Nick Cave : L’antisémitisme de Kanye West « honteux » mais sa musique le dépasse
"Ce sera peut-être difficile d'écouter" ses disques mais "je donne plus de valeur à ce qu'il produit" qu'à ses idées et son personnage, a déclaré le chanteur australien
Le musicien et artiste australien Nick Cave a estimé jeudi que les propos antisémites à répétition tenus par Kanye West étaient « honteux » mais que sa musique dépasse « les pires traits de son personnage ».
« C’est un choix personnel d’écouter ou non quelqu’un qui a des vues » contestables, a-t-il dit lors d’une séance de questions et réponses au festival de littérature de Londres au Southbank Centre, à l’occasion de la sortie d’un livre d’entretiens avec Sean O’Hagan, « Faith, hope and carnage ».
« Actuellement il y a Kanye West qui tient des propos antisémites. Pour moi, il est le plus grand artiste de notre génération. J’adore sa musique. (…) Mais l’étalage de ses vues antisémites est honteux » et « profondément décevant », poursuit Nick Cave.
« Pendant un moment, ce sera peut-être difficile d’écouter un » de ses disques mais « d’une certaine manière je donne plus de valeur à ce qu’il produit » qu’à ses idées et son personnage, admet-il.
Kanye West a dit jeudi avoir perdu deux milliards de dollars en une journée, contrecoup des retraits en cascade d’entreprises – Adidas, Gap – coupant les ponts après des remarques antisémites en série tenues par l’artiste américain.
Dans une envolée apparente contre la « cancel culture », Nick Cave a expliqué devenir « impatient avec les gens condescendants, qui semblent se sentir supérieurs ».
Parlant de Morrissey, le musicien et chanteur britannique qui affiche des positions proches de l’extrême droite, Nick Cave affirme qu’il « a écrit certaines des plus belles chansons de ma génération » même s’il a des opinions « qui sont, j’imagine, inacceptables ».
L’artiste australien de 65 ans, vêtu de ses éternels costume noir, chemise blanche et cravate, avait plaisanté auparavant que pour sa génération, « c’était un devoir moral d’être offensant. La liberté d’expression était une vertu évidente quand je grandissais. Elle a été attaquée ».
Nick Cave dit se sentir moins aujourd’hui dans le mépris « des institutions, du gouvernement, des gens autour de (lui), des autres musiciens » que lorsqu’il était plus jeune.
« Il y a des choses qui sont plus importantes. Ce qui m’est arrivé dans la vie a changé ma perspective », a admis l’artiste touche à tout, qui termine une tournée et s’apprête à travailler sur un nouvel album.
Le chanteur, qui s’est produit à deux reprises en Israël, a évoqué son amour pour le pays et sa décision de prendre position contre le BDS lors d’une conférence de presse, en 2017. Il avait subi les foudres des militants en faveur du boycott d’Israël.
En 2018, dans une lettre ouverte publiée sur The Red Hand Files, le site de Nick Cave, et repérée par le site Rolling Stone, il expliquait pourquoi il était venu jouer en Israël, malgré les critiques qu’il cultive à l’égard du gouvernement.
« Je pense que le boycott culturel d’Israël est lâche et honteux. À vrai dire, il s’agit là de la raison principale pour laquelle je joue en Israël – non pas en soutien à une quelconque entité politique, mais plutôt contre toute volonté d’intimider, accabler et faire taire les musiciens », écrivait Nick Cave.
L’artiste australien qui parsemait ses textes de romantisme macabre a été rattrapé une première fois par la tragédie en 2015 avec le décès accidentel d’un de ses jumeaux, Arthur (l’autre, Earl est aujourd’hui acteur). A l’âge de 15 ans, l’adolescent est tombé d’une falaise près de Brighton (Angleterre), où la famille résidait.
Au printemps 2022, Nick Cave a perdu un demi-frère d’Arthur, Jethro Lazenby, âgé de 31 ans, dont les causes de la mort n’ont pas été divulguées.
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.