« Nous sommes les seuls à pouvoir écarter Netanyahu », dit Gideon Saar
Le leader de Tikva Hadasha lance un appel à tous les électeurs réellement désireux, dit-il, de mettre un terme à l'ère Netanyahu
Gideon Saar, 54 ans, a été membre du Likud pendant trois décennies. Il a même occupé la deuxième place sur la liste électorale du parti.
Puis, au mois de décembre, il a quitté la formation et fondé un nouveau mouvement politique : Tikva Hadasha.
Alors qu’il était, par le passé, l’un des politiciens les plus populaires du Likud, Saar est devenu l’une des innombrables étoiles montantes du parti lors de ses élections primaires – des étoiles montantes qui, au fil des années, n’ont toutefois jamais cessé de se heurter au plafond de verre représenté par un indétrônable Benjamin Netanyahu au firmament de la formation.
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Netanyahu a depuis longtemps montré ses talents consistant à saper et à écarter tous ceux qu’il est amené à considérer comme des challengers potentiels – créant un étrange phénomène constaté aujourd’hui par le public israélien. En effet, pas moins de trois partis politiques de droite qui défient actuellement l’homme fort du Likud lors des élections – Yisrael Beytenu d’Avigdor Liberman, Yamina de Naftali Bennett et Tikva Hadasha de Gideon Saar – ont tous été créés par d’anciens responsables du Likud poussés vers la porte par son leader (d’autres ont aussi tenté d’exister par le passé, comme Koulanou, le mouvement de Moshe Kahlon aujourd’hui disparu).
Les trois hommes nourrissent le désir de voir enfin se terminer la longue gouvernance de Netanyahu et leur capacité à attirer les électeurs de droite des formations pro-Netanyahu – d’abord Liberman au cours des deux scrutins de 2019 puis Bennett et Saar dans le vote actuel, selon les sondages – a empêché Netanyahu de former un bloc uni de droite au cours des scrutins des deux dernières années, ce qui lui aurait permis une victoire sans équivoque dans les urnes.
Lorsqu’il a fondé Tikva Hadasha, au mois de décembre dernier, Saar avait un message simple à transmettre aux Israéliens qui voulaient un changement de Premier ministre : celui que seule la droite pouvait mener à bien cette mission. Il n’y avait pas suffisamment d’électeurs de centre-gauche – ou, tout du moins, pas assez d’unité au centre-gauche – pour que ce dernier soit en mesure d’atteindre cet objectif.
Et après deux années de frustration pour les électeurs de centre-gauche, le message a été bien reçu. Un sondage réalisé le 15 décembre par la Douzième chaîne a ainsi accordé 21 sièges à Tikva Hadasha.
Mais, les mois passant et le Parti travailliste et Yesh Atid au centre-gauche ayant trouvé leur place dans la course en réintégrant les électeurs de gauche et centristes dans leurs rangs, Saar a connu un déclin lent et constant dans les enquêtes d’opinion. Le 12 janvier, un sondage de la Douzième chaîne prévoyait que la formation s’adjugerait 16 sièges. Ces projections ont baissé à 13 sièges en date du 16 février et enfin à neuf sièges jeudi.
Saar avance vers le vote de mardi bien conscient que son espoir initial d’être celui qui parviendra à remplacer un Netanyahu déchu est devenu probablement hors de portée.
Toutefois, son argument essentiel, répété mercredi lors d’un entretien accordé au Times of Israël, n’a pas changé : au point de vue mathématique, lorsqu’il s’agira de négocier la prochaine coalition au lendemain des élections, seule une droite anti-Netanyahu forte – un parti Tikva Hadasha fort, pour le dire autrement – peut mettre un terme à l’ère Netanyahu.
Cet entretien accordé au Times of Israël entre dans le cadre d’une série d’événements organisés et d’interviews accordées par Saar ces derniers jours pour tenter, à quelques jours du scrutin, de convaincre les électeurs décidés à donner leur voix au parti centriste Yesh Atid et aux formations de gauche que leur choix original pourrait ne pas produire les résultats qu’ils escomptent.
Saar doit se livrer à un exercice compliqué pour passer entre les gouttes. Il est à la tête d’un parti qui ne cache pas son orientation à droite et qui tente d’attirer des électeurs de centre-gauche pour atteindre son objectif politique, et d’une formation explicitement anti-Netanyahu qui s’efforce de faire passer ce message alors même que la campagne de vaccination dirigée par le Premier ministre permet aujourd’hui de faire sortir le pays de la pandémie.
Pendant la conversation, lorsqu’il lui a été demandé pourquoi Netanyahu bénéficiait encore du soutien des électeurs les plus fiables du corps politique – celui des partisans du Likud – malgré les échecs gouvernementaux enregistrés pendant l’épidémie, il choisit de ne pas répondre, préférant souligner qu’une majorité de l’électorat « veut encore le changement », même si les préférences majoritaires sont actuellement trop éparses pour permettre ce changement.
Et son principal argument est finalement tactique – il décide ainsi de s’adresser aux électeurs de droite frustrés par Netanyahu et aux électeurs du centre-gauche qui font du départ du leader du Likud la priorité absolue parmi toutes les autres.
The Times of Israël: Vous avez juré de ne pas vous joindre à une coalition placée sous l’autorité de Netanyahu. C’est là la promesse que vous avez faite aux électeurs. Qu’a-t-il de si terrible ? La campagne de vaccination est un succès, les chiffres du Likud augmentent dans les sondages – lentement, seulement un petit peu mais encore suffisamment pour faire potentiellement la différence dans une course qui sera serrée. Les choses semblent aller bien pour le pays et pour lui, non ? Pourquoi est-il si important de le remplacer ?
Gideon Saar: Je pense que tous ceux qui observent actuellement la situation d’un pays qui se prépare à se rendre aux urnes pour la quatrième fois en l’espace de deux ans, et pour un coût total de 15 milliards de shekels, comprennent très bien que la raison pour laquelle nous nous trouvons dans ce cycle électoral interminable, c’est précisément Netanyahu.
C’est Netanyahu qui a réclamé des élections anticipées à la fin de l’année 2018. C’est lui qui a dissout la Knesset suivante seulement un mois après sa formation, au mois de mai 2019. C’est lui qui a échoué à former un gouvernement lors de la deuxième manche, après les élections du mois de septembre 2019.
C’est encore lui qui, même s’il disposait d’une coalition de plus de 70 membres à la Knesset [depuis le mois de mai 2020], une coalition qui aurait pu adopter un budget, a choisi à la place de précipiter le pays vers un quatrième scrutin en l’espace de deux ans parce qu’il n’avait pas la volonté de respecter les termes d’un accord [de coalition] qu’il avait signé.
Et, constatant tout cela, il est clair comme de l’eau de roche que Netanyahu, aujourd’hui, fait passer en priorité ses intérêts personnels au détriment de l’intérêt du pays. Ce qui a entraîné des dégâts terribles pour l’État d’Israël, pour l’économie, pour notre tissu social. Et je crois donc qu’il doit y avoir un changement, et j’espère que ce changement surviendra mardi prochain.
Je pense que de nombreux Israéliens, et notamment les partisans de Netanyahu, reconnaissent que la ligne de fracture majeure entraînant ces élections répétées est la lutte contre Netanyahu lui-même. Pourquoi pensez-vous que malgré les échecs accumulés dans la gestion de la pandémie, et malgré les agitations politiques, il est encore capable de décrocher 27 à 30 sièges pour le Likud de la part d’électeurs qui lui restent fidèles ? Comment comprenez-vous ce soutien qui reste très stable ? Nous pouvons assister à des changements majeurs au niveau de l’électorat pour n’importe qui d’autre dans le spectre politique, mais autour de lui, il y a cette stabilité.
Je pense que si vous regardez les scrutins précédents et que vous les comparez à celui-ci, Netanyahu a baissé. [Le Likud avait remporté 36 sièges dans la course en 2020 et les sondages, actuellement, lui accordent légèrement moins de 30 sièges.]
Mais je n’ai pas l’intention de me poser ici en tant qu’analyste politique. En tant que responsable désireux de changer la réalité actuelle dans l’intérêt de mon pays, j’ai pris une initiative au mois de décembre en quittant le Likud – qui a été mon foyer politique pendant toute ma vie d’adulte – et j’ai fondé Tikva Hadasha pour créer une possibilité de changement.
Cette possibilité de changement dépend d’un cadre politique qui comprend aussi bien les électeurs du centre et de la droite, et ceux qui ne peuvent pas passer de l’autre côté de l’échiquier politique mais qui sont conscients de la nécessité de changer de gouvernement. Ce cadre est essentiel pour enfin apporter le changement, mardi.
Je le dis aussi clairement que possible : aucun autre élément, aucune personnalité politique à la gauche ou au centre, ne sera en mesure d’incarner ce changement. Si le public nous apporte suffisamment de force, alors nous aurons une chance d’unir les éléments centristes de la droite et le centre-gauche pour former un gouvernement qui remplacera celui de Netanyahu.
Vous pouvez unir, par exemple, les partis ultra-orthodoxes et le parti laïc Yesh Atid ?
Je ne vais pas entrer dans ce à quoi pourrait ressembler la coalition. Cela manquerait de sérieux d’aborder la question de la formation d’une coalition alors que nous ne connaissons pas encore les résultats des élections.
Mais cette possibilité a le potentiel de se réaliser, un potentiel qui n’existait pas, au mois de décembre 2020, quand j’ai fondé Tikva Hadasha. J’espère vraiment que le public le comprend et qu’il nous apportera la force nécessaire.
Vous ne voulez pas débattre au sujet d’une coalition, mais de nombreux électeurs vont voter de manière tactique, sur la base de ce à quoi ressemblera, selon eux, la future coalition – et les campagnes répondent à cela. Netanyahu demande aux électeurs de réfléchir au vote pour le Parti sioniste religieux afin de conserver ce dernier au dessus du seuil électoral. Lapid fait la même chose pour le Meretz. Comment prenez-vous vous-même en charge ce vote tactique ?
Je dis quelque chose à l’électeur israélien – à cette partie de l’électorat qui, je pense, constitue la majorité du public israélien, la majorité du public israélien voulant le changement : si vous voulez le changement, et c’est non seulement le changement de celui qui nous gouverne, mais c’est aussi le changement de la manière dont nous nous adressons les uns aux autres, un changement dans notre système de gouvernement, un changement dans les questions politiques majeures, dans l’économie, dans l’éducation, dans la sécurité intérieure… Je le dis : si vous voulez ce changement, nous pouvons le mener à bien.
Ne perdez pas votre bulletin pour des partis qui ne sont pas attachés à ce changement ou, vous le savez des expériences passées, qui n’ont pas une chance pratique de pouvoir l’entraîner.
Vous avez publié un programme pour votre parti. Il est détaillé, vous y avez placé votre pensée, vos efforts. Vous avez seulement mentionné des réformes gouvernementales – elles s’y trouvent. Mais Kakhol lavan, au cours des deux dernières années, quand la formation remportait 30 sièges et plus, n’avait pas vraiment d’agenda politique unifié et détaillé. Cela fait des années que le Likud n’a pas publié de programme. Il semble que le public ne récompense pas véritablement les arguments politiques détaillés. Les questions politiques ont-elles une pertinence dans ces élections ?
Certaines parties du public sont très intéressées par les contenus, oui. Par exemple, nous avons publié un programme sur l’environnement et nous avons constaté un très fort intérêt de la part des groupes des défenseurs de l’environnement – pas du public entier, mais il est évident que certains s’intéressent beaucoup aux thématiques politiques.
Un parti sérieux, un parti qui veut amener le changement – je m’intéresse à ces politiques qui permettront de mettre en place ce changement, qui permettront d’améliorer la vie ici, d’améliorer la qualité de vie des citoyens israéliens. La politique, sans prise en compte de ces éléments, n’est pas intéressante. Et c’est pour cela que nous avons rédigé 30 plans distincts sur notre site internet qui abordent la majorité des problématiques importantes pour les Israéliens. Et nous continuons encore aujourd’hui à travailler sur plus de contenus.
Nous sommes un nouveau parti qui a été créé il y a trois mois. Mais nous avons réussi à créer des contenus pour cette élection, pour tous ceux qui seront intéressés.
J’ai sorti un livre d’échanges pendant la campagne parce que j’ai eu le sentiment que le discours ne portait pas sur des questions politiques, mais constituait majoritairement une discussion d’analyse politique. Je ne suis pas en train de dire que le public ne s’y intéresse pas mais en fin de compte, il est dans l’attente de réponses sur la manière dont la vie va être affectée. C’est l’essence même de la politique et tous les partis devraient faire ainsi. Et ce n’est pas ainsi que se passent les choses dans tous les partis – c’est malheureux et c’est un problème dans notre vie politique.
Après les élections, en présumant que les sondages actuels se confirment dans les urnes, votre parti se maintiendra-t-il ? Pensez-vous avoir établi un équivalent à Yesh Atid, qui reste solide après huit d’années d’existence et cinq élections, ou un Koulanou, qui s’est essoufflé après sa seconde course ?
Le parti se maintiendra, bien sûr. J’ai fondé Tikva Hadasha pour qu’il s’implante à long-terme. Je vais enraciner la formation dans tout le pays. Nous avons d’ores et déjà établi 150 branches du parti en un délai très court. Je crois très fortement au terrain. Ce sera un mouvement démocratique. Toute ma vie, j’ai appartenu à un mouvement démocratique et toutes les victoires que j’ai connues m’ont été données par les urnes.
Et il y a dans le paysage politique israélien d’aujourd’hui tout l’espace nécessaire pour un parti libéral de centre-droit. Il manquait beaucoup. Je pense que vous pouvez le constater dans le fait que toutes les formations qui ont été mises en place avant ces élections – celles de Huldai et de Shela, et de Bogi, et de Zelekha, absolument toutes – ont abandonné la course ou ne franchissent pas le seuil électoral de représentation à la Knesset [en référence aux partis HaIsraelim de Ron Huldai, Tnufa d’Ofer Shelah, Telem de Moshe Yaalon et au Nouveau parti économique de Yaron Zelekha].
Le seul à être parvenu à trouver une base, c’est Tikva Hadasha, et je pense que cela signale un désir réel parmi les électeurs de voir émerger un parti libéral de centre-droit.
Parlez-moi de la dite « Loi française » qui octroierait l’immunité à un Premier ministre face à une enquête criminelle pendant tout l’exercice de son mandat. Nous avons entendu certains candidats pro-Netanyahu promettre qu’ils feraient avancer une telle législation.
Nous sommes opposés à la Loi française. La raison pour laquelle cette idée figure même dans les gros titres, ces derniers temps, c’est parce qu’elle a figuré dans les demandes, lors des futurs entretiens de coalition, d’Itamar Ben-Gvir [de la liste du Sionisme religieux].
C’est ainsi que Netanyahu aime faire les choses. D’autres font le travail à sa place et il se contente de dire : « Je n’y suis pour rien. »
Je pense qu’une telle législation qui vise à mettre un terme au procès de Netanyahu contreviendrait au principe d’égalité devant la loi.
Et l’initiative opposée, la proposition d’adopter une loi qui disqualifierait d’emblée une personnalité mise en examen, comme c’est le cas de Netanyahu, pour occuper le poste de Premier ministre ?
Nous allons réfléchir à notre positionnement. Mais une telle législation ne s’appliquerait pas de manière rétroactive. Elle ne s’appliquera pas à la 24e Knesset. Il est impossible de changer les règles au beau milieu du jeu.
Devons-nous instituer une telle limite à l’avenir ? En nous basant sur ce que nous avons tous vécu l’année passée, il y a très certainement des raisons de penser que cette possibilité soit prise au sérieux. Mais, une fois encore, pas de manière rétroactive.
Enfin, pensez-vous que cette élection sera décisive ou pensez-vous que nous pourrions bien avoir une nouvelle fois cette conversation dans trois mois, avant un cinquième scrutin ?
Si Tikva Hadasha fait une démonstration de force lors des élections, il n’y aura pas de cinquième scrutin.
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