Nos ennemis flairent nos faiblesses
Il y a moins de deux semaines, le ministre de la Défense avait mis en garde contre les dangers sécuritaires exacerbés par les divisions dans le pays. Il était visionnaire
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Il y a deux semaines, le samedi 25 mars dans la soirée, Yoav Gallant, le ministre israélien de la Défense, s’était adressé à la nation et il avait émis une alerte :
« En vertu des devoirs qui me sont conférés en tant que ministre de la Défense de l’État d’Israël, je me tiens devant vous et je veux le souligner : Nous affrontons de grandes menaces – des menaces proches et plus distantes. L’Iran est plus proche que jamais de l’acquisition de capacités nucléaires. Le terrorisme palestinien se renforce. Au nord, la situation est tendue. En cette période et plus que jamais, nous affrontons des défis sécuritaires sans précédent ».
Gallant avait transmis les mêmes inquiétudes, en privé, au Premier ministre Benjamin Netanyahu et aux autres membres du gouvernement, les avertissant que les menaces extérieures étaient en train de s’aggraver parce que les ennemis d’Israël savaient flairer nos faiblesses internes, et il avait vivement recommandé d’organiser en urgence une réunion du cabinet de sécurité, déterminant dans la prise de décision, pour appréhender au mieux les dangers planant sur nous.
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Le ministre de la Défense avait dit à la nation, de manière plus spécifique, que l’insistance de son gouvernement à faire adopter les projets de réforme du système judiciaire israélien dans le cadre d’une campagne-coup de poing menée au parlement entraînait « une rupture croissante dans notre société » qui pénétrait désormais l’armée israélienne et les agences de sécurité. Une fracture si profonde, avait-il estimé, qu’elle posait « un danger clair, immédiat et tangible à la sécurité de l’État ».
Gallant avait ouvertement supplié Netanyahu, comme il l’avait supplié en privé, de stopper l’avancée des législations et de chercher « à initier un processus national d’union, avec une large participation… au nom de la sécurité israélienne, au nom de nos fils et de nos filles ».
Loin de mettre en pause le blitz législatif et de réunir le cabinet de sécurité, Netanyahu avait préféré tuer le messager de mauvais augure : Gallant avait été limogé dès le lendemain.
Et seulement vingt-quatre heures après ce renvoi, le 27 mars, alors qu’un mouvement de protestation spontanée avait envahi les rues de l’État juif et qu’une grève avait immobilisé une grande partie du pays, le Premier ministre avait temporairement suspendu le projet de refonte du système de la justice en Israël. Gallant reste limogé en théorie mais pas en pratique – au moment de la rédaction de cette tribune, le ministre de la Défense n’a pas encore reçu de courrier officialisant son départ. Quant au cabinet de sécurité, il ne s’était pas réuni. [Il s’est réuni pour la première fois depuis mois dans la nuit de jeudi à vendredi].
Et aujourd’hui, seulement quelques jours plus tard, les menaces externes qui avaient été évoquées avec inquiétude par le ministre de la Défense sont devenues bien réelles sur le terrain.
Jeudi, un barrage de roquettes a été tiré sur Israël depuis le Liban – le barrage le plus lourd depuis la Seconde guerre du Liban, en 2006. L’État juif a imputé cette attaque aux forces du Hamas, de l’autre côté de la frontière nord, tout en faisant remarquer qu’une telle offensive n’aurait jamais pu avoir lieu sans le soutien des forces terroristes du Hezbollah, implantées sur le territoire libanais.
Il y a eu des tirs de roquette répétés en provenance de la bande de Gaza également, ces derniers jours, l’armée de l’air israélienne frappant en riposte des cibles du groupe terroriste au sein de l’enclave.
Et le terrorisme palestinien est en recrudescence, en effet. Ainsi, deux sœurs ont été tuées vendredi dans la Vallée du Jourdain et leur mère est actuellement dans un état critique.
Une grande partie de cette escalade fait écho aux événements qui avaient eu lieu lors de la dernière flambée majeure d’hostilités et de violences, au mois de mai 2021 – une période qui avait aussi coïncidé avec le ramadan, avec les mêmes efforts concertés du Hamas et des autres organisations terroristes d’initier des violences et des attentats autour des « menaces » présumées planant sur la mosquée al-Aqsa, sur le mont du Temple. A cette époque, comme aujourd’hui, les Palestiniens avaient été sommés de se barricader dans le lieu de culte ; à cette époque, comme aujourd’hui, des confrontations violentes avaient suivi, offrant des images et des photos qui suscitent une colère intense chez les Palestiniens et dans le monde musulman, appelant à davantage de violences.
A cette époque, comme aujourd’hui, les Palestiniens de Jérusalem-Est et les Arabes vivant en Israël, notamment dans les villes mixtes, ont été aspirés dans ces violences. Au moment de l’écriture de cette tribune, tandis que l’offensive du Liban a surpassé n’importe quelle autre attaque transfrontalière ayant été commise de ces dernières années, les violences à Jérusalem ou sur le territoire israélien sont moindres par rapport à ce qui s’était passé, il y a deux ans.
Avec des défis à relever sur de multiples fronts, le chef d’état-major a ordonné vendredi le rappel d’un nombre indéterminé de réservistes de l’armée de l’air – notamment de pilotes de combat. Un grand nombre d’entre eux avaient averti qu’ils ne feraient pas leur devoir de réserve si le projet de réforme judiciaire devait être adopté sous sa forme actuelle, qui correspondrait à une véritable révolution du système de gouvernance en Israël. Un ministre du Likud avait d’ailleurs jugé bon de leur dire à cette occasion qu’ils « iraient en enfer ».
Il est fort probable que tous répondront à l’appel lancé par le chef d’état-major.
Toutefois, la fracture que Gallant avait soulignée dans son discours n’a pas été soignée. La législation qui accorderait à la coalition le contrôle presque complet des nominations des juges en Israël, politisant et neutralisant le système judiciaire en conséquence, a été soumise à la Knesset en amont de sa deuxième lecture et de sa troisième lecture (la dernière) – ce qui signifie qu’elle peut être présentée devant le Parlement (presque) sans avertissement préalable. Et les discussions « de compromis » qui sont actuellement menées sous les auspices du président Isaac Herzog ne se dérouleraient pas bien, semble-t-il.
De son côté, Gallant reste un ministre de la Défense dans l’expectative – une situation intenable, en particulier dans la mesure où il est au sommet d’une hiérarchie militaire qui est dorénavant déployée pour protéger Israël sur les fronts Nord, Est et Sud, pour s’opposer aux agressions coordonnées par les ayatollahs en Iran.
Alors qu’Israël était agressé de toute part, Netanyahu a finalement convoqué jeudi soir le cabinet de sécurité. Soulignant qu’il agissait sur les recommandations de l’establishment en charge de la sécurité, la coalition a cherché à déterminer une riposte à l’escalade qui permettrait de réaffirmer les capacités de dissuasion d’Israël sans pour autant plonger la région dans un conflit plus profond – un exercice d’équilibriste au beau milieu du ramadan et de Pessah, alors qu’une vaste foule de musulmans va prier à Al-Aqsa et que de nombreux fidèles Juifs devraient se rendre au mur Occidental, en-dessous, dimanche, pour la bénédiction sacerdotale du « birkat kohanim« , à l’occasion de la fête.
Jurant que les ennemis d’Israël paieront « un prix significatif » pour leurs agressions, le Premier ministre a déclaré que « le débat intérieur qui est en train de se dérouler entre nous ne nous empêchera pas d’agir contre nos ennemis partout où il faudra le faire et quand il faudra le faire. Nous sommes tous unis à ce sujet et sans exception ».
Les leaders de l’opposition ont, en effet, promis de soutenir « toutes les actions responsables et déterminées du gouvernement visant à restaurer le calme et à renforcer la dissuasion », a dit Benny Gantz, le chef de HaMahane HaMamlahti, dans la soirée de jeudi.
Mais comme Gallant l’a affirmé, cette unité est encore en péril.
Comme il l’avait dit au Times of Israel en date du 25 mars : « Nous devons laisser de côté les questions : ‘Qui a commencé ?’ ou ‘Qui a raison ?’ et lancer, à la place, un processus national d’unification avec une participation large, un processus qui renforcera l’État d’Israël et qui préservera la force de l’armée israélienne ».
Le traitement, par le Premier ministre, de son ministre de la Défense – ignorant la demande directe de Gantz qui le sommait d’annoncer que Gallant serait maintenu à son poste – est un emblème de cette rupture en soi.
Et nos ennemis ne flairent nos faiblesses que trop clairement.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel