Netanyahu : La couverture « hostile » de Walla et les réformes des télécoms prouvent « l’absurdité » des allégations de corruption
Au cours du 2e jour de son témoignage, le Premier ministre a reconnu avoir tenté de changer l'orientation politique du site d'information et de s'en détacher, mais en vain
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Lors de son deuxième jour de déposition dans le cadre de son procès pénal, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a insisté à plusieurs reprises sur le fait qu’il n’avait jamais conclu d’accord avec l’homme d’affaires Shaul Elovitch. Il a également affirmé que l’allégation selon laquelle il aurait bénéficié d’une couverture médiatique positive de la part du site d’information Walla d’Elovitch était manifestement erronée.
Netanyahu a reconnu à la barre qu’il avait tenté de convaincre Elovitch de modifier l’orientation politique de Walla au profit de la droite, et qu’il était même allé jusqu’à lui conseiller de licencier son personnel. Toutefois, il a maintenu que le média ne lui était jamais devenu plus favorable et qu’en réalité, il lui était activement hostile.
Au cours de son témoignage, le Premier ministre a reconnu que son épouse Sara Netanyahu avait fait des demandes à Elovitch par l’intermédiaire d’un ami commun du nom de Zeev Rubinstein concernant des aspects spécifiques de la couverture médiatique de Walla, comme l’indique l’acte d’accusation.
Il a toutefois insisté sur le fait qu’il n’y avait jamais eu d’accord ou d’entente avec Elovitch pour qu’il bénéficie d’une bonne presse sur le site d’information, qualifiant cette allégation de « ridicule » et « d’absurde ».
Le témoignage du Premier ministre et les questions de son avocat mercredi se sont entièrement concentrés sur l’Affaire 4 000, dans laquelle il est allégué qu’à la suite d’une réunion majeure en 2012, Netanyahu et Elovitch seraient parvenus à un accord selon lequel le Premier ministre ferait avancer certaines réglementations en faveur d’Elovitch – qui était l’actionnaire majoritaire du géant des télécommunications Bezeq – et recevrait en retour une couverture médiatique favorable de la part de Walla.
L’atmosphère dans le tribunal de Tel Aviv était beaucoup moins agitée mercredi que le premier jour de son témoignage, avec seulement quelques protestations mineures à l’extérieur du palais de justice et une présence beaucoup plus faible des médias.
Pourtant, des tensions ont encore éclaté dans la salle d’audience après que Netanyahu a déploré un message du journaliste de la Treizième chaîne Aviad Glickman publié sur le réseau social X pendant le témoignage du Premier ministre. Dans ce message, le journaliste affirme que Netanyahu contredit ses propres déclarations faites à la police lors de son interrogatoire dans le cadre de l’enquête sur cette affaire.
L’avocat d’Elovitch a insisté devant le tribunal sur le fait que Glickman avait cité une transcription initiale des réponses de Netanyahu à la police, qui avait été modifiée par la suite après qu’un enregistrement de l’interrogatoire eut révélé que la transcription était erronée. Le Premier ministre s’est visiblement indigné et emporté, fustigeant Glickman – sans citer son nom – comme étant un porte-parole du bureau du procureur de l’État, et non comme un journaliste.
Les débats ont été brièvement interrompus à deux reprises après que Netanyahu a reçu des notes jugées suffisamment urgentes pour interrompre l’audience pendant plusieurs minutes. En fin de journée, le Premier ministre a demandé à s’entretenir en privé avec les juges, mais aucune décision n’a encore été prise à ce sujet.
Tout au long de la journée, Netanyahu a exprimé sa vive indignation face aux allégations contenues dans l’acte d’accusation, comme il l’a fait tout au long de la procédure judiciaire engagée contre lui. Il a également réaffirmé qu’il n’avait jamais conclu d’accord avec Elovitch, et encore moins un arrangement qui pourrait être considéré comme un pot-de-vin.
L’avocat de Netanyahu, Me Amir Hadad, a longuement interrogé le Premier ministre sur ce que la défense a décrit dans l’acte d’accusation comme une rencontre majeure entre lui et Elovitch, un dîner organisé par les Netanyahu pour Elovitch et son épouse.
Selon l’acte d’accusation, c’est au cours de cette rencontre que l’accord de contrepartie aurait été conclu entre les deux hommes.
Netanyahu a expliqué qu’il considérait ce dîner comme une occasion de faire connaissance avec Elovitch. Lorsqu’on lui a demandé si les deux hommes avaient discuté d’un accord de contrepartie, le Premier ministre a répondu : « Absolument pas. »
Netanyahu a déclaré sous serment : « Il ne m’a pas parlé de ses affaires, il ne m’a fait aucune allusion à ce sujet. Il ne m’a pas demandé quoi que ce soit. Et s’il avait demandé quelque chose, il aurait essuyé un refus catégorique. »
« Il n’est pas bon d’être un ami de Bibi, cela ne sert à rien », a-t-il poursuivi.
Il a déclaré qu’ils avaient discuté de Walla. Netanyahu a dit à Elovitch qu’il y avait une « opportunité économique à fournir au public de droite un média qui reflète ses positions ». Mais il a souligné que cela ne s’était jamais produit et que le site d’information avait persisté dans son attitude première, « gauchiste » et hostile à son égard.
Netanyahu a déclaré qu’Elovitch lui avait dit qu’il n’était pas si simple de changer l’orientation politique de Walla en raison du personnel en place au sein du média, ce à quoi le Premier ministre a dit avoir répondu : « Changez donc de personnel. »
Le Premier ministre a également déclaré sous serment que lorsqu’il a compris que Walla n’allait pas changer d’orientation politique, il a cherché des acheteurs potentiels en vue de se distancer d’Elovitch en 2013, bien qu’une telle décision n’ait pas été prise à l’époque
Me Hadad a également demandé à Netanyahu d’aborder les réformes du secteur des fournisseurs d’accès à Internet en Israël, mises en œuvre par son gouvernement après les élections de 2013. Le Premier ministre a déclaré que les réformes avaient ouvert le marché à la concurrence et brisé ce qui était, selon lui, le monopole de Bezeq à l’époque, puisque cette société contrôlait les principales infrastructures de télécommunications.
« Bezeq avait les câblages. Il fallait ouvrir ce monopole et cette infrastructure à d’autres entreprises », a déclaré Netanyahu.
Interrogé par son avocat, Me Hadad, sur la manière dont les réformes contre Bezeq « corroborent l’idée que vous aviez une relation ‘donnant-donnant’ avec Elovitch », Netanyahu a répondu que la réforme avait causé « de graves préjudices » à Bezeq et qu’elle « contredisait totalement cette théorie ».
« Elle s’effondre… c’est clair comme l’eau de roche », a-t-il déclaré, ajoutant : « Il n’y a jamais eu d’accord et en voici la preuve. »
Me Hadad a également longuement interrogé Netanyahu sur la couverture réelle du site d’information Walla, dont le Premier ministre a pris soin de souligner à plusieurs reprises qu’il était resté constamment hostile à son égard et à vis-à-vis de son programme, y compris après le dîner de 2012, alors que les élections législatives de janvier 2013 approchaient.
« C’était la veille des élections, c’est tout. Personne ne savait si je serais élu, c’était le moment de mettre en œuvre un ‘accord’ », a déclaré Netanyahu.
« Vous pouvez voir [à travers la couverture de Walla] qu’ils m’attaquaient et m’attaquaient et m’attaquaient. »
Me Hadad a demandé à Netanyahu pourquoi, s’il avait conclu un accord avec Elovitch pour obtenir une bonne presse de la part de Walla, il ne lui avait pas tendu la main.
« Parce qu’il n’y a pas eu d’accord. Toute cette théorie est en train de s’écrouler », a-t-il répondu.
Me Hadad a également noté que Netanyahu s’est entretenu avec Sheldon Adelson, le défunt propriétaire du journal gratuit pro-Netanyahu Israel Hayom, et son rédacteur en chef Amos Regev à des « dizaines » d’occasions en 2013, mais n’a parlé directement avec Elovitch qu’à deux reprises cette année-là.
Interrogé sur les raisons pour lesquelles il n’a pas parlé avec Elovitch, Netanyahu a répondu : « Je n’avais aucune raison de m’adresser à Walla ; c’était un peu comme Schocken », en référence à l’éditeur du journal de gauche Haaretz, Amos Schocken.
« Aux autres, j’ai fait des demandes, et c’est là toute la différence ; il n’y avait pas d’entente, pas d’accord avec Elovitch. Cela n’a pas existé. Il y avait une raison de s’adresser à eux, avec Walla il n’y en avait pas. »
Me Hadad a également interrogé Netanyahu sur l’implication de Zeev Rubinstein, un ami de Sara Netanyahu et d’Elovitch, qui, selon l’acte d’accusation, aurait servi d’intermédiaire pour de nombreuses demandes adressées par Netanyahu au propriétaire de Walla et à son PDG, Ilan Yeshua.
« L’idée selon laquelle je me suis adressé à Rubinstein pour rencontrer Elovitch est ridicule. Il vivait en Amérique. Il y a sept heures de décalage horaire, ce qui est énorme dans le monde de l’information sur Internet », a déclaré Netanyahu, ajoutant : « Je n’ai pas eu besoin de Rubinstein pour atteindre Elovitch. »
Netanyahu a affirmé que Rubinstein avait principalement formulé des demandes concernant la couverture de l’actualité par Walla de son propre chef, bien que le Premier ministre ait concédé que Sara était en contact avec lui et avait formulé certaines demandes.
Interrogé par le juge Moshe Bar-Am pour savoir s’il était au courant des demandes de Rubinstein en temps réel, Netanyahu a répondu « non », bien qu’il soit ensuite revenu légèrement sur ses propos, affirmant qu’il était peut-être au courant de certaines d’entre elles au moment où elles ont été formulées.
Des semaines de témoignages sont programmées
Dans les semaines à venir, Netanyahu devrait témoigner tous les lundis, mardis et mercredis, les séances du tribunal étant programmées jusqu’à la fin du mois de décembre. Les audiences doivent commencer à 10 heures et se terminer à 16 heures tous les jours, avec une pause pour le déjeuner.
Les avocats de la défense de Netanyahu interrogeront d’abord le Premier ministre, sur plusieurs jours. Une fois que la défense aura terminé son interrogatoire, les avocats de la défense du bureau du procureur de l’État auront la possibilité de contre-interroger Netanyahu, ce qui devrait durer la majeure partie du temps de présence du Premier ministre à la barre des témoins.
Les avocats du Premier ministre pourront alors, s’ils le souhaitent, rappeler Netanyahu à la barre pour clarifier certains aspects de son témoignage lors du contre-interrogatoire.
La Cour a déclaré qu’en cas de questions urgentes nécessitant l’attention du Premier ministre, elle examinerait s’il y a lieu ou non de suspendre la séance pour lui permettre de s’occuper du problème en question.
Dans un contexte de guerre et de chaos au Moyen-Orient, on peut raisonnablement s’attendre à un nombre non négligeable d’interruptions de la procédure judiciaire pendant le témoignage de Netanyahu.
Les accusations
Netanyahu est jugé dans trois affaires de corruption. Il est accusé de fraude et d’abus de confiance dans les affaires 1 000 et 2 000, ainsi que de corruption, de fraude et d’abus de confiance dans l’Affaire 4 000.
L’Affaire 1 000 porte sur des allégations selon lesquelles Netanyahu et son épouse Sara auraient reçu de manière illicite des cadeaux onéreux du magnat des médias hollywoodien Arnon Milchan, d’une valeur d’environ 700 000 shekels, et que Netanyahu aurait violé les lois sur les conflits d’intérêts en aidant Milchan à renouveler son visa de résidence longue durée aux États-Unis, et en cherchant à l’aider sur le plan fiscal.
Dans l’Affaire 2 000, le Premier ministre est accusé de fraude et d’abus de confiance pour avoir prétendument tenté de conclure un accord avec Arnon (Noni) Mozes, l’éditeur du journal Yedioth Aharonot. Selon cet accord, le journal accorderait au Premier ministre une couverture médiatique plus positive en échange d’une réglementation qui affaiblirait son principal rival, le journal gratuit Israel Hayom.
L’Affaire 4 000, également connue sous le nom d’Affaire Bezeq-Walla, est la plus grave à laquelle le Premier ministre ait jamais été confronté. Il est accusé d’avoir autorisé des décisions réglementaires qui ont bénéficié financièrement à Shaul Elovitch, actionnaire du géant des télécommunications Bezeq, à hauteur de plusieurs centaines de millions de shekels. En retour, Netanyahu aurait bénéficié d’une couverture médiatique favorable de la part du site d’information Walla, dont Elovitch est également propriétaire.
Netanyahu dément avoir commis des actes répréhensibles et affirme que les accusations ont été forgées de toutes pièces dans le cadre d’un coup d’État politique mené par la police et le ministère public.
Lors d’une conférence de presse tenue lundi soir, Netanyahu a accusé les enquêteurs de la police et les procureurs de l’État de « ne pas avoir trouvé de crime, alors ils en ont fabriqué un ».
« Ils arrêtent des dizaines de personnes autour de moi, ils ruinent leur vie, ils les extorquent avec des menaces pour qu’ils fassent un faux témoignage… Isolement, privation de sommeil… tout pour qu’ils fassent un faux témoignage. »
« Tout est bon pour faire tomber Bibi », a-t-il ajouté.