Nucléaire : Blinken et Le Drian mettent la pression sur Ebrahim Raïssi
Washington et Paris ont averti les autorités iraniennes que le temps pressait pour sauver l'accord sur le nucléaire et qu'elles devaient se résoudre à prendre des décisions
Les Etats-Unis et la France ont averti vendredi les nouvelles autorités iraniennes que le temps pressait pour sauver l’accord sur le nucléaire iranien et qu’elles devaient se résoudre à prendre des « décisions courageuses et fortes ».
Une semaine après l’élection de l’utraconservateur Ebrahim Raïssi à la présidence de l’Iran, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, en visite à Paris, a affirmé qu’il serait « très difficile » pour les Etats-Unis de revenir dans l’accord si les négociations en cours devaient s’éterniser.
« Il arrivera un moment où, oui, il sera très difficile de revenir aux standards établis par le JCPOA », , a-t-il déclaré, lors d’une conférence de presse commune avec son homologue français Jean-Yves le Drian.
Le chef de la diplomatie française, dont le pays est cosignataire de l’accord avec l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Russie et la Chine, a pour sa part exhorté Téhéran à faire un pas décisif en faveur d’un sauvetage du JCPOA.
« Nous attendons des autorités iraniennes qu’elles prennent les dernières décisions, sans doute difficiles, qui permettront de conclure » les négociations engagées à Vienne, a-t-il dit, tout en faisant part d’un « optimisme modéré mais d’un optimisme quand même ».
« C’est le moment. On arrive au terme du processus. On arrive dans la phase dure » qui « supposera des décisions courageuses et fortes », a-t-il martelé.
Pression sur le Liban
Le « JCPOA » offre à l’Iran un allègement des sanctions occidentales et onusiennes en échange de son engagement à ne jamais se doter de l’arme atomique, et d’une réduction drastique de son programme nucléaire, placé sous un strict contrôle de l’ONU.
Mais cet accord a été torpillé en 2018 par la décision de l’ex-président américain Donald Trump de s’en retirer et de rétablir les sanctions américaines. En riposte, l’Iran a renoncé à une partie de ses engagements.
A son arrivée à la Maison Blanche en janvier, Joe Biden a annoncé son intention de revenir dans cet accord et des négociations ont repris en avril dans la capitale autrichienne entre les pays signataires pour définir le cadre de ce retour.
Vendredi, la France et les Etats-Unis ont par ailleurs affiché leur volonté de faire pression ensemble sur la classe politique libanaise afin de sortir le pays de la crise économique et financière sans précédent dans lequel il est englué.
« Nous constatons ensemble le drame que serait que ce pays se fissure, disparaisse. Nous avons décidé d’agir ensemble pour faire pression sur les responsables. On les connaît », a déclaré M. Le Drian. « Il faut un réel ‘leadership’ à Beyrouth », a renchéri Antony Blinken.
Le président Emmanuel Macron s’est fortement impliqué, jusqu’ici sans succès, pour obtenir la formation d’un gouvernement susceptible de mettre en œuvre les réformes réclamées par la communauté internationale en échange de nouvelles aides.
« Tu es ici chez toi »
Les Etats-Unis ont aussi réaffirmé un soutien sans faille à la France dans sa lutte contre le jihadisme au Sahel, à l’heure ou Paris annonce une réduction et une réorganisation de sa présence militaire dans la région.
« Nous avons été les partenaires les plus proches et ce partenariat va se poursuivre », a assuré le secrétaire d’Etat américain. Les Etats-Unis fournissent une précieuse aide en matière de renseignement à la force Barkhane, qui compte plus de 5.000 hommes sur le terrain.
Les deux responsables ont également minimisé les divergences de leurs deux pays sur le rôle de l’Otan face à la Chine, menace numéro un dans le monde aux yeux des Etats-Unis, qui souhaitent voir l’Alliance s’impliquer plus sur cet enjeu stratégique, contrairement à Paris. « Nous avons décidé de nous coordonner » dans les réponses à apporter face à la Chine, a simplement répondu Jean-Yves Le Drian.
Les deux ministres ont affiché leur plaisir à échanger ensemble en français, Antony Blinken, qui a vécu une partie de sa jeunesse à Paris, étant un parfait francophone.
« Ici, tu es un peu chez toi. Je serais tenté de dire : bienvenue chez toi ! », lui a lancé Jean-Yves Le Drian.
« Permettez-moi de dire à quel point je suis content de me retrouver en France, une deuxième patrie pour moi », a répondu son homologue.
Antony Blinken, aujourd’hui âgé de 59 ans, est arrivé enfant en France, où il a passé toute la décennie 1970 avec sa mère, remariée à l’avocat Samuel Pisar, l’un des plus jeunes rescapés de la Shoah.