègue de parti, Matan Kahana, au poste de ministre des Services religieux.
« Bennett – va-t-en », a immédiatement enchéri le Likud de Netanyahu. « C’est fini. »
Eh bien, pas tout à fait. Pas encore. Mais très bientôt.
Le coup de grâce porté à la coalition pourrait venir à tout moment et de toute part, mais il est certain qu’il viendra. Et lorsque l’intermède curieux, et finalement impraticable, du duo Bennett-Yair Lapid se sera refermé, la droite israélienne reprendra le pouvoir, vraisemblablement pour longtemps et pour mener une politique radicale.
Les sondages actuels montrent que ce que nous pourrions appeler la « droite hors coalition » renaît. Le Likud, le parti Sionisme religieux et les deux partis ultra-orthodoxes avaient obtenu 52 sièges lors des élections de mars 2021 et aujourd’hui, ils comptent 59 à 60 sièges, en une sorte de prélude à la majorité à la Knesset sans Bennett, Avigdor Liberman ou Gideon Saar.
Un sondage effectué mardi par Kan TV montre en effet que le parti Tikva Hadasha de Saar ne serait même pas représenté à la Knesset.
Ce même sondage laisse entendre que le parti Sionisme religieux – qui comprend parmi ses chefs de file le provocateur radical Itamar Ben Gvir – obtiendrait 10 sièges (contre six l’an dernier), dépassant le parti Yamina de Bennett comme premier parti de la droite religieuse. Loin de gagner du prestige, de l’éclat et du soutien en tant que Premier ministre, ce sondage et d’autres récents suggèrent que Bennett risque d’être sanctionné aux urnes pour avoir osé forger des partenariats avec des partis bien en dehors de la zone de confort de son électorat.
Le retour d’une droite menée par Netanyahu pourrait se passer d’élections. Malgré toutes ses dénégations, la perspective d’un anéantissement politique pourrait bien inciter l’ex-Likud Saar à rejoindre son ancien patron au sein d’un gouvernement alternatif, sans pour autant dissoudre le Parlement. Et même si Saar s’avérait être un homme de parole, d’autres transfuges de la coalition pourraient donner au chef du Likud la majorité nécessaire, sans pour autant retourner aux urnes.
D’une manière ou d’une autre, Netanyahu et son « camp nationaliste » sont sur le chemin du retour.
L’effort louable de Mansour Abbas de Raam pour inspirer une plus grande harmonie judéo-arabe et une plus grande coopération, du haut vers le bas, sera une autre victime collatérale. Et Israël aura un gouvernement d’une teinte idéologique reflétant celle de la majorité des électeurs, lorsqu’ils se sont exprimés il y a un an.
Israël a progressivement migré vers la droite au cours des vingt dernières années, traumatisé par l’assaut des kamikazes de la deuxième Intifada, et dissuadé de tout compromis territorial par la montée des forces terroristes du Hezbollah et du Hamas dans les territoires libanais et de Gaza, dont il s’est retiré.
L’opinion publique sait que le conflit avec les Palestiniens pourrait s’aggraver après le décès du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas ; il est très peu probable que son successeur soit plus conciliant. Mais Abbas, tout en n’orchestrant pas directement le terrorisme à la manière de son prédécesseur Yasser Arafat, a adhéré au faux récit d’Arafat niant le lien des Juifs avec leur patrie, et a donc permis que l’hostilité à l’existence-même d’Israël continue.
Restaurer la confiance des Israéliens dans la viabilité d’une équation « terre contre paix », Abbas ne l’a pas fait aussi catégoriquement. Et alors même que de nombreux Israéliens s’opposent à l’expansion des implantations dans les zones auxquelles Israël devrait renoncer si une solution à deux États semblait un jour plus viable, cela a depuis longtemps cessé d’être une position consensuelle.
Lorsque la coalition menée par Bennett tombera, Israël sera dirigé par des partis qui, en théorie, veulent un Israël impossible, mutuellement exclusif – un Israël qui contrôle pleinement la Cisjordanie (la Judée et la Samarie bibliques), conserve sa forte majorité juive et son caractère démocratique.
En s’attaquant à cette équation intenable, ce sont les politiciens qui auraient recours à la subversion de notre démocratie, plutôt que ceux qui renonceraient à l’annexion, qui ont maintenant la cote.
Netanyahu lui-même a choisi la paix avec les Émirats arabes unis plutôt que son projet d’annexion des implantations et de la vallée du Jourdain. Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir, du parti Sionisme religieux, les deux stars de la marche triomphaliste de Yom Yeroushalayim à travers le quartier musulman de la Vieille Ville, ne permettront pas facilement un autre pas de cette nature.
Smotrich et Ben Gvir pourront-ils exercer ce genre de pouvoir dans le prochain gouvernement israélien ? Netanyahu obtiendra-t-il enfin le soutien parlementaire dont il a besoin pour « réformer » le système judiciaire et s’extirper de son procès pour corruption ? Tout dépendra précisément de la manière dont la coalition actuelle s’effondrera, de qui et combien de ses députés quitteront le navire, de la question de savoir si cette Knesset se rassemble derrière un gouvernement Netanyahu ou si Israël retourne aux urnes.
Mais la direction est claire et le changement est imminent. Après un interrègne extrêmement improbable, la droite israélienne est en passe de revenir au pouvoir pour très, très longtemps – reflet des préférences idéologiques de l’électorat israélien. Et il n’est pas impossible qu’elle s’avère plus belliciste que jamais.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel