Israël en guerre - Jour 539

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Opinion

Netanyahu, le Premier ministre qui craint de répondre à la presse en temps de guerre

Le Premier ministre ne veut pas d'interaction avec les médias de sa nation et, par extension, avec le peuple israélien - même à cette heure tragique

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s'adressant à la nation lors d'un discours télévisé, le 13 octobre 2023. (Crédit : Capture d'écran ; utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur les droits d'auteur)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s'adressant à la nation lors d'un discours télévisé, le 13 octobre 2023. (Crédit : Capture d'écran ; utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur les droits d'auteur)

La dernière fois que le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait fait une apparition sur un plateau de télévision, c’était le 13 avril 2023.

L’entretien, diffusé par la Quatorzième chaîne – fermement pro-Netanyahu – s’était caractérisé par cette atmosphère de légèreté qui peut régner lors d’une discussion entre amis. Les « intervieweurs » étaient d’ailleurs les mêmes qui avaient chanté les louanges de Netanyahu avant l’élection du mois de novembre.

Ce qui est certain, c’est que les Israéliens n’avaient tiré aucune information importante de l’émission, si ce n’est quelques slogans au sujet de la dite « propagande anti-Netanyahu » sévissant, selon ce dernier, sur la Onzième, Douzième et Treizième chaîne. Une « propagande » qui venait, toujours selon le Premier ministre, jeter un voile sombre sur la réalité de ses stupéfiantes réussites et de sa grandeur.

Au début de sa conversation avec son ami et soutien Yinon Magal, Netanyahu avait accusé la chaîne qui l’accueillait de ne pas suffisamment évoquer ses succès.

« Si vous écoutez les journalistes, y compris sur ce plateau, les choses que nous mettons en place ne sont guère évoquées. Pourquoi ? Parce que les journalistes préfèrent principalement couvrir les manifestations qui s’opposent au projet de réforme judiciaire. J’ai fait une liste de tout ce que la presse ne vous dit pas », avait-il déclaré.

Cela fait des années que nous savons combien l’appétit de Netanyahu pour la publicité – positive, cela va sans dire – est insatiable. Et il ne s’est plus entretenu avec des médias locaux, pas même avec la Quatorzième chaîne, après cette apparition du mois d’avril. Il a accordé 20 interviews, depuis, à des journalistes sur des chaînes anglophones, à l’étranger. Mais il ne prend pas les questions si elles sont posées en hébreu.

Il s’agit d’un Premier ministre actuellement jugé pour corruption et une partie énorme de la nation ne lui fait plus confiance – mais il se refuse à échanger avec la population en s’exprimant dans la langue de cette dernière. Et depuis l’attaque meurtrière qui a été commise, il y a 15 jours, par le Hamas – 1 400 Israéliens ont été massacrés par le groupe terroriste – il n’a pas voulu répondre aux questions que pourraient lui poser les médias. Même en ces heures terriblement sombres, alors qu’Israël a été plongé dans la guerre par le carnage commis par le Hamas sur le territoire que notre leadership politique et militaire a été dans l’incapacité de protéger, Netanyahu n’a accepté aucune interview, aucune interaction sérieuse avec les médias israéliens et, par extension, avec ses citoyens.

Il a posté quelques vidéos – entraînant la panique lorsqu’il a diffusé un message filmé un vendredi soir, ce qui est très rare en plein Shabbat. Les Israéliens ont immédiatement pensé qu’il avait quelque chose d’important à dire, alors que la guerre avait commencé depuis six jours – mais il voulait simplement améliorer son image après avoir réalisé que le président américain Joe Biden avait d’ores et déjà rencontré les familles des otages. Mais même à ce moment-là, Netanyahu avait seulement à peine abordé la question.

« Je me suis entretenu aujourd’hui avec certaines familles qui ont perdu un être cher ou qui sont dans l’ignorance du sort d’un proche. Leur monde s’est effondré », a-t-il déclaré dans la vidéo – c’était la première fois qu’un Premier ministre prenait la parole devant la nation pendant Shabbat depuis 1994. Il s’est par ailleurs contenté de partager cette unique information au terme d’une nouvelle journée de combat sur la frontière avec Gaza.

Pendant des années, Netanyahu a affirmé dans des discussions privées – ses partisans et ses porte-paroles se font l’écho de ces affirmations avec une loyauté impossible à mettre en doute – que la raison pour laquelle il ne se prête pas au jeu des interviews est le manque de respect des journalistes à son égard. Une accusation qui est tout simplement insensée.

Les journalistes israéliens qui interviewent Netanyahu ont toujours posé des questions pointues, il ne l’ont jamais fait de manière peu respectueuse et ils ont toujours été prêts à suivre les orientations données par son Bureau.

Par exemple, leurs entretiens avec le Premier ministre se sont tenus dans des lieux qui convenaient à ce dernier, même si pendant les cinq derniers scrutins, il aurait dû être interrogé dans les mêmes conditions que les autres candidats. Mais plus de respect lui a été accordé – le genre de déférence réservée aux chefs de gouvernement.

Les journalistes l’ont laissé dévier des questions qui étaient posées, l’ont laissé apporter des réponses remplies de clichés, l’ont laissé les admonester et avant tout, ils lui ont permis de mener une campagne médiatique tambour battant dans la semaine précédant chaque élection et ce même si l’homme les dénigrait depuis des années.

Jamais Netanyahu n’a apporté aux médias la même considération que les médias ont pu lui apporter.

Le chef de l’opposition de l’époque, Benjamin Netanyahu, prenant la parole lors d’une conférence organisée par la Quatorzième chaine, à Jérusalem, le 23 octobre 2022. (Crédit : Yonatan SIndel/Flash90)

La dernière fois que Netanyahu a accepté d’être interviewé sur la chaîne Kan, la chaîne publique israélienne, c’était le 14 septembre 2019 – il y a plus de quatre ans.

Sur la Douzième chaîne et sur la Treizième chaîne, sa dernière apparition remonte au 20 mars 2021, il y a plus de deux ans et demi. Ensuite, il a accordé d’innombrables entretiens à la Quatorzième chaîne – une chaîne qui s’adresse uniquement au public israélien de droite, partisan du Premier ministre.

Aujourd’hui, en période de guerre, il tremble à l’idée de parler à la presse. Celui qui a détruit ses relations avec les journalistes est dans l’incapacité d’organiser une conférence de presse ou d’accorder un entretien alors que le pays qu’il dirige est en train de se battre.

Au cours de sa conversation avec le journaliste de la Quatorzième chaîne, le 13 avril, Netanyahu avait répété de nombreux clichés éculés : « Je le dis à nos ennemis, vous ne nous porterez pas atteinte. Le peuple d’Israël est bien vivant, il est fort, il est victorieux. Et maintenant, je vais répondre à votre question, Yinon. Par quoi souhaitez-vous commencer ? L’économie ? »

Mais Magal l’avait interrogé au sujet d’une évaluation faite par les services de renseignement qui avaient estimé que le risque de guerre ne cessait de croître et il lui avait demandé si cette menace était crédible. Netanyahu lui avait alors répondu avec l’arrogance qui est la sienne : « Je pense que cette affirmation est exagérée mais nous sommes toujours prêts à faire face à cette possibilité. Nous nous préparons en vue toutes les menaces et d’où qu’elles proviennent ».

« Nous frappons les Iraniens, nous frappons la Syrie et, au Liban, nous avons attaqué des cibles du Hamas et du Hezbollah. Le Hamas ne va pas ouvrir un autre front », avait-il prédit.

Le chef de l’opposition de l’époque, Benjamin Netanyahu, prenant la parole lors d’une conférence organisée par la Quatorzième chaine, à Jérusalem, le 23 octobre 2022. (Crédit : Yonatan SIndel/Flash90)

L’entretien avait continué dans la même veine : les médias ne saluaient pas suffisamment ses réussites ; lui, le Monsieur Sécurité auto-proclamé, opérait sur tous les fronts (des paroles creuses qui ne signifiaient rien, comme nous devions l’apprendre rétrospectivement à nos dépens) ; les médias créaient une panique non-nécessaire autour de la question du projet de refonte du système judiciaire du pays.

Seule une réponse apportée, ce jour-là, par Netanyahu s’avèrera être exacte, voire prémonitoire.

« Si nos ennemis pensent que ce débat intérieur au pays empêchera les Israéliens de présenter un front uni face au danger, ils se trompent. Ils pourraient être tentés à l’idée de nous attaquer parce qu’ils pensent que l’État d’Israël est en train de s’effondrer. Mais nous sommes un peuple fort dans un pays fort », avait dit Netanyahu, une prédiction qui se révèlera être juste au vu du grand nombre de réservistes et de bénévoles qui se sont rassemblés face à la guerre.

Le prix à payer de relations avec les médias détruites

Comme nous l’avons dit, Netanyahu affirme, depuis des années, qu’il ne parle plus aux médias israéliens en raison de leur manque de respect présumé et de leurs questions brusques. Mais même si cela devait être vrai, ce ne serait pas une raison suffisante pour que le leader d’un pays démocratique ignore ainsi les journalistes. Le dialogue avec les citoyens est un principe qui est au cœur de la démocratie.

Tout comme Netanyahu a piétiné les services publics, qu’il a permis à des trublions impossibles à contrôler de faire leur entrée au cabinet, qu’il a dénaturé la structure toute entière du gouvernement et qu’il s’en est pris au système judiciaire, il a aussi altéré la relation entre le dirigeant élu et la presse.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu sur la plateau des « Patriotes », une émission de la Quatorzième chaîne, le 13 avril 2023. (Capture d’écran : used in accordance with Clause 27a of the Copyright Law)

Tous les chefs de gouvernement qui avaient pu le précéder — Yitzhak Rabin, Ehud Barak, Ehud Olmert, Ariel Sharon et Shimon Peres — avaient été critiqués par les médias. Et alors ? Cela ne les avait pas empêchés de continuer à accorder des interviews et à donner des conférences de presse.

Et où en sommes-nous aujourd’hui ? Pendant une guerre terrible, voilà que Netanyahu a peur de prendre la parole et qu’il n’y a plus de journaliste avec lequel il a gardé un semblant de relations (à l’exception d’un groupe d’adulateurs de la Quatorzième chaîne).

Il a appelé les responsables de la Douzième chaîne, de la Treizième chaîne et du Yedioth Ahronoth , désespéré, suppliant qu’ils cessent de le critiquer en direct ou d’attendre six mois, après la fin de la guerre, pour le crucifier en place publique parce qu’il affirme que de telles critiques porteraient atteinte au moral de la nation.

S’il avait conservé une forme ou une autre de relation de travail raisonnable avec les commentateurs, les journalistes et les reporters au cours des quatorze dernières années, il aurait peut-être pu être entendu. Mais il a perdu la confiance de la majorité d’entre eux – et dans cette période d’urgence particulière, l’indignation publique a débordé.

Y a-t-il un seul pays démocratique au monde dont le leader n’organise pas de conférence de presse dans la langue nationale pendant des années d’affilée, où un dirigeant n’accorde pas d’interview, où il ne répond pas aux questions ?… Ignorant les règles fondamentales du discours public, Netanyahu subit un échec cuisant dans ce domaine – et dans de nombreux autres.

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